Passer les fêtes dans le club. Impossible, nous direz-vous. Les clubs sont fermés, on est tous au chaud, devant la cheminée, à attendre patiemment que Mamie Huguette digère la bûche à la noisette, que le petit Lucien 18 mois renverse le sapin et que l’oncle gênant ait fini de raconter sa blague – la même, comme tous les ans. Impossible car en France, les traditions sont ciment. C’est tant mieux ? Et si tu voyais, cette année, les choses du côté backroom ? Si tu passais, comme Paul-Sinh et Raji, les fêtes de Noël, dans le club ?

En France un peu complexe, à Berlin, passer Noël en boîte, c’est la tradition pour certains. Mais Berlin, si loin ? Pas tant. Car on connait deux djs qui ont décidé d’aller jouer un 25 décembre comme un autre. Oué. Noël derrière les platines, à Berlin, et à l’About Blank de surcroît. Paul-Sinh et Raji, de ce qu’on en connaît d’eux, c’est que ce sont de super potes, que la fête ne leur est pas maîtresse, mais adorable et enchanteresse compagne de vie. Rien que ça.

Paul-Sinh a toujours le sourire et le mot qui fait chaud au coeur. Fêtard professionnel, avec Paul-Sinh y’a jamais de bile à se faire. Raji est multi-facettes, la malice dans le regard, coquinerie du sourire, et n’a pas encore dit à sa mère qu’il se serait pas là pour Noël. Aouch. Paul-Sinh est rédac chef du magazine Beat à l’air, Raji co-fondateur de Zoll Projekt. Tous les deux sur-impliqués dans le monde de la nuit parisienne et son ouverture, quoi de plus naturel, pour ces amoureux transis de teuf, que de passer Noël parmi leurs semblables, à s’éclater la tête sur le beat et à taper le bitume de l’About Blank sans inhibition ?

À J-8 de la grande messe noëlesque Factory, on a décidé de sonder ces deux personnalités hors du commun qui ont décidé de changer, le temps d’une réunion de famille pas comme les autres, les règles du game.

Paul-Sinh, Raji, qui êtes-vous ?

Paul-Sinh  : Salut moi c’est Paul-Sinh (ou PS si tu préfères), et comme je suis super original mon nom de scène c’est Paul Sinh. Tu t’y retrouveras ? Je fais partie du collectif et webzine Beat à l’air dont je suis aussi redac’ chef. J’ai pas encore 30 ans, et dans la vraie vie je bosse dans les moteurs d’avions. En soirée je suis soit derrière les platines, soit tout empailleté en train de danser avec Raji, et ça n’a pas changé depuis notre rencontre en 2014 à Berlin.

Raji : Mes parents m’ont donné, lors d’une chaude journée d’été tunisien, il y a 25 ans, le prénom de Raji, qui se trouve également être mon nom de scène actuel (si un jour je perce sans le vouloir, je le changerai peut-être, mais ça nécessite une certaine prédiction de l’avenir, pouvoir que je n’ai (mal)heureusement pas encore). J’ai co-fondé il y a un peu plus de deux ans le collectif Zoll Projekt, avec lequel nous lancions plus tôt cette année le label du même nom. Mes potes me surnomment La Rajette, ou encore Raj, et j’aime bien porter des chaussettes colorées.

Vous vous êtes rencontrés à Berlin donc ?

Raji : Oui il y a quatre ans et demi sur le floor cabanon du Ritter Butzke, lorsque nous vivions tous deux là-bas, et on s’est plus lâchés depuis !

Vous vous donnez quel rôle dans la nuit ?

Paul-Sinh : L’hyperactif insupportable qui ne tient pas en place !

Raji : Haha, pour ma part ça dépend vraiment des nuits, je dirais que c’est un peu plus complexe que ça, c’est vraiment une question de paramètres qui font ressortir telle ou telle partie de ta personnalité. Si je devais choisir, je dirais que je suis souvent la personne qui couche tout le monde avec le sourire. 🙂 Passée une certaine heure, ajoutes-y un hula hoop et il est possible que tu m’y retrouves encore quelques heures après !

Tu as décidé de passer Noël dans le club, tu peux nous en dire plus s’il-te-plaît ?

Paul-Sinh  : Ouiiii ! Avec Raji on va mixer le 25 décembre dans le magnifique ://About Blank pour la soirée Factory organisée par mon très bon pote (et excellent DJ/producteur) Modig ! C’est un de nos clubs préférés à Berlin. Du coup j’ai direct proposé à Raji de venir jouer avec moi en l’honneur de tous ces week-end qu’on y a passé ensemble.

Raji : Il se trouve que David (Modig) y organise tous les ans une teuf de Noël, pour laquelle il invite plusieurs de ses potes DJs à jouer, histoire d’appréhender la fin de l’année tous.tes ensemble, chaudement et sous kicks. J’y suis d’ailleurs allé il y a deux ans, où j’y ai passé ma meilleure soirée club de 2016 ! C’était donc sans me poser de questions que j’ai répondu “Je le veux” à cette invitation, pour le meilleur comme pour le pire.

La première chose que tu t’es dit quand t’as accepté la date ?

Paul-Sinh  : « A dream comes true » (one more time)

Raji : “Faut que je le dise à ma mère.”

C’est la première fois que tu mixes là-bas ?

Paul-Sinh  : Non j’y ai déjà joué en octobre 2016 pour la Buttons (anciennement Homopatik) invité par ma super copine Madalba ❤️

Raji : Moi oui, et je l’espère pas la dernière ! Ça ne fait pas très longtemps que je mixe, et c’est vraiment une joie que de passer de l’autre côté du booth de ce club qui a (entre autres expériences humaines) influencé ma vision de la fête !

Tu peux nous dire ce que tu penses d’://About Blank du coup ?

Paul-Sinh  : J’adoooooooooore ce club ! Le son est super, les line up sont géniaux, le staff est adorable, c’est pas cher et les teufs sont à rallonge ! Avec une mention spéciale pour le jardin en été et ils renouvellent la déco très régulièrement. Mais en plus d’être un club, ils sont très engagés pour l’accueil des réfugiés et dans la communauté LGBT+. Ils organisent régulièrement des marchés solidaires, des expositions, des projections…

Mily Pelletier

Raji : Je m’y suis rendu pour la première fois il y a environ cinq ans, et un nombre incalculable de fois depuis. Ce “NIE WIEDER DEUTSCHLAND” massif, dans l’espace extérieur, est assez remarquable et symbolique (note : littéralement “L’Allemagne, plus jamais”, qui était le slogan de la gauche radicale, opposée à la réunification allemande et à ce qu’elle pourrait engendrer, ainsi qu’au nationalisme, fascisme, racisme et anti-sémitisme entre autres idéologies).

Paul-Sinh  : « Les gens dansaient trempés dans une sorte de communion presque biblique comme si cette célébration avait déchaîné les éléments naturels »

Les teufs n’ont pas perdu en essence – et je dirais même l’inverse, dans ce climat de changements sociétaux en phase qui sont en mouvement dans les sociétés occidentales – et l’atmosphère qui y règne est toujours aussi dingue ! Lorsque le jardin ouvre, dès le début du printemps, c’est une nouvelle manière de voir le lieu qui resurgit, entre l’ombre des arbres et les rayons du soleil, qui donne une autre dimension à la fête. Cet endroit, c’est un peu toi qui choisis comment tu veux le voir !

Ta MEILLEURE ou PLUS DRÔLE / COCASSE expérience de teuf à l’about blank ?

Paul-Sinh : Haha une d’entre elle (il s’en est passé des trucs) c’est la fois où j’étais avec ma copine et une pote, c’était en plein été 2014 pendant une Homopatik, il faisait super beau et d’un coup il s’est mis à pleuvoir tellement fort et tellement subitement que le jardin s’est retrouvé complètement inondé. On s’est réfugiés tous les trois sur un babyfoot sous une tonnelle à moitié pétée pendant 45 minutes… Et pendant ce temps là les gens dansaient trempés dans une sorte de communion presque biblique comme si cette célébration avait déchaîné les éléments naturels.

Y’a aussi cette fois où Akirahawks avait ouvert la scène extérieure à 8h du mat’ avec le Boléro de Ravel. Le soleil se levait et se reflétait dans les boules à facettes du jardin et dans les arbres. Magic level = 10000.

Raji : Tellement d’histoires et de péripéties dans cette enceinte ! Ce qui est sûr, c’est que ça s’est déroulé lors de Buttons. Mais lesquelles conter ?

Celles où, à l’ouverture du jardin, en avril, un samedi matin, toutes les personnes, toutes plus déjantées les unes que les autres, sont sorties chiller au soleil. Formant quasi-instantanément un mélange de tous les groupes, délires, et gens prélassées autour d’un puits de soleil. Débriefant les heures passées dans l’anonymat de l’obscurité ?

Ou celles où, paré de mon plus beau pyjama, j’ai passé le weekend à recroiser des personnes rencontrées lors du précédent souvenir. Et à en découvrir d’autres, avant de profiter du closing incroyable de Lakuti et Tama Sumo sous un ciel parme d’août, entouré de visages lumineux et de magnifiques danseur.ses dans les arbres ?

Un Noël dans le club, d’après toi, ça ressemble à quoi ?

Paul-Sinh  : Enneigé a l’extérieur, chaud et humide à l’intérieur.

Raji : Il fait chaud, on transpire, et vaut mieux laisser ses affaires aux vestiaires.

Un Noël à l’://about blank, tu en attends quoi ?

Paul-Sinh  : Je m’attends à tout… franchement ils me surprennent à chaque fois. Une distribution de bûche de Noël en forme de bite et de clémentines au milieu du techno floor à 135bpm ? Who knows ?

Raji : Au blank, Noël, c’est un peu rencontrer tous.tes celles et ceux pour qui la fête tient une place importante, qui ont cette envie collective d’évacuer ce trop-plein de pression qu’ils/elles subissent toute l’année. Et toujours de manière responsable 🙂

On boit quoi dans le club pour Noël ?

Paul-Sinh  : Comme d’hab’ du Vodka Mate toute la nuit pour ne surtout pas dormir. Ça serait cool qu’il y ait du Glühwein pour se rechauffer à côté des brazeros.

Raji : Ce sera un Clubi pour moi, merci !

Le track pour passer Noël dans le club ?

Paul-Sinh  : Mike Dunn – So Let it be House

Raji : Avalon Emerson – Constantly My Cure (Vocal Mix)

On dit souvent que le “club”, la “nuit”, c’est un peu la famille qu’on se choisit. Vous en pensez quoi ? Elle représente quoi la nuit pour vous ? Elle tient quel rôle, la fête, dans vos vies ?

Paul-Sinh  : Elles ont une place importante dans la vie, la nuit comme la fête. C’est là où tout s’arrête mais aussi où tout commence. Ça veut rien dire ce que je dis ?

Paul-Sinh  : « Au Berghain, j’en ai vu se mettre dans des états pas possible après s’être fait recaler… »

C’est comme ça que j’ai rencontré beaucoup de mes très bons ami.e.s. J’ai découvert des artistes et vécu des moments fantastiques. J’ai même la chance de pouvoir être de l’autre côté de la scène en y participant activement. La sensation que tu ressens quand le public en face de toi est réceptif et aime les morceaux que tu passes… C’est juste indescriptible.

Raji : « C’est quand même beau quand tu penses à ce vers quoi des paroles échangées dans l’euphorie d’un moment peuvent mener, si elles sont simples et sincères »

Mais plus le temps passe, plus on se rend compte qu’il est aussi super important de ne pas en abuser ; car ça peut très vite devenir une addiction. Comme ces « Berghain addicts » qui n’imaginent pas ne pas y aller au moins une fois pas week-end car selon eux c’est le summum de ce que la fête peut offrir. J’en ai vu se mettre dans des états pas possible en s’étant fait recaler… Notre amitié s’est vraiment scellée avec Raji, car on se voyait aussi en dehors de tout contexte de fête et du monde de la nuit.

Laura Verrecchia

Raji : La fête, c’est un peu comme une mère qui regrouperait ses enfants et leur ferait signe de jouer ensemble, de se découvrir. Il faut qu’il y ait cette volonté collective de construire quelque chose ensemble pour qu’elle s’épanouisse, qu’elle s’embellisse et qu’elle prospère. C’est comme ça que beaucoup de projets sont nés. Qu’ils soient ou non liés à leur lieu de conception. Et ça en sera ainsi tant qu’on continuera de partager, d’échanger et de s’accepter.
Raji : « On montre qui on est vraiment à un instant T, sans filtre »
Mais ce n’est pas tant la nuit que les personnes qu’on y rencontre et dont on s’entoure. La famille qu’on se choisit ! Et pour beaucoup dans mon cas, beaucoup que je n’aurais jamais faites dans la vie de tous les jours, la fête étant cet espace-temps (lorsqu’on trouve la brèche) dans lequel on montre qui on est vraiment à un instant T. Sans filtre, où toutes les rencontres sont permises et les combinaisons de personnalités infiniesC’est quand même beau quand tu penses à ce vers quoi des paroles échangées dans l’euphorie d’un moment peuvent mener, si elles sont simples et sincères !

On s’offre quoi comme cadeau dans le club pour Noël ?

Paul-Sinh  : De la tolérance, de la bienveillance, du Mate, du bon son… ah mais non attend, ça en vrai ça devrait être tout le temps non ?
Raji : Des sourires, nos plus beaux pas de danse, au moins une conversation enrichissante et des cendriers de poche.

L’année dernière vous aviez fait quoi pour Noël, d’ailleurs ?

Paul-Sinh : Juste en famille, rien de particulier. C’est la première fois que je ne suis pas là pour Noël cette année ça fait bizarre.
Raji : Malgré tous les efforts que j’ai fait pour tenter ne serait-ce qu’une réminiscence, rien n’y fait. Ça devait pas être la folie. Sûrement une soirée au chaud à la maison comme on les aime de temps à autres !

Vers 5 h 05, vous prévoyez d’être où, en train de faire quoi ? 

Paul-Sinh  : Aller aux toilettes.
Raji : Suivre Paul-Sinh aux toilettes.

Vous avez prévu de soigner comment votre GDB gigantissime du lendemain ?

Paul-Sinh : Je nous vois bien, sortis directement d’after, aller prendre un petit brunch dans un de ces cafés de bobo-berlinois qu’on aime tant à Prenzlauerberg. Avec de la petite musique cool et des canapés beaucoup trop confortables. Ou alors en after d’after… Raji tu préfères quoi toi ?
Raji : J’ai ouï dire que le Panorama Bar serait ouvert cette nuit/journée-là. Garde ça dans un coin de ta tête !
Paul-Sinh  : Ok go !

Niveau neige, elle sera plutôt dure ou douce ?

Paul-Sinh : Ça dépendra de la météo.
Raji : Depuis le temps, on est disposés à toutes les affronter !

Le meilleur / pire vice que l’on peut avoir dans le club, pour honorer cette belle tradition qu’est Noël ?

Paul-Sinh : Un gros kebab sauce foie gras harissa et une bière arôme champagne à Neukölln.
Raji : C’est plus avant de s’y rendre que ça se passe : c’est de manger à s’en péter la panse. Un régal, mais pas très pratique durant les premières heures de bougement de corps, ni celles d’après.

Un message à faire passer à tous ceux qui passeront Noêl avec Mamie Henriette et tonton gênant-beauf-blague-pouet-prout ?

Paul-Sinh : Cheh !
RajiRindfleisch­etikettierungs­überwachungs­aufgaben­übertragungs­gesetz.