Ha le nouvel an, ce sacré mauvais ami, pour celles et ceux qui font (beaucoup) la fête. Car il suffit d’un rien, pour tout faire chavirer. Ou de tout. Un nouvel an mal entamé, ne peut être sauvé. Il suffit d’un bout de banquise pour tout emporter. Gloups. Parole de House of Moda.

Ce soir, le nouvel an de la House Of Moda à la Folie sera beau, long et lumineux. Mais il ne l’a pas toujours été pour trois de ses hôtes. Géraldine Bebeck, Reno et Poulette Zhava-Kiki, à H – 10 de la grande nuit de ce soir, te racontent leur pire nouvel an, et c’est… sacrément salé. Haut les coeurs !

NARDINE

« Pour réussir son nouvel an, je n’ai pas d’autres conseils que celui de boire (beaucoup et très vite) »

Qui es-tu ?

Nardine de Rot-chie-lidl (née Bebeck), soeur aînée de Géraldine Bebeck. Je suis l’empiratrice des bonnes manières du jour, mais surtout de la nuit… J’aime beaucoup les bonnes manières, et l’alcool.

Alors ce réveillon, tu nous plantes un peu le décor ?

Il y a quelques années de cela (pas trop, car je suis jeune), j’ai aidé une amie à organiser le réveillon chez elle. Nous avons fait les courses (pas nous, mais notre personnel), nous avons décoré le salon, la table (pas nous, le personnel) et une fois le labeur terminé, avons pris de l’avance, (il est toujours de bon ton d’être un peu en avance) et avons commencé à nous siffler les bouteilles de champagne prévues pour le décompte (là c’était bien nous).

L’heure où tout est parti en vrille ?

Vers 20 h, les invités ont commencé à arriver au compte-goutte. Il y avait du beau monde (un chef d’établissement primaire, un gardien de musée, et deux ou trois autres personnes sans plus d’intérêt). Les conversations étaient insipides, la musique était de mauvaise qualité, les gens s’ennuyaient, et l’alcool coulait à flot. Un début de réveillon PAR-FAIT.

Un détail croustillant, absurde, totalement gênant ?

Après s’être enfilé une rasade de blinis au houmous, l’un des invités fut pris d’une vilaine cliche qui le conduisit tout droit à s’enfermer aux toilettes. Jusque là, rien d’exceptionnel, il est tout à fait normal de s’empiffrer comme une truie lors des repas gratuits chez les autres. Mais soudain, et alors que les invités dansaient et semblaient s’amuser (un peu), une vilaine odeur indescriptible nous parvint aux narines lepen (il est de bon ton de glisser des jeux de mots au milieu d’anecdotes peu croustillantes pour maintenir le public captif) : un mélange de diarrhée foudroyante (celle dont l’acidité fend la faïence) et de « oust »‘ (sorte de Fébrèze beaucoup moins efficace et beaucoup plus odorant). L’épiphanie fut lorsque le malaise eut empli la pièce en même temps que l’odeur nauséabonde, poussant les invités à faire comme si de rien n’était, tout en ayant subitement assez chaud pour ouvrir la fenêtre par -5, et alors que le fautif regagnait tranquillement son fauteuil, la mine verdâtre, et le sourire crispé.

Un track ou un artiste qui t’a marqué.e ce soir là ?

Je te sens venir – Juliette Armanet (Pour une raison qui m’échappe).

Bon, et t’as quand même réussi à pécho ?

La bienséance m’empêche évidemment de répondre à cette question, mais oui et pas qu’un peu.

A minuit, c’était quoi les bails ?

Le bail de mon amie avait été reconduit tacitement quelques mois auparavant, je ne comprend pas l’intérêt de cette question.

Il s’est fini comment ce cauchemar ?

Avec une bonne gueule de bois évidemment

Ta première pensée au réveil du 1er janvier ?

Je ne me réveille jamais le 1er janvier. J’attends toujours le 2 pour être sûre (sûre de quoi, je l’ignore).

Un an plus tard, à minuit, t’en étais où ?

Comment ça ? Dans ma vie ? Soyez plus précis.e svp.

Un tips pour bien réussir son nouvel an ? Ou bien tout foutre en l’air ?

Alors ça dépend ce qu’on entend par se foutre en l’air. Je recommanderais toujours les barbituriques, globalement moins salissant que les autres méthodes. En revanche pour réussir son nouvel an, je n’ai pas d’autres conseils que celui de boire (beaucoup et très vite).

RENO

« L’année prochaine je reste chez moi et je mange du pâté en regardant un Disney »

Qui es-tu ?

Renaud, ou Reno, ou Renauda selon les situations. Je me donne le rôle de faiseur d’ambiance.

Alors ce réveillon, tu nous plantes un peu le décor ?

Alors c’est compliqué, car en général je me souviens pas de mes réveillons (c’est dire si c’est un moment important pour moi), mais y en a quand même un qui était vraiment merdique, je pense que c’était en 2007 ou 2008, j’avais pas du tout envie de le fêter, je voulais éviter les gens, mais j’ai essayé de me convaincre de faire un truc quand même.

L’heure où tout est parti en vrille ?

Rien n’est vraiment parti en vrille, c’était juste nul du début à la fin haha. Pour commencer je suis allé chez un pote pour boire (je pense que j’avais dû manger des pâtes chez moi avant), mais après je voulais aller dans un bar, parce qu’il y avait une petite teuf et que des copains y jouaient. Sauf que je me sentais nul, j’étais tel la plante verte qui faisait office de sapin de Noël au pieds des escaliers, immobile et droit comme un i.

Un détail croustillant, absurde, totalement gênant ?

J’étais content d’être là pour mater des mecs, mais comme j’évitais les regards lancés à mon égard, bah il s’est rien passé.

Un track ou un artiste qui t’a marqué.e ce soir là ?

Olalala, absolument pas, mais vu l’époque j’imagine qu’il y a eu un petit Yelle ou Polyester – J’aime regarder les mecs

Bon, et t’as quand même réussi à pécho ?

Devine ?

A minuit, c’était quoi les bails ?

A minuit, comme je voulais à tout prix éviter « les gens », j’ai fait en sorte de partir de chez mon pote juste à temps pour arriver après minuit dans le bar et éviter l’euphorie et les bisous forcés. Du coup j’étais dans la rue à ce moment là (dans la rue Saint Maur même), et j’entendais des Bonne Année sortir d’un peu partout, mais sans me sentir obliger d’y participer.

Il s’est fini comment ce cauchemar ?

Au bout de 3-4h sans danser, je me suis fait une raison et je suis rentré chez moi avec le premier métro.

Ta première pensée au réveil du 1er janvier ?

« L’année prochaine je reste chez moi et je mange du pâté en regardant un Disney »

Un an plus tard, à minuit, t’en étais où ?

Tu m’en demandes trop, mais il semblerait que je mixais en slip à la Java avec une fleur sur la tête et beaucoup de champagne.

Un tips pour bien réussir son nouvel an ? Ou bien tout foutre en l’air ?

Bien manger pour éponger, ne pas se forcer à aller là on on ne veut pas aller, éviter minuit et avoir une boite d’Alka-Seltzer d’avance.

POULETTE

« J’ai jamais été fan de la moustache de Clark Gable, moi mon bail c’est plutôt le style Tom of Finland, mais bon j’ai mes faiblesses de star fucker comme tout le monde hein »

Qui es-tu ?

Poulette Zhava-Kiki, pseudonyme de Wilhelmina Zhava, née le 3 mai 1897 à Paris et morte le 26 avril 1937 à Paris. On m’avait surnommé « la Reine du Quartier Latin » durant l’entre-deux-guerres (1921-1937), il faut dire que j’ai été un modèle, une muse et parfois l’amante d’artistes célèbres, mais j’ai aussi été chanteuse, danseuse, meneuse de revue, peintre et actrice de cinéma : j’étais quand même un peu incontournable, il faut bien le dire. Je suis morte un peu trop jeune parce que j’ai probablement un peu trop abusé des bonnes choses (oui j’ai tous les vices oui), du coup je reviens hanter les soirées parisiennes quand j’en ai envie.

Alors ce réveillon, tu nous plantes un peu le décor ?

Alors c’était le 31 décembre 1936, j’avais été bookée pour animer le réveillon sur le Normandie, le paquebot transatlantique qui faisait la liaison Le Havre – New York. Depuis l’arrivée du Queen Mary, la concurrence était rude à l’époque entre les Français et les Anglais dans le monde des compagnies transatlantiques, il fallait donc envoyer du pâté sur le line-up de la soirée. Les Anglais avait d’ailleurs booké la House of Flétans pour animer leur soirée Lamproie et insuffler un peu de chic parisien queer dans leur soirée qui sinon s’annonçait très mainstream (la question de savoir s’ils comptaient les payer autrement qu’en promesses de visibilité n’a toujours pas été tranchée). Heureusement pour moi, j’avais donc été choisie par les Français. Le bateau a appareillé vers 18 h 30 devant une foule immense. À bord, il y avait un peu plus de 1000 passagers dont Marguerite Lebrun, l’épouse du président et marraine du navire. D’autres hôtes de marque étaient présents : on y trouvait ainsi les écrivains Colette et Blaise Cendrars, les actrices Marlene Dietrich et Greta Garbo, les acteurs Cary Grant, Jean Gabin et Clark Gable, quelques membres de l’aristocratie et du gouvernement et le Maharajah de Kapurthala. Bref, j’avais la grosse pression pour mon show tavu ?

L’heure où tout est parti en vrille ?

Peu après minuit, je terminais mon show dans la grande salle de réception du paquebot devant tous les passagers de première classe. Le capitaine a été appelé à la passerelle pour répondre à un signal de détresse. Peu de gens ont remarqué qu’il quittait la salle, mais moi il m’avait tapé dans l’œil ce capitaine, c’était genre la version 1935 du cuisinier d’À la Folie, tu vois ? Bref, j’avais complètement fait mon show mes yeux plantés dans les siens histoire de lui faire subtilement passer le message que si jamais il y avait moyen qu’on se retrouve seuls tous les deux en fin de soirée, j’avais pas l’intention de la jouer hard-to-get. Donc bon, je le regardais, il me regardait et un moussaillon est arrivé pour lui dire un truc à l’oreille. Quand j’ai vu son visage devenir livide j’ai tout de suite senti qu’il y avait un truc pas normal qui se passait. Alors pour la faire courte, d’après ce que j’ai appris dans les journaux à mon retour (parce que spoiler alert : oui j’ai survécu oui), il y avait un gros morceau de banquise qui était tombé dans l’océan, ça avait créé une espèce de mini-tsunami qui avait foncé droit sur nous. J’imagine que le capitaine a fait ce qu’il a pu mais qu’il a été prévenu trop tard, parce qu’on a senti que le paquebot tentait un virage très serré, probablement pour prendre la vague dans une direction plus favorable. Malheureusement ça n’a pas suffi, le bateau a été incapable de faire face à temps et il a été touché de plein fouet, ce qui l’a fait chavirer. Il a gentiment commencé à se remplir de flotte (froide, cimer), et à couler. Happy New Year !

Un détail croustillant, absurde, totalement gênant ?

Le truc très con c’est qu’on aurait dû avoir à bord Johnny Weissmuller, l’acteur qui jouait Tarzan à l’époque et qui avait auparavant été cinq fois champion olympique de natation. Ce boulet a raté le train pour le Havre à cause d’une manifestation des vestons jaunes à la gare Saint-Lazare. Mais plot twist : Colette avait elle aussi un palmarès pas dégueulasse de championne d’apnée et c’est complètement grâce à elle qu’on a réussi à s’échapper de la salle de réception avant qu’elle soit remplie d’eau.

Un track ou un artiste qui t’a marqué.e ce soir là ?

Moi évidemment ! On ne m’appelait pas la Reine du Quartier Latin dans l’entre-deux-guerres for no reason, you know. Bon personne ne s’en rappelle évidemment parce que ça n’est pas resté comme le moment le plus mémorable de la soirée, mais quand même, j’ai slay ma reprise de “Qui n’a pas sa sucette ?” : “Ça fait le caractère et le tempérament / Les femmes raffinées sucent délicatement / Celles qui croquent nerveuses / Sont de petites vicieuses / Celles qui sont passionnées / Prennent un air gourmand / Avant d’vous fiancer, pour être fixés / Messieurs retenez bien l’nouveau moyen / Qui n’a pas sa su-su, sa sucette / À l’orange ou bien à l’anisette ? / Aussitôt que l’on a commencé / Un peu à sucer / On n’peut s’en passer…” Ah ça, on savait écrire les chansons à l’époque… [soupir nostalgique]

Bon, et t’as quand même réussi à pécho ?

Tu as lu mes réponses aux premières questions ? Tu réalises qu’à bord il y avait Colette, Greta Garbo, Marlene Dietrich, Cary Grant, Jean Gabin et Clark Gable ? Ok Cary Grant en 1936 c’était un peu un twink à peine pubère mais il était déjà très baisable. J’ai jamais été méga fan de la moustache à l’italienne de Clark Gable, moi mon bail en moustache c’est plutôt le style Tom of Finland, mais bon j’ai mes faiblesses de star fucker comme tout le monde hein. Bon et Jean Gabin avait encore de beaux restes j’avoue. Et là je ne parle que des hommes, mais c’est pas comme si le paquebot manquait de jolies lesbiennes ce soir-là. I mean j’ai pratiquement inventé le look smoking d’homme pour femme (immortalisé par Jean Ranobrac pour Maison Chérie), Marlene m’a juste copieusement copiée, tu ne t’es pas dit que c’était peut-être parce qu’elle était folle amoureuse de moi ? Alors je ne suis pas du genre à kiss and tell mais disons que j’ai été bien occupée ce soir-là hihi. Et encore, je pense que j’aurais pu faire bien pire (ou bien mieux ?) si le naufrage ne m’avait pas empêché de choper le capitaine…

A minuit, c’était quoi les bails ?

A ce moment-là tout allait bien, je m’apprêtais à faire le décompte des douze coups de minuit (oui c’est un peu un gig qui revient régulièrement pour moi). Greta Garbo luttait pour dissimuler son agoraphobie, Marlene Dietrich était vexée que je traîne à succomber à ses avances et s’était rabattue sur Jean Gabin pour me rendre jalouse, Clark Gable se redessinait la moustache pour la 742e fois de la soirée, Colette était un peu bourrée, Cary Grant faisait semblant d’être hétérosexuel (mais ne trompait personne, en vrai) et moi j’envoyais des regards qui sentent le sexe au capitaine.

Il s’est fini comment ce cauchemar ?

Grâce aux explorations en apnée de Colette (que l’eau froide de l’Atlantique avait rapidement dessoulée, thank God), avec un petit groupe de passagers un peu dégourdis, on a réussi à se frayer un passage jusqu’à la salle des machines et à sortir par l’arrière du bateau au niveau des hélices. Tout ça a été porté au cinéma dans l’Aventure du Poséidon donc tu peux éventuellement regarder le film (le vrai, celui de 1972 hein, pas le remake, merci) pour avoir les détails techniques, même si les scénaristes ont changé plein de choses par rapport à la vraie histoire, en commençant par placer l’intrigue en Méditerranée en mode « l’eau est bonne » alors que l’Atlantique-Nord un soir de Saint-Sylvestre, laisse-moi te dire qu’il était franchement pas chaud en terme de froideur, vois-tu.

Ta première pensée au réveil du 1er janvier ?

Mon regard vaguait sur la carte de France, on devinait chez moi une certaine souffrance, pleine de mélancolie et de mal du pays, je voulais revoir ma Normandie.

Un an plus tard, à minuit, t’en étais où ?

Bah j’étais morte. Ça faisait déjà plusieurs années que je me trainais une syphilis mal soignée et que je picolais un peu trop, ça n’a pas raté, je n’ai pas fini l’année. Fais-toi dépister, prends soin de toi et picole avec modération !

Un tips pour bien réussir son nouvel an ? Ou bien tout foutre en l’air ?

N’attends pas la fin de la soirée si tu veux te taper le capitaine du bateau !