Les Nuits Sauvages

Parce depuis neuf mois la fête est silence, quelques explications sur le futur de Heeboo – Heeboo
© Victor Maître

Parce depuis neuf mois la fête est silence, quelques explications sur le futur de Heeboo

Novembre 20, 2020

© Victor Maître

Ha la gueule de bois. Déjà neuf mois que ça dure. Depuis déjà neuf mois, oui oui, la fête se prend des revers de mains, tous aussi violents les uns que les autres : les clubs sont fermés, les teufs annulées, les autorisations acceptées puis bafouées, avec toujours cette même répression policière sans queue ni tête. Covid oblige. Les danseurs sont devenus des criminels, les orgas des hors la loi, passibles d’être mis en prison, l’artiste un complice, les platines des pièces à conviction. Covid oblige ? Magique.

Depuis neuf mois déjà, le webzine vivote, s’accrochant à telle ou telle initiative un peu innovante, inspirante ; avec l’espoir, toujours, de revoir les portes des clubs se rouvrir, les visages s’éclaircir, et les beats vrombir à nouveau, au rythme des corps qui se déshabillent, et de la nuit qui s’émancipe. Avec l’espoir, toujours, de pouvoir aller de l’avant, donner un nouveau souffle à l’aventure Heeboo, changer pour aller plus loin, évoluer vers quelque chose de plus grand, de plus proche de vous, de plus fou.

Avant ces neuf mois, on vous l’expliquait, on le démontrait sans relâche à ceux qui n’y croyaient pas, chaque semaine et depuis trois ans, que la nuit, derrière son apparente superficialité, derrière ses strass et sa lumière parfois aveuglante, guidait, inspirait, était devenue essentielle à une société en perte de repères, en demande d’appartenance, à une jeunesse déguisée le jour qui ne demandait qu’à se dévoiler la nuit. On l’a crié sur tous les toits, avec peut-être parfois trop d’authenticité (?), sans jamais couper les textes, sans jamais censurer qui que ce soit, en laissant toujours toujours toujours la parole libre libre libre. Et, on va pas se mentir, on s’est fait des copains, mais on s’en ai aussi pris plein la gueule. Enfin, ça valait le coup, et vous le savez.

Pour vous la faire moins brumeuse, il y a neuf mois, la France (que dis-je, le monde), se confinait pour la première fois, l’estomac un peu retournait et la gorge nouée. Jusqu’ici, rien de nouveau. Ça sentait mauvais, vraiment mauvais et on était à deux doigts de quitter la maison mère, Heetch (oui oui, les VTC), qui nous avait fait naître et vu grandir, pour prendre notre envol ailleurs, autrement, avec sans doute moins de contraintes et plus d’envies à exploiter, mais bien plus de pression sur les épaules, finalement. On avait quelques plans, à explorer. Devenir une asso, un webzine participatif, sans attente de rentrée financière ? Prendre des risques, continuer en indépendant à temps plein, via un business model à expérimenter ? Aller toquer à quelques portes pour tenter de se greffer à la ligne éditoriale d’un autre magazine ? Engloutir d’autres portes pour proposer le webzine au rachat ? Avec ou sans l’équipe ? C’était ça les plans, c’était rempli de doutes, d’incertitudes, mais d’espoir. Le désir, le vrai, le grand, était là, bien présent, malgré les peurs, malgré la petite angoisse d’être lâché dans la nature comme ça, sans back-up, bordel, qu’est ce que c’était excitant les ami.e.s !

Neuf mois ont passé, les copains de chez Trax, Tsugi, etc, ont continué de couvrir ce qu’il y avait à couvrir. On les remercie d’ailleurs, de pas avoir perdu le contrôle des choses, de nous avoir alimentés de bonnes et moins bonnes nouvelles. On aurait pu le faire, continuer de couvrir à notre manière, toujours un peu border, toujours un peu en marge, mais… l’histoire est autre. On s’est un peu mis en retrait. Pas par manque de temps, par manque d’envie, les ami.e.s, oui oui, et on l’assume, c’est pas si grave. On respire encore. Sachez qu’il est de ces phases de transition, parfois douloureuses et impactantes pour le secteur, comme celle-ci, qu’il faut savoir aborder la tête haute. Pendant ces neuf longs mois, Heeboo a été en colère, fatigué, frustré, mais aussi plein d’envie, finalement, et d’espérance. Mais nous, l’espérance, on a pas voulu lui gratter le ventre trop profond, on l’a rangée dans une petite boîte, pour pas la souiller, et qu’elle se repose, oui, qu’elle se repose un peu.

Heeboo n’est pas mort, rassurez-vous, mais il nous semblait important d’être totalement transparents sur la situation de ces derniers mois. La petite boîte se rouvrira, soyez-en sûrs, au rythme de la réouverture des plus grandes – wink wink.

On espère que vous allez bien, vous nous manquez. On pense à vous les danseurs, on vous entend d’ici taper du pied chez vous, tourner en rond, remettre le même vinyle sur la platine tous les soirs, entamer des recettes très méchantes et vous manquer à la cuisson, vous bourrer la gueule à la mort le vendredi, le samedi soir, et cligner des yeux pour imaginer vous évanouir sous les spotlights d’un dancefloor. On pense à vous les artistes, on continue de vous écouter, dans le casque, et les yeux fermés. On pense à vous les photographes, qui n’avez plus matière à photographier libre. On pense, à vous les gérants de club (enfin, les gentils, pas les autres). On pense à vous les barmaids, les cuisiniers des bars, les ouvreurs, les videurs, on pense à tous les employés à qui la musique et les enceintes qui grondent trop fort manque, oui oui. On pense à vous les orgas. Enfin, on pense à vous, les précaires, les minorités, toutes celles et ceux qui trouvaient dans la fête un échappatoire, un refuge, une respiration. On pense à vous, tous, encore plus fort aux derniers, et on vous demande juste de tenir le coup encore quelque temps. On vous demande, également, si la fête continue en privé, dans l’ombre, de ne pas trop faire grandir cette ombre, de faire gaffe à vous, et de prendre vos précautions. Rien n’est définitif, tout passe.

On se retrouve bientôt, quand le ciel sera dégagé et qu’on aura fini de faire le point sur l’avenir des choses. On vous oublie pas, et vous pouvez même nous envoyer des mots doux en MP si l’envie vous prend. On a encore une série de mixtapes The World Was Better Tomorrow (Le Monde C’était Mieux Demain, ndlr) qui tourne ; d’ailleurs, à tous les artistes, envoyez nous vos mixtapes, on publiera ! Et si tu as l’âme d’un.e écrivain, le temps d’un texte, hésite pas à nous envoyer tes pensées, tes coups de gueule, tes phases critiques… On lira, et on publiera. On vous met ci-bas quelques clichés de fête de ces dernières années, pas pour vous faire baver, ou pleurer, mais pour vous donner l’envie d’attendre, d’attendre encore un peu. Allez. L’explosion n’en sera que plus douce bébé.

On vous aime, on le répètera jamais assez. Heeboo c’est vous.

© Victor Maître
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© Otto Zinsou
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© Romain Guédé
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Adeline Journet

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