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E-Klozin’ : « On vit une sale période, l’hiver va être long et pénible. Prions pour que 2021 ne soit pas une année blanche ! » – Heeboo
© Crazyshot

E-Klozin’ : « On vit une sale période, l’hiver va être long et pénible. Prions pour que 2021 ne soit pas une année blanche ! »

Octobre 23, 2020

© Crazyshot

Rares sont les rendez-vous festifs depuis quelques mois. Mais même quand il s’agit de faire danser la France depuis son salon, il est important de se donner rendez-vous. Pour communier ensemble, à distance oui, mais ensemble quand même. Et c’est le projet que le collectif parisien E-Klozin’ propose de nous faire vivre, mardi 27 octobre prochain, à 19h, en direct de leur chaîne YouTube : un streaming d’une heure de techno signée Hemka et mise en lumière par HeavyM au stade Charlety. Du lourd.

Voici ce qu’il nous reste, des événements filmés à l’avance, retransmis quelques semaines plus tard sur les réseaux. On est en 2020, et le monde de la nuit doit composer. S’adapter. Sans se tuer. Dans la galère, auraient pu naître toute une floppée de ratés, d’initiatives baclées, de teufs mal (di)gérées ou de police débarquées. Pour le collectif E-Klozin’, annuler tous leurs événements physiques, à partir de mars dernier, est apparu comme une évidence. Depuis, c’est leur projet SPOTLIGHT qui a vu le jour. De la techno d’artistes émergents, un habillement visuel de fou, un lieu atypique et une équipe de tournage solide, de quoi nous en mettre plein les yeux en plus des oreilles.

On a donc posé quelques questions à Alan et Alex, les deux responsables du projet E-KLOZiN’ Spotlight : HeavyM & Hemka @Stade Charlety !

Salut ! E-KLOZIN’, pour toi, c’est arrivé comment ?


Alan : Pour refaire l’histoire de manière courte, on a lancé le projet E-KLOZiN’ en 2009, l’idée de base était de partager nos passions (musique électronique, art et sports de glisse) et de faire découvrir des artistes talentueux peu ou pas connus. On a donc décidé de matérialiser tout cela au travers d’événements à taille humaines qui se déroulent dans des lieux insolites (skatepark, ancienne gare, atelier d’artiste, friche industrielle, loft, studio de tournage, pistes de ski, wakepark, etc) afin de surprendre le public à chaque session. A cela s’ajoute la volonté de véhiculer nos valeurs de respect et partage aux artistes qu’on invite ou au public qu’on accueille. Energie, good vibes et bienveillance caractérisent l’atmosphère chaleureuse de nos événements.

A titre personnel E-KLOZIN’ c’est surtout de belles rencontres humaines et artistiques, qui ont fortement contribué à mon évolution en tant qu’individu et artiste pluridisciplinaire (DJ, producteur, photographe, directeur artistique, monteur vidéo). Pour cela je tiens à saluer et remercier tous mes crew members et les ami(e)s qui ont pris part de près ou de loin à l’aventure E-KLOZIN’. Je vois l’événementiel comme un générateur de ponts socio-culturels et un formidable vecteur de découverte et d’apprentissage perpétuel de l’autre et de soi.

Alex : E-KLOZIN’, me concernant, c’est avant tout une rencontre avec mon bro Alan Aaron. Une belle histoire de cœur qui s’est construite au fil du temps, accompagnée d’une poignée de potes, fêtards et passionnés de musique électronique. Une passion commune et un sens inné de la fête qui nous a permis de grandir, de nous structurer et de nous diversifier au fil des rencontres. Une belle aventure et un crew qui ne cesse d’évoluer depuis 10ans, quelques péripéties de temps à autre mais principalement du smille et du respect à chacun de nos events.


Comment on organise un événement en plein milieu d’une pandémie ?

Alan : Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons décidé de ne plus organiser d’événements avec du public car les annonces gouvernementales étant très fluctuantes, on voulait éviter tout risque d’annulation  de dernière minute par la préfecture. Du coup, on a profité de ce temps « libre » pour réfléchir et continuer de faire évoluer notre projet audiovisuel S P O T L I G H T qu’on a lancé en 2019. On a donc opté pour la réalisation d’une performance audiovisuelle sans public qu’on allait retransmettre plus tard en streaming.

Concernant le choix du lieu, ce fut assez simple, il y a quelques années j’habitais près du Stade Charlety, et j’ai longtemps pensé qu’il était possible de faire quelque chose là-bas ; donc le lieu était tout trouvé, il cochait toutes les cases pour être en ligne avec les règles sanitaires estivales : enceinte fermée, en extérieur avec une grande surface de projection pour le mapping vidéo. Il ne restait plus qu’à envoyer un dossier explicatif détaillé aux gérants du stade et croiser les doigts pour que ce soit validé. Le projet fut très bien accueilli, ce qui nous a donné une motivation level  10 000 !

Alex : Pas évident !! Système « D » je dirais. Tout d’abord on se pose, on analyse, on réfléchit à ce qui pourrait être possible et réalisable au vu du contexte très particulier que l’on vit cette année. Puis on discute avec les différentes organisations, on crée des partenariats. On sonde les membres du crew. On fait jouer les contacts. On chine des nouveaux spots, on trouve des idées alternatives. Et à partir de là, on lance la machine. 😋

La performance a donc déjà eu lieu, vous avez mis quoi en place pour que tout se passe bien ? Vous avez choisi comment les artistes en question ?

Alan : En effet, le tournage a eu lieu cet été, ce  fut plutôt facile à organiser, car il s’agissait d’un tournage en extérieur avec une équipe réduite à moins de 20 personnes. On avait du gel hydrologique et des masques pour les échanges oraux rapprochés. Concernant le choix des artistes, on reste fidèle à notre ligne directrice : inviter des artistes émergents aux talents certains. La Team HeavyM  nous régale visuellement depuis des années, cela nous tenait à cœur de les inviter à nouveau. C’était l’occasion de voir en avant première les possibilités techniques et graphiques du logiciel HeavyM 2 qui sort bientôt. Hemka, l’une des valeurs montantes de la scène techno française, elle a déjà blasté pas mal de dancefloors en Ile-de-France et en Europe ( ADE / Concrete / EXIL Festival / Dream Nation Festival / Le Rex Club / Marvellous Island / Dehors Brut / etc ). On a été les premiers à la faire mixer il y a quelques années lors de notre fête de la musique au bord du Canal Saint-Martin ; depuis elle vient nous soutenir à chacun de nos événements, donc l’intégrer à ce projet  audiovisuel était une évidence.


Vous pensez quoi de la gestion du gouvernement de la pandémie par rapport au monde de la nuit ? Comment on survit à tout ça dans nos.vos métiers ?

Alan : Je ne vais pas épiloguer sur le sujet, mais force est de constater que l’ensemble de ces mesures va contraindre beaucoup d’établissements et d’indépendants à cesser leur activité ; un véritable désastre économico-socio-culturel.  Cette crise est partie pour durer jusqu’au 31 mars, avec aucune garantie que cela évolue dans le bon sens après cette date.  Il va falloir faire preuve d’entraide, de résilience et de remise en question.
Chacun à son niveau est contraint de se réinventer pour continuer son activité artistique/événementielle ou possiblement changer de voie ; car l’état ne va pas pouvoir aider financièrement tout le monde, et actuellement la culture et tous les métiers techniques qui y sont liés sont ne sont pas la priorité du gouvernement.

Alex : Perso, je pense que l’État a été pris de court par cette pandémie et n’était clairement pas préparé à gérer ce type de crise sanitaire (difficile de demander à un ivrogne de marcher tout droit sans tituber.)  Le monde de la nuit à Paris était selon moi déjà mourant avant cette crise. Les petits collectifs peinant à rentrer dans leur frais et les gros clubs ne proposant pas grand chose d’original pour sortir du lot.  On ne peut pas reprocher à l’État d’empêcher les boites de tourner quand on connaît la proximité qu’il peut y avoir en club. D’un point de vue sanitaire, ça me semble être cohérent. Après, heureusement, les solutions alternatives tel que les lives streaming, l’appel aux dons ou le développement du merchandising restent un moyen comme un autre de survie. Il est clair qu’à ce rythme là, beaucoup d’établissements ne tiendront pas longtemps. L’État doit soutenir et s’engager financièrement auprès des organismes et collectivités (et ce pour l’ensemble de la culture qui souffre terriblement en ce moment).  On vit une sale période, l’hiver va être long et pénible. Prions pour que 2021 ne soit pas une année blanche ! 


Un gros changement artistique à souligner pour cette édition, hormis le fait qu’il n’y avait pas de public ?

Alan : En tant que directeur artistique, le plus gros changement a été la scénarisation de ce projet audiovisuel, car il fallait penser en amont à réaliser certains plans bien précis pour ensuite les intégrer dans le Teaser, le film complet et l’Aftermovie.  Sur le plan scénographique, il y a eu aussi l’intégration d’une structure en bois massif (dôme géodésique) spécialement montée pour l’occasion ; cela demande pas mal d’échanges et de coordination entre les équipes afin que tout soit prêt dans les temps pour le début de la performance. Ce fut super enrichissant, cela laisse entrevoir de futures collaborations une fois la crise sanitaire passée. J’en profite pour remercier l’équipe de tournage CYRA Group, les scénographes de LAB ProductionsICO events,  nos partenaires techniques Denon DJ, Algam Webstore et BDL Events pour leur implication, leur vision créative et leur professionnalisme.


Vous la voyez comment la suite des événements, pour le monde, pour vous, pour E-KLOZIN’ ?

Alan : Les récentes mesures adoptées par le gouvernement réduisent un peu plus la marge de manœuvre pour tous les artistes, acteurs de l’événementiel et autres lieux recevant du public.  On va faire de notre mieux pour trouver des solutions alternatives pour avancer, que ce soit sur la partie événementielle pour le printemps 2021 ou la  captation vidéo d’une performance avec notre projet  S P O T L I G H T.

Alex : Très bonne question ! Seul l’avenir nous le dira. Pour le moment, très compliqué de se projeter à court/moyen terme. En tout cas, cette situation pousse à ouvrir des portes que l’on n’aurait peut-être pas soupçonné entrouvrir il y a un an. 


Un message à faire passer à Emmanuel Macron ?

Alan : Pour faire court, je dirais, moins d’opacité, plus de clarté.
Moins de répression, plus de responsabilisation. En attendant, j’invite le couple présidentiel à regarder notre Streaming du 27 Octobre à 19 h sur notre chaîne YouTube : EKLOZIN !

Alex : Macron démission !! 

Crédits photo dans l’ordre de publication : Crazyshot, Alan Aaron, Alan Aaron, Crazyshot, Crazyshot.

Adeline Journet

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