À tous ceux déjà engagés dans la lutte pour la planète, à tous ceux qui pensent ne pas avoir le temps, à tous ceux qui s’en battent les couilles, il est temps d’ouvrir les yeux et surtout d’agir. En 2019, les festivals occupent une place non négligeable dans le paysage festif et ont des répercussions écologiques importantes. Étant sensible aux questions environnementales, on a décidé de faire un point côté éco-responsabilité grâce Robin Risoute qui nous a gentiment autorisé à publier son article : « Festivals et éco-responsabilité, tandem des rendez-vous de l’été ».
Actuellement, le bilan sur le réchauffement climatique est plus qu’alarmant. Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en octobre 2018 expose les conséquences d’un réchauffement des températures au-delà de 1,5 °C. Celles-ci sont multiples et catastrophiques : vagues de chaleur, extinctions d’espèces, déstabilisation des calottes polaires, montée des océans sur le long terme… Le réchauffement climatique est inévitable. Mais nous pouvons lutter et ensemble le limiter. Notre belle communauté de teuffeurs.e.s ce n’est pas seulement des comportements extravagants et des moeurs délurées. Nous avons déjà prouvé, notamment lors de la Rave pour le Climat du 16 mars 2019 à Paris mise en place par l’organisation militante G.A.F, que nous pouvons nous rassembler. La volonté est donc là, il ne reste plus qu’à la matérialiser.
À l’arrivée des beaux jours et des festivals, on n’est pas resté insensible à la vision de Robin Risoute dont l’article sensibilise à l’éco-responsabilité en festival. On a donc décidé de donner la parole à cet étudiant en communication et stagiaire en tant que rédacteur chez Fournisseur-energie. Un site d’infos spécialisé sur toutes les problématiques liées à l’énergie et au développement durable. Son article nous met ainsi en garde contre l’impact écologique que représentent les festivals avant de faire le tour des moyens dont nous disposons pour y remédier. Organisateurs et festivaliers, bonne lecture.
Ça y est, les beaux jours arrivent. Ils amènent avec eux la période des festivals tant attendue par tous les mélomanes. Il est loin le temps des Monterey ou Woodstock Festivals, où les artistes se produisaient gratuitement sur une plaine sauvage aménagée a minima. Aujourd’hui, les collectifs investissent à foison dans des line-up de qualité et des programmes originaux pour proposer aux festivaliers l’expérience la plus immersive possible. Cependant, le coût écologique est devenu un point d’orgue de l’organisation des festivals. Explications d’un tandem qui fait la réussite des festivals actuels.
Le développement durable en musique
Les regroupement culturels musicaux au service du développement durable
Parce que l’environnement est un enjeu global, les festivals ne sont pas épargnés par cette problématique. Nombreuses sont les actions entretenues par les acteurs, locaux et internationaux, pour réduire leur empreinte négative sur la planète. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque un festival éco-responsable ? Si l’on se base sur la définition officielle de 1987, le développement durable est fondé sur trois piliers : la responsabilité environnementale, sociale et économique.
À ce titre, le préfixe « éco » paraît réducteur face aux enjeux multiples que doivent relever les organisateurs de festival. En effet, un festival, c’est un événement au sein d’un environnement particulier. Mais c’est également un regroupement humain et social massif sur une période définie avec des retombées économiques qui vont au-delà des frontières de ce dernier. Ainsi, intégrer le développement durable au sein d’un festival, c’est comprendre l’impact de l’événement sur l’écosystème environnant. Pour ensuite l’intégrer au bon déroulement du festival, voire en faire sa réussite.
« Un festival a des répercussions écologiques avant, pendant et après sa tenue. »
Si les enjeux sont multiples pour les organisateurs de festival, c’est parce que les impacts sont nombreux. En effet, un festival a des répercussions écologiques avant, pendant et après sa tenue. Première source de pollution : les transports, qui représentent 70 à 80% des émissions de gaz à effet de serre d’un festival. Ce chiffre se traduit par le transport des artistes, du public, des employés / bénévoles, du matériel, du ravitaillement, des infrastructures (sanitaires, stands, barrières, etc.) et tout élément devant être acheminé sur le lieu du festival… aller et retour !
Deuxième source de pollution : la fourniture d’électricité pour les scènes, les stands, la sonorisation, les décors voire les bornes de chargeurs de portables pour les festivals de plusieurs jours. À noter également la restauration et les campings, auxquels on peut lier tous les déchets créés par ces deux activités et laissés sur le lieu de l’événement par les festivaliers. Vous l’aurez compris, tout a un coût énergétique. Et les festivals ne sont pas épargnés tant l’organisation demande des moyens matériaux et naturels importants.
Ainsi, quels sont les objectifs d’un festival responsable ? Comment qualifier un festival d’éco-responsable, ou d’éco-citoyen comme on l’entend à travers les discours des organisateurs ? Une première solution vient en tête : Glocal.
Que signifie Glocal ?
Glocal est un mot valise issu de l’anglais global et local. Il est particulièrement utilisé dans le domaine du marketing. On peut le traduire simplement en français par « Penser global, agir local ». Dans le cadre d’un festival, il s’agit pour ce dernier de garder son identité. Mais aussi de en s’adapt à la population et à l’environnement qui l’entoure, pour en tirer profit au maximum et réduire son coût environnemental.
Les fondations d’un festival responsable
Vous l’aurez compris, rendre un festival responsable, c’est mobiliser des ressources matérielles, humaines et financières au service de valeurs propres à l’événement. Ces valeurs peuvent être traduites en une simple idée. C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des festivals aujourd’hui. Une addition de petites actions telles que la mise en place d’une consigne sur les gobelets et l’installation de stands de restauration bio. Elles peuvent aussi se traduire par une réelle philosophie autour de laquelle le festival a été conçu. On pense notamment au We Love Green à Paris même si nous pourrions (et nous allons) en citer d’autres. Evidemment, ces valeurs s’inscrivent dans la continuité des trois piliers du développement durable, et doivent être « écologiquement vivable, socialement équitable et économiquement viable ».
« Ce qui peut aider à obtenir un résultat c’est la sensibilisation et la coopération entre les organisateurs des différents festivals. »
Afin qu’elles soient mises en place de manière effective, tous les acteurs du festival doivent être mobilisés et acteurs de cette transition. On pense évidemment en premier lieu aux organisateurs, qui sont les fers de lance de cette (éco)responsabilité. Ce sont eux qui inculquent les valeurs qu’ils souhaitent véhiculer au sein de leur festival et décident des moyens qu’ils souhaitent déployer dans cette démarche. Parmi les actions, devenues « classiques » aujourd’hui, on peut répertorier :
- Le tri sélectif des déchets et l’installation de containers prévus à cet effet
- L’utilisation de gobelets consignés et éco-responsables
- L’installation de toilettes sèches
- La réduction voire le bannissement des plastiques à usage unique (pailles, emballages inutiles)
- L’installation de stands et foodtrucks bio ou vegans
- La mise en place de navettes / plateformes de covoiturage / tarifs préférentiels (notamment sur le train) pour se rendre sur le lieu du festival
- La mise en place d’un espace dédié aux conférences et discussions pour sensibiliser les festivaliers sur des questions d’intérêt commun
- L’utilisation d’un éclairage LED pour la scénographie
- Utiliser des énergies vertes pour alimenter les scènes (panneaux solaires, éoliennes)
Finalement, outre cette liste non-exhaustive d’actions pouvant être mises en place, ce qui peut aider à obtenir un résultat sur le long-terme, c’est la sensibilisation et la coopération entre les organisateurs des différents festivals. Chacun d’entre eux peut favoriser les circuits courts pour développer l’économie locale et réduire la masse des transports (surtout concernant l’acheminement des produits sur le site). Cette démarche peut être rendue possible en multipliant les acteurs impliqués dans l’organisation d’un festival.
Par exemple, il est possible de favoriser des collaborateurs indépendants, des collectifs locaux et des associations plutôt que des grands groupes financiers – comme Vivendi ou Fimalac – ou des organisateurs internationaux – AEG et Live Nation en tête – pour le financement de l’événement. Ces derniers ont tendance à focaliser leurs ressources financières sur les artistes et favorisent les gros cachets pour attirer des artistes de renom mais rendent les line-up parfois trop génériques. Ils font tourner la culture du festival autour de son aspect financier plutôt que culturel.
« Les festivaliers sont également acteurs de cette responsabilité. »
On peut étendre cette réflexion au sponsoring. Les grandes marques (de bière par exemple) qui demandent l’exclusivité sur les stands détruisent la compétition et représentent un frein au développement d’autres produits locaux. Cependant, les subventions publiques étant encore trop minimes, certains festivals n’ont d’autres choix que de coopérer avec ces grands groupes.
Ainsi, éviter ces acteurs et penser local représente une démarche écologiquement vivable et économiquement viable pour les commerces aux alentours du festival. Par ailleurs, l’idée de mutualiser les achats afin qu’ils soient utilisés au sein de différents événements (notamment les systèmes son et lumière) paraît être une autre réponse à la réduction des frais économiques et écologiques.
Outre les organisateurs, on peut noter que les festivaliers sont également acteurs de cette responsabilité, comme évoqué précédemment via leurs actions en dehors (privilégier les transports en commun lorsque c’est possible ou le covoiturage pour se déplacer) et sur le festival (tri sélectif, participation aux discussions, achats écologiques ou cendriers de poche pour les fumeurs).
Enfin, troisième et dernier acteur qu’on aurait tendance à oublier : les artistes eux-mêmes. Ils sont acteurs de leur scène musicale et ont eux aussi un impact environnemental. Par exemple, un groupe populaire comme U2, pourtant reconnu pour ses actions environnementales, qui organise une tournée de 44 dates va autant polluer qu’un aller-retour sur Mars ! Les plus grands DJs qui occupent la tête des classements et sont programmés dans de nombreux clubs vont, chacun d’entre eux, autant polluer en un mois qu’un habitant de Grande-Bretagne en un an.
Ces chiffres encouragent donc certains artistes à développer une démarche environnementale personnelle. Cela se fait par la mise en place de clauses environnementales au sein de leur contrat ou la création d’associations comme DJs for Climate Actions. Ce sont de petites étapes comme celles-ci qui créent un catalyseur pour l’information, le débat et de futures actions. En bref, le principe de responsabilité sur le long-terme passe également par les artistes que vous allez voir.
Qu’est-ce que DJs for Climate Actions ?
DJs for Climate Actions est une initiative créée par le DJ New-Yorkais Sammy Bananas qui encourage les DJs à sensibiliser et accroître les actions écologiques, comme éviter les vols inutiles, prioriser les shows proches de leur ville d’habitation, etc. A l’occasion du Earth Day, qui aura lieu le 19 avril prochain, et pour la deuxième année consécutive, les 57 DJs participant à ce projet ont sorti une compilation pour le climat dont les bénéfices sont reversés à des associations.
L’éco-responsabilité, pas un frein au développement, au contraire…
Les pratiques des grands festivals
La saison 2019 des festivals se rapproche de jours en jours. Il devrait être rare de ne pas trouver la moindre action écologique au sein de l’événement auquel vous participez, quelle qu’elle soit. En effet, depuis quelques années, on assiste à une généralisation des pratiques éco-responsables. Cela inculque un nouveau souffle au paysage des festivals. Comme souligné précédemment, que ce soit par de petites actions ou par véritable philosophie, les festivals qui ont réussi à nouer un lien avec l’écologie sont nombreux. Décryptage de quelques exemples de festivals qui marquent de par leurs intentions écologiques.
We Love Green (Paris) : parmi les festivals éco-responsables français, We Love Green fait figure de porte-étendard, et l’édition 2018 a atteint des sommets de responsabilité environnementale. Energie renouvelable créé sur le site du festival, 95% d’ampoules basse-consommation, don des invendus alimentaires, 50 conférences animées par des scientifiques et philosophes, collecte des mégots pour le recyclage en France et même toilettes du futur (dont l’urine est récupérée pour produire de l’engrais) : vous l’aurez compris, les actions menées par We Love Green sont nombreuses et novatrices. De quoi donner des idées aux autres organisateurs.
Cabaret Vert (Charleville-Mézières) : le pionnier des festivals écologiques en France qui regroupe aujourd’hui les initiatives les plus populaires : tri sélectif, restauration locale, levée de fonds pour planter des arbres et même enceintes 100% vertes qui fonctionnent à l’énergie solaire.
Terres du Son (Monts) : éco-village, navettes de déplacement, 100% de produits locaux, facilité d’accès pour tous les festivaliers, campagnes de communication numérique privilégiées aux campagnes papier, création de potagers, déplacement en voitures électriques sur le site… Terres du Son s’inscrit parfaitement dans ce que représente un festival éco-responsable aujourd’hui de par ses nombreuses petites actions tournées autour d’une philosophie propre.
DGTL Amsterdam (Pays-Bas) : en dehors de nos frontières, le DGTL fait figure de référence incontestée en matière de festival éco-responsable, et ce depuis plusieurs années déjà. Cette année encore l’innovation est au coeur de la démarche. Au programme vente de plats composés uniquement des surplus de nourriture produits dans les circuits courts de la ville… et végétariens ! Cette initiative s’ajoute au partenariat avec la ville d’Amsterdam pour intégrer l’environnement local à l’événement. Quelques exemples : l’hébergement des artistes est prévu dans un hotel à énergie zéro, la création par des étudiants d’Amsterdam d’une installation luminaire sera ré-utilisée dans la ville après le festival ou la mise en place d’éco-coins, une monnaie utilisable sur le festival qui gratifie les actions écologiques des festivaliers.
Dour Festival (Belgique) : l’une des initiatives les plus populaires et celle de la récupération des gobelets. Ils sont ensuite échangés aux festivaliers par des tickets boisson (il n’est ainsi pas rare de voir des personnes avec une cinquantaine de gobelets empilés, de quoi valoriser ceux qui font des efforts). Autre initiative, le Green Camping : plus de confort en contrepartie d’un objectif 0 déchet. Finalement, la force de Dour est le transport. La commune est située dans la campagne belge, à 30 minutes de Valenciennes : 60 destinations sont desservies en bus pour aller et venir du festival (desservant la France, l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg et la Grande-Bretagne).
« Si nous voulons continuer à danser encore longtemps, nous devons tous agir maintenant. »
Le but de cet article n’étend pas de lister tous les festivals éco-responsables, cette liste non-exhaustive veut simplement montrer la pluralité des événements qui existent et les actions que chacun mène pour réduire, à sa façon, son impact environnemental.
Après la fête, le bilan
Après le festival, l’heure est au bilan. Pour montrer que les organisateurs allient paroles et actes, les plus éco-responsables (We Love Green, Dour entre autres) postent en ligne le bilan écologique de l’événement. Ils recensent aussi toutes les économies réalisées grâce aux actions implémentées.
Malgré la démocratisation graduelle de l’éco-responsabilité au sein du milieu musical, les freins sont nombreux. Il est difficile pour les plus petits collectifs et associations de se positionner sur le sujet. En effet, effectuer une démarche responsable a un coût. C’est une partie du budget de l’organisation qui doit y être alloué. Un budget qui ne sera donc pas utilisé pour le booking d’un artiste en particulier ou d’une activité pour enrichir l’expérience du festivalier. Un budget qui peut être limité, notamment pour les petits festivals indépendants qui dépendent très souvent des financements publiques. Qui sont d’ailleurs eux aussi souvent (trop) minimes à la vue du coût d’un tel événement.
C’est pourquoi, comme abordé tout au long de cet article, le principal objectif de tous les acteurs d’un festival est la sensibilisation. Si de nombreuses scènes organisant de conférences ont été implantées dans le paysage des festivals ces dernières années, c’est parce qu’elles sont en accord avec les valeurs que transmet la musique : partage, écoute, rencontre, faisant partie inhérente de notre responsabilité sociale à tous.
Alors, si nous voulons continuer à danser encore longtemps, nous devons tous agir maintenant.