Pas toujours facile de mettre les pieds dans un club de légende. A Berlin on vous parlait du Berghain d’or, du Kit Kat libertin, du Sisyphos féroce, du Tresor mythique, à Londres, de la Jaded d’after. Pour cette sixième édition, on a décidé de rentrer en France et de mettre les pieds, pour la toute première fois, dans un club légendaire pour beaucoup, ici comme ailleurs, mais décrié par tant d’autres. Concrete c’est fini ; info ou intox ?
(Ouh la la on adore ces punchlines de merde)
Qu’on se le dise, les railleries ont afflué depuis des années. « Mais QUEÛÛÛAAA, mais WHATHEUZEFEUKHEU, mais MEEEEEUUUF (t’sais avec tout plein de majuscules dans la voix quoi), t’es GENNNNRE jamais allée à la CONCRÈÈÈÈTE ? Han la la la la, c’est DIIIIN-GUEUH !« . Ou-ai, c’est dingue pour la journaliste nuit qu’on essaie d’être. Mais on évite tous, par tous les moyens, de se faire du mal, et nombreux avaient été ceux à me dire « Non non non, tu peux pas aller à la Concrète, le public, là-bas, c’est chaud comme ça craint !« . Habitués des soirées libérées, libertaires et libres en tous sens, on se voyait mal se pointer à Concrète avec tout notre crew de déviants, entre pd darkos, gouines extrémistes et hétéros libertins… Déjà on avait jamais compris si on disait CONCRÈTE, la CONCRÈTE, si on mettait un accent, si on y mettait pas d’accent, bouarf, c’était un peu trop compliqué.
Mais quand même, le bail me traînait dans la tête depuis pas mal de temps, on aime pas mourir con, et j’avais envie d’avoir 15 ans again and again, juste le temps d’une journée. Alors évidemment, il fallait se réserver un dimanche en plein jour pour vivre le truc vraiment, parce que c’est là où tout a brillé en premier sur le bateau de Concrète. Rappelle toi si t’es pas (trop) jeunot, le 30 octobre 2011 naissait la première soirée Concrète, gros after parisien qui n’ouvrait qu’à 7 h du matin le dimanche et ne se terminait qu’au petit lundi matin. Oh les génies Brice Coudert, Aurélien Dubois et Adrien Betra ! Avec la Sundae de Celine, en face, ils représentait à eux deux, en quelque sorte, le renouveau de la scène fête parisienne. Un truc qui rendait les gens sacrément heureux. Un truc inspiré des virées berlinoise, permettant aux clubbeurs assidus, et aux danseurs pas fatigués voire totalement perchés, de se la donner, et de se la mettre aussi, le dimanche, toute la journée. Aujourd’hui Concrete a élargi ses formats, le public s’est quelque peu transformé, sans s’assagir, il s’est rajeuni. Face à des programmations établies aux petits oignons où les plus grands se battent pour une platine et les petits-moyens se font dessus d’y brancher une clef ou d’y poser un vinyle, nous public, on rechigne souvent à céder à cette tentation, du haut de nos trentaines bien établies. Pourquoi ? Comment ? Autant s’y rendre, une fois pour toute, et se faire sa propre idée. Allez !
Club : CONCRETE
Ville : Paris
Adresse : 69 Port de la Rapée, 75012 Paris
Nom de la soirée : Samedimanche: Ben Klock, Stanislav Tolkachev, Positive Education les 6 et 7 octobre 2018
€ : No idea, j’accompagnais le dj, mais d’après ce que j’ai compris c’était 12 euros en prévente, 15 euros sur place et 5 euros en plus si tu voulais sortir puis rentrer à nouveau.
€ drinks : Bon alors, c’est là que j’ai clairement apprécié le fait d’accompagner le dj. Le demi est à 5 balles si je me souviens bien, mais Oh Surprise, pas de pintes ! D’énormes pichets pour la modique somme de 18 balles. À noter : mieux vaut débarquer à Concrete déjà bien amoché.
Signe particulier : Le fait que le club se trouve sur un bateau ? Fut un temps où sortir sur des bateaux était quasiment normal, aux grandes heures du Concorde Atlantique, du Batofar, ou même, souvenons-nous de la Balle au Bond (ouh la la). Aujourd’hui, tout est retourné en club, ou tout est sorti de la ville. Mais les bateaux n’ont plus le vent en poupe. Alors saluons Concrete qui continue d’être un bateau et d’avoir des progs en or.
Pourquoi cet endroit / cette soirée là ?
J’y accompagnais le dj qui ouvrait le woodfloor à 16 h, on ne citera pas son nom, il est très discret, puis c’est un romantique qui préfère garder l’anonymat. L’humilité incarnée. La légende se fiche un peu de moi, car je n’y avais jamais mis les pieds, et ou-ai. Du coup, une espèce de deux en un où j’accompagnais le copain et je visitais les lieux. Voire même trois en un avec un Ben Klock à la Main Room, que je n’avais (la légende se fiche aussi de moi), jamais… vu… jouer. Sympathique promenade dominicale. Ouh la la j’avais l’impression d’avoir 12 ans !
Ce que tu en savais, en avais entendu ?
J’en avais entendu… que du bien il y a quelques années. Que du mal depuis quelque temps. Bah ou-ai parce qu’évidemment quand t’es un club, une soirée, un collectif, et que tu grossis, on finit par parler de toi partout, et parfois un peu trop, et puis pas qu’en bien. Ton public évolue, se transforme au regard des tendances. Ou-ai, la techno est devenue l’apanage de l’hétéro-beauf bêta. Ouh la la c’est pas gentil gentil ce qu’elle dit là ! Qu’on se comprenne, dans cette appellation, pas de réel jugement de valeur, mais une simple réaction à l’appétence du lourdaud -allez, 3 à 7% des clubs et soirée techno aujourd’hui- à se croire tout permis, pas seulement dans la rue, ou dans le métro, mais dans le club, sur la piste, dans la queue des toilettes ou au bar, et en particulier là où la prog est belle et où les gens sont cools. Argh. Au secours. Malaise. Que faire ?
Première impression ?
Ouah, c’est cool. Ouah, c’est assez classe dans le trash-test. Ouah, c’est bien dégueu comme je l’aime dans la crash-caisse. Même de loin, juste à l’entrée, on comprend vite que le système son en a rendu aphones plus d’un (ou-ai, d’avoir trop gueulé quoi) et que l’heure est trop avancée pour certains, pas assez pour d’autres… On s’imagine bien le woodfloor blindé, on s’imagine même y danser sous la pluie en plein été, on s’imagine y passer l’after sur le set d’un dj qu’on connaît pas mais qu’on adore déjà. La Main Room, à l’étage du bas, a ce petit quelque chose de sombre et industriel (de béton, « concrete » en anglais, tout y est, ndlr) qui te fait te sentir chez toi (pour gros clubbeurs techno, amateurs de funk s’abstenir). On adore la Main Room. On adore l’endroit.
Le truc cool ?
Les toilettes nettoyées H24. Ça hume le Paic citron et pour une fois pas la bouteille de poppers renversée, le papier toilette coule à fond les ballons, pas besoin d’hurler comme une connasse pour obtenir un bout de papier sec, de biens beaux miroirs sans crachats ni vomi, pour se faire tourner la petite jupette de soirée, ouh la la, on s’y attendait pas.
Le gros bad de la nuit ?
Pas de gros bad, hormis le mec chargé des toilettes qui m’empêche gentiment d’aller chez les mecs, pensant m’aider. J’ai eu envie de débattre, de lui sortir un gros : « mais oui mais mec, et si j’ai envie d’aller en face, moi ? ». J’y ai réfléchi le temps d’un pipi. Et si j’étais un mec ? Et si je me sentais mec ? Et si je voulais aller user de mon pisse-debout dans les pissotières des « mecs » ? Et si on remettait un peu au goût du jour les toilettes mixtes ? Le temps d’un pipi. Puis j’en ai conclu qu’il fallait peut-être un peu de temps, à ces « soirées-là », de l’éducation et de la prévention, pour que mélanger les genres ne devienne pas très vite un grand danger pour l’un ou pour l’autre. Bon.
Le truc drôle ?
Les gens qui me prennent pour la meuf du dit-dj. Muahahah.
Note musicale de la nuit ?
Un bon 80/100 (ou-ai, les notes sur 100, c’est la vie). J’ai entendu pas mal de gens dire ne pas avoir accroché sur Stanislav Tolkachev. Faut dire que c’était très expé, très sombre, très très très violent pour un dimanche aprem, même à Concrete. Mais Stanislav Tolkachev, du haut de ses quatre platines, il m’a quand même pas mal captée, éblouie, fait vriller, à l’intérieur, sans forcément sourciller de l’orteil. C’était beau, c’était comme un concert, un concert un peu violent, certes, mais la violence est exutoire. Ce genre de moments un peu suspendus dans le temps, ce sont de bien jolis mouroirs pour nos morals en berne dominicaux. Une espèce de mise à jour nécessaire avant de retourner à sa vie, à sa violence à soi, que pour le coup, on choisit pas. En haut, un set génial du copain dj, maîtrisé, bien préparé, techniquement impeccable.
Le truc à y éviter ?
Croiser le regard des mecs qui sont là depuis plus de quinze heures, mais y faire attention quoiqu’il en soit. Très clairement, ces spécimens là, sortes de cadavres ambulants semi-étouffés par leurs propres remontées gastriques, sont, non pas à éviter, mais à garder en vue, sait-on jamais. Non parce qu’un keum qui s’est gobbé quatre traces de K, deux quarts de taz, quatre pintes à l’apéro, et quatorze bouffées de poppers en une nuit, est, soit à conduire à l’hôpital, soit à surveiller, histoire d’éviter le gros drama qui fera bien valser le Parisien. On en rit de ces mecs là, parce qu’il ont un truc bizarre dans l’oeil, comme un démembrement de la rétine, qui porte à croire que tout est absurde et interlope, de leur petit pas de danse totalement décalé, à leur brusque manière de se retourner au passage d’une fille, cheveux collés au visage, petit coin de bave aux lèvres, en passant par leur regard vissé/dévissé qui fixe tout et rien à la fois, dans un drôle de rituel auquel personne ne comprend rien. On en rit de ces mecs là, ou-ai. Mais on devrait pas en rire tant, tant qu’il est temps quoi.
Le truc à améliorer ?
Peut-être des programmations plus libérées, libertaires et plus queer ? Peut-être un travail à faire sur le public Concrete pour que Concrete se libère un peu des carcans et soit considéré comme un espace plus safe par les populations queers ? On peut être sûr que l’idée serait accueillie avec plaisir et joie de la part de pas mal d’orgas concernés. Le message est lancé !
On a bu quoi ?
De la bière, et un Get 27 vodka perrier, tranquille le dimanche, on se calme.
Spotted ?
Un mec géant, blond, avec des tatouages sur le torse. Enfin il était pas à poil hein, mais c’est un habitué de la Station. L’équipe de Concrete, qui s’occupait de mon copain, ça change de pas mal d’endroits où les gens sont pas toujours sympas sympas, et clairement, vu ce qu’on m’avait « craché » de Concrete, je m’y attendais mais alors, pas du tout. Bingo.
Degrés de sauvagerie / déviance ?
Un petit 77 % parce que c’était drôlement calme, d’après ce que j’ai compris, pour un dimanche.
Pourcentage de bonheur ?
Un petit 78 % parce que c’était quand même très cool.
Dernière impression en partant ?
Les deux mecs qui dansaient devant mon copain dj, qui lui paient un verre après son set et l’un deux qui dit adorer Heeboo. Bon on va pas se mentir, ça fait du bien par là où ça passe !
On y retournera ?
Et bien, contre toute attente, un grand oui. Bah ou-ai. Allez.
Pour les retrouver c’est sur Facebook : CONCRETE