Du groove. Une part d’ombre qui donne le charme. Une électricité qui tend l’atmosphère et arrête le temps. C’est Remain. Ce qu’il reste de Romain Rouffiac, CQFD. Qu’on entend aussi depuis peu comme Slow Porn avec son pote Phred Noir. Remain, il fait partie de ces producteurs et patrons de label (avec Meant Records) d’aujourd’hui, assez discrets mais précurseurs, qui ont vécu la fête d’hier. Déshinibée, à l’arrache, cette liberté un peu secrète qui n’appartenait qu’à ceux qui se débrouillaient pour l’avoir, le temps d’une nuit. Trop courte à son goût. Trop courte au goût de tous, qu’ils se rassure !
On retrouve Remain demain vendredi 20 avril pour l’Alter Paname Bunker Palace, aux Docks de Paris, à Aubervilliers. À ses côtés, Jennifer Cardini, Scan X ou encore Vernacular Orchestra. Des boules disco. De la sueur sur les tempes, dans les culottes, et de l’amour, parce que c’est aussi et surtout ça la fête signée Alter Paname, de l’amour. Mais avant la célébration, on a voulu parler à Romain du passé, de lui, puis de son chien. Et c’était bien.
Quand tu te présentes à quelqu’un que tu ne connais pas au beau milieu de la nuit, c’est quoi la première chose que tu balances ?
Arrête, tu m’fais peur là.
Et quand c’est le petit matin ?
T’es plutôt pain au chocolat ou croissant toi ?
Un track pour te présenter ?
André Kraml – Dirty Fingernails
Remain ça vient d’où ?
Je ne m’arrête jamais. Je m’appelle Romain. Donc Remain. CQFD.
Romain, tu viens d’où ? Tu te souviens de tes premières fêtes ?
Born and Raised in Paris, beaucoup – beaucoup – sorti quand je n’en avais pas encore forcément l’âge, beaucoup traîné chez les disquaires plutôt que d’apprendre mes départements, eu la chance de passer un peu de temps autour des dernières heures du Palace et des Bains malgré mon jeune âge, des premières Respect au Queen, et surtout des clubs des Grands Boulevards. Et quand un pote a enfin eu son permis, passé pas mal de temps dans sa bagnole à tenter de trouver l’endroit perdu où se situait la teuf qui allait durer le week-end entier, à coup d’infolines et de voitures qui se suivaient au milieu de nulle part. Et j’ai quand même eu mon bac.
C’était quoi le truc à l’époque, qui rendait ces fêtes inoubliables ?
La liberté. La musique. La découverte. La musique. La mixité. La musique.
C’est à ce moment là que t’as commencé à jouer ?
C’est à ce moment là que j’ai été touché par le virus c’est sûr. Pour te la faire brève, je jouais de la guitare depuis un moment, dans différents groupes et puis la musique électronique m’a piqué. Big time. Définitivement impossible pour moi de revenir en arrière. Et ensuite arriver à mélanger les influences et les idées, et les envies.
On parle de renouveau de la scène française, à l’époque où tu as commencé, tu en penses quoi ? Il lui manquait quoi à cette scène française ?
Rien du tout. C’est un poil un truc de journalistes pour exprimer le fait qu’une nouvelle génération pointe ou a pointé le bout de son nez il me semble (la rédaction se décharge de toute responsabilité, ce sont d’autres journalistes qui disent ça, CQFD, ndlr). Il y a toujours eu des gens actifs quelle que soit la période, et ça a toujours généré des choses, plus ou moins qualitatives et pertinentes certes, mais quand même. Aujourd’hui il y a beaucoup, hier il y avait moins, mais il y a toujours eu et il y aura toujours. Et les français n’ont aucun complexe à avoir par rapport aux allemands ou aux anglais. Pas plus maintenant qu’avant.
Tes premiers amours musicaux, ils sont venus comment ?
J’étais ado dans les 90s, je te laisse imaginer le bordel. Énormément de choses, et surtout l’ouverture de la boîte de Pandore qu’a offerte l’arrivée des machines. La possibilité de s’exprimer dans une langue nouvelle aux déclinaisons infinies, et de se différencier de la génération précédente. Matérialiser ce besoin de liberté en l’inscrivant noir sur blanc dans cette nouvelle langue. Pour moi ça a d’abord été avec le rock sous de multiples formes. Puis l’électronique. Et le rock dans l’électronique.
C’est quoi ta dernière GROSSE GROSSE découverte en matière de musique ?
Je reviens juste d’une label night à Vilnius avec mon équipe proche. Et grâce aux moments de calme entre nous dans l’appart, je capte un peu mieux la Trap maintenant – merci les gars hein ! Toujours pas le plus sensible à ça même si leur entrain m’a donné envie de. Sinon, j’écoute à peu près tout ce qui me passe de près ou de loin dans les oreilles. L’album d’Alva Noto défonce, ce que font les Siaubas aussi. Et ce mec de Saint Petersbourg qui s’appelle Moralez est définitivement à suivre, et le prochain EP de Did Virgo est un potentiel futur classic.
Tu as changé ta manière d’écouter de la musique aujourd’hui que tu la joues et que tu la produis ?
Je ne sais pas. Probablement. J’ai d’abord eu envie de te dire direct que «non, pas du tout» mais en fait la réponse est «forcément». L’âge, l’expérience et tout un tas d’autres facteurs exogènes font que je n’écoute plus de la même oreille, que je ne produis plus avec la même oreille aussi. Je cherche plus la musique. Et aussi moins la baston certainement.
Ton premier dj-set, tu t’en souviens bien ?
Il y en a eu beaucoup entre potes dans les caves des uns, ou bien dans les endroits dans lesquels on arrivait à se retrouver avec les autres. Pour se jouer les balles qu’on était arrivés à dégotter ici ou là, ou poser les skeuds que tel ou tel DJ matraquait dans ses sets et qu’on avait enfin trouvés après les avoir cherchés – sans arriver à les choper – depuis des mois. Shazam n’existait pas en gros. Puis est logiquement arrivé le premier set en club. Pour moi ce fût à la Loco – depuis rebaptisée la Machine – sur la mythique Freevox DJ 7, il y a « quelques » années. Et pour la petite histoire il y avait la même table au Rex.
Si tu devais revenir en arrière sur ce jour là tu…
…ne jouerais probablement pas la même chose. Quoi que. J’irais peut être courir avant. Peut-être. Ou pas.
Tu te qualifierais de gros fêtard, hormis le fait que tu joues ?
La musique, les gens et les lieux m’ont toujours attiré. Je te laisse en déduire ce que tu veux…
Pourquoi les gens font AUTANT la fête à Paris aujourd’hui d’après toi ?
Peut-être par besoin de partager et d’échanger loin du contrôle et des contraintes du quotidien. Le lâcher-prise est nécessaire pour être équilibré. Et la musique est le vecteur de rassemblement par excellence, non ?
Y’a un truc, de la façon qu’avaient les gens de faire la fête avant, qui te manque ?
Pas nécessairement. C’était mortel et ça restera des souvenirs déments. Ce que je trouve dans la fête aujourd’hui n’est certes pas la même chose mais reste tout aussi intéressant. Le point de vue est juste un poil différent.
Tu penses qu’on peut faire de la politique avec son son ? Et à contrario, tu penses qu’on peut faire du son sans que ce ne soit jamais politique ?
On fait de la musique pour s’exprimer et me concernant c’est de l’ordre du besoin. Donc chacun voyant midi à sa porte, les choses dites sont forcément polarisées, plus ou moins polémiques et plus ou moins assumées selon chacun. Donc politiques. Mais dans le sens le plus large du terme.
Y’a un côté militant dans ta musique, ou dans ta façon de faire la fête, un truc qui te tient à coeur et que tu défends même si pas toujours ouvertement ?
Le partage et l’échange. Le principe du rassemblement dans un lieu quel qu’il soit autour d’un moyen d’expression propre à une génération. Ce moment pendant lequel tout le monde est à égalité.
C’est quoi le truc super important qui a changé entre toi à tes débuts, et toi aujourd’hui ?
La quantité de cheveux… Et leur couleur, forcément.
Il existe un ou des inconvénients dans le fait de faire partie du “monde de la nuit” / “l’industrie musicale” ?
Joker. Ou demande à mon chien !
Tu les vois sortir comment les jeunes dans 20 ans ?
Je les vois avec des choses à dire et des messages à faire passer. Avec le besoin d’affirmer leur identité propre. Comme avant et comme maintenant. La même que pour toute jeunesse, avec juste des manières de faire et des codes différents.
Et tu leur souhaites quoi ?
Je leur souhaite d’y arriver.
On te verra toujours sur scène d’après toi ou t’auras raccroché ?
Depuis que j’ai commencé, énormément de choses ont bougé dans ma vie. Les seules choses qui n’ont jamais changé sont l’envie et le bonheur que me procure la musique et le besoin de les partager. Est ce que ça veut dire que ça ne changera jamais ? Je ne peux pas l’affirmer. En revanche, au vu de la manière avec laquelle je vis tout ça aujourd’hui et des gens qui m’entourent – en particulier cette dame Noir qui prend tellement soin de moi – je ne vois pas tellement de raisons pour que ça change en étant honnête.
Un message à faire passer à la “nuit” ?
T’es toujours trop courte, tu peux faire quelque chose please ?
Une envie pressante, là de suite ?
Sortir mon chien ?