Paris est trop petit. C’est de ce constat simple et véridique qu’est né le 21ème arrondissement de paname, avec le collectif 75021. Si aujourd’hui, traverser le périph’ est devenu monnaie courante pour le teuffeur parisien avide de découvertes et de nouvelles expériences, le phénomène ne coulait pas de source il y a quelques années. À l’approche de la 75021 #33, on a rencontré trois membres du crew, Alexandre, Marc et Pierre, histoire de se mettre à la page de sept années de délicieuses sauteries !
L’aventure 75021 commence en 2012, au 6b, lieu de création et de diffusion pluridisciplinaire à Saint-Denis. L’envie, à l’époque, c’est de créer un arrondissement imaginaire et éphémère, pour faire la fête différemment tout en bouleversant les codes classiques de la teuf. Aujourd’hui, 75021, qui a déjà déambulé entre le 6b, La Machine du Moulin Rouge, le Fort d’Aubervilliers ou encore le Port de loisirs de l’Été du Canal à Bobigny, est devenu l’un des collectifs majeurs de la scène électronique en région parisienne. Le crew, qui s’inscrit constamment dans une démarche qualitative, lance le 33ème épisode ce samedi 27 juillet pour un retour à La Station – Gare des Mines. À l’approche de cette teuf, qui annonce un degré de sauvagerie élevé, les co-fondateurs du joyeux bordel, Marc et Pierre, ainsi qu’Alexandre chargé de la communication ont répondu à nos questions.
Chez 75021, le mot d’ordre (après la qualité, entendons-nous bien) c’est la liberté. Liberté d’expression, de création artistique qu’elle soit musicale ou visuelle, de créer un univers et de façonner la fête à son image. Et ça donne 10 heures de teuf, de 16 h à 02 h du mat’, pour la 75021 #33 avec un programme chargé derrière les platines. Alors, on se bouge les fesses encore une fois avec le sourire, et on déboule samedi 27 juillet à la Stass !
Hop hop hop on fait les présentations !
Alexandre : Je fais la com’ chez 75 et depuis trois ans dans l’équipe. J’ai suivi les aventures au 6b et comme l’ambiance était plutôt bonne je me suis rapproché de Marc et Pierre. À côté de ça, je m’occupe de la com’ web de La Machine du Moulin Rouge depuis un an.
Marc : Marc Resplandy, programmateur à la Machine depuis 2012, programmateur Trax Magazine depuis 2019, co-fondateur de 75021.
Pierre : Je m’occupe de la production artistes du festival We Love Green et du collectif / festival Qui Embrouille Qui. En parallèle je suis régisseur en free lance pour plusieurs agences.
Organiser une soirée, beaucoup de gens y pensent mais d’où vient l’impulsion réelle ?
Alexandre : J’étais pas là à la naissance du projet donc je vais pas parler à la place des deux, mais y’avait un manque de promotion de la scène hexagonale, une envie de faire la fête différemment, de sortir du périph’… Il fallait une solution à cette équation.
Marc : La motivation première a été de mettre en avant des artistes et collectifs amis qui le méritaient, dans des lieux hors norme. Celle qui nous guide depuis toujours c’est la QUALITÉ : de la musique, de l’accueil, du sound system…
Pierre : Participer à la création d’une vibe qui nous correspond et qui fait plaisir aux potes.
Du coup, 75021 c’est né quand et comment ?
Marc : C’est né officiellement le 21 décembre 2012 à la Machine avec Antigone, As Patria, Dscrd, Eliot Litrowski, HXB, Larcier, Sidney & Suleiman et théorama. Mais c’est surtout né de la rencontre entre Yoan Till (6B, Soukmachines) et Sonotown (Julien Boisseau et moi-même) pour l’organisation du Meet-ing open air, le 11 aout 2012: une fête qui regroupait 20 collectifs parisiens et quelques 2500 personnes au 6B. Vu le succès rencontré on a voulu donner une suite mais surtout un propos à cet événement et profiter de ce lieu fantastique qu’était le 6B.
Pourquoi ce nom ?
Marc : 75021 c’était notre réponse au manque de place dans cette ville. C’était la fête hors Paris, l’affranchissement de cette frontière fictive qu’était le périphérique et qui, à l’époque faisait peur à pas mal de gens. C’était cette idée d’arrondissement imaginaire et éphémère, comme le sont ces instants de fêtes en quelques sortes, quand tu y repenses après coup.
Pierre : Meilleur nom.
À 4h du mat’, si on vous demande ce qu’est 75021, vous répondez quoi ?
Alexandre : Meilleures teufs et meilleur public de Paris since 2012.
« C’était un bordel assez indescriptible. Je me souviens qu’il y avait des moutons dans la cour du 6b, qui n’était pas encore une plage, gros gros chantier. »
Marc : Une vision authentique de la fête et de la musique, toujours identique sept ans après.
Pierre : Des formats plutôt simples mais toujours pointus sur le contenu. De la grande camaraderie.
Et à 8h du mat’ ?
Alexandre : Meilleures teufs et meilleur public de Paris since 2012. J’aurai répondu pareil avant d’intégrer l’équipe et je répondrai toujours pareil à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Marc : Putain déjà 33 ans, c’est passé vite tout ça !
Pierre : J’ai mal au dos.
On se souvient de la toute première 75021 ?
Alexandre : Pas présent. Mais le line-up c’était le futurrrr.
Marc : Je me souviens surtout de cette déambulation dans le 6B. Tu prenais l’escalier taggé, direction le premier étage. À gauche la petite salle, les vitres colorées, le soleil qui se couche. Entre les deux salles un long couloir enfumé avec au bout, la grande salle, son plafond bas, ses fils qui pendent, un gros Kara qui sonne fort. Lumières fixes rouges, pas de chichi et pour moi la meilleure vibe que j’ai pu voir ici, toute compétition confondue.
Pierre : Je suis venu à la première sans connaître l’équipe, c’était un bordel assez indescriptible. Je me souviens qu’il y avait des moutons dans la cour du 6b qui n’était pas encore une plage, gros gros chantier. J’ai bossé sur la seconde et c’était parti.
Un souvenir marquant de 75021 ?
Alexandre : Un lever de soleil au travers des vitres du 6b un 19 juin 2015. Notre résident Benales aux commandes. C’était un format réduit avec juste l’étage ouvert, une belle réunion de famille. Après la première à La Station (et première pour moi en tant que membre officiel de l’équipe), la première du High Bass Sound System, la caserne de gendarmes avec Alter Paname… Y a plein de trucs que je raconterai à mes petits enfants.
Marc : Notre appart / crack house qui sentait la peinture pour Alter Paname. Un par led, une machine à fumée et théorama aux platines à 100BPM MAX ! Sinon Daniel Savi, Sydney & Suleiman et Samuel André Madsen en 2013. Et plus récemment, Simo Cell et Batu, quatre heures de folie sur le High Bass.
Pierre : C’est facile, mais beaucoup trop de bons souvenirs pour n’en choisir qu’un seul.
Un moment où tout a failli vriller, mais aujourd’hui on en rigole encore ?
Marc : Le jour où on a eu huit contrôles de flics dans la même journée. Ça a commencé à l’ouverture, avec une vérification de tous nos papiers, un par un, dans les bureaux. Puis, toutes les heures, heures et demie une brigade se ramenait pour « contrôler la jauge ». On les a tous eu : la municipale, la police nationale, la sûreté départementale et pour finir les gros bras de la Bac qui sont venus se garer devant le portail pour mater le cul des filles et vider les poches de quelques gars « douteux ». Fin de journée, on était bons pour un deuxième contrôle type « on va tout reprendre depuis le début » version 2 grammes dans le sang. On avait sûrement dû se faire balancer par quelqu’un. Y’avait marqué « Issue de secours » sur notre fly, c’était un signe ! Un an après on partait à La Station.
Pierre : La terrasse du bar qui s’écroule sur la plage au 6b, 100 personnes qui perdent 50 centimètres, d’un coup, devant nous.
D’après vous pourquoi on fait autant la fête ? Elle vient d’où, pour vous, cette envie de faire toujours plus la fête ?
Alexandre : Personnellement, je ne me sens pas animé par une envie de faire toujours plus la fête parce qu’on peut oublier l’essentiel à force de vouloir en faire trop. Je fais pas ça pour oublier mon quotidien comme dirait Marc, mais juste parce que j’adore ça. Donc, que ce soit en tant que public ou membre de l’équipe, je pense plutôt qualité que quantité, faire la fête, la faire le mieux possible en choisissant bien le moment et l’endroit pour préserver ce plaisir, ces moments et pas se lasser.
Marc : Quand on regarde en arrière et que l’on voit tous les souvenirs emmagasinés, les discussions que l’on a encore sur telle ou telle fête, tel moment épique, telle galère, le gros live de machin ou le closing d’un tel, on se dit que la finalité c’est bel et bien ça. On est pas là pour se démonter et oublier son quotidien ou je sais pas quoi. Il est bien mon quotidien ! Mais on crée des moments, c’est le seul instant où je croise peut-être 30, 40, 50 potes de cercles différents, qui ne se croisent nulle part ailleurs en fait. Et puis avant tout, on aime la musique, on aime danser.
Organiser des teufs pour vous, ça représente quoi ?
Alexandre : Inciter les gens à faire la fête comme toi t’aimes et que tout le monde soit content à la fin.
« Pour résumer, ta proposition graphique c’est ton intention de programmation traduite visuellement. Il faut pousser plus loin, aussi loin que l’est ta prog. »
Marc : Sans faire dans le mélo, c’est une philosophie de vie un peu. On arrive à un âge où la nature de nos fêtes va sûrement changer mais la quête restera la même. Ça fait tellement partie de nos vies professionnelles et personnelles. D’ailleurs on ne résume pas ça à « organiser des teufs », on est là pour autre chose.
Le truc le plus jouissif dans le fait d’organiser une soirée ?
Alexandre : Quand tout le monde est content à la fin !
Marc : Lâcher un line-up évidemment, sortir un visuel, danser, envoyer de la fumée depuis une télécommande sans fil.
Pierre : Quand tu sens que les artistes prennent vraiment leur pied, quand tu breakes uniquement sur tes préventes.
Et le pire truc ?
Marc : Déboucher des chiottes à la main (coucou Benja).
Pierre : Avoir toutes tes tireuses qui moussent à cause de la chaleur.
Niveau organisation, ça fonctionne comment chez 75021 ? On est plutôt démocratie ou régime dictatorial ?
Alexandre : Chacun a ses rôles, mais chacun donne son avis. Régime collectif. Perso je m’occupe de tout ce qui touche à la com digitale.
Marc : Chacun son rôle, chacun son expertise. Alex c’est monsieur digital et notre plume. Pierre s’occupe des questions de prod et régie. Je m’occupe de la programmation, de la com’ et de la relation aux lieux.
Pierre : Je me suis occupé du bar pendant des années. Maintenant je fais la prod et de l’admin quand c’est nécessaire, toujours un peu de régie.
Qui se charge de la DA et du graphisme ? C’est quoi le message que vous souhaitez véhiculer à travers le graphisme de 75021 ?
Alexandre : Qu’on veut se concentrer sur le graphisme justement, sortir du support de com’ pour poser une vraie identité visuelle et graphique. Les anglais font ça depuis longtemps, c’est souvent un terrain d’expression libre pour les artistes donc autant en profiter et pouvoir présenter des personnes dont on aime particulièrement le taffe. Florent Hadjinazarian avant, Jules Canouet maintenant, allez voir c’est le feu.
Marc : On a jamais travaillé avec un graphiste sur 75 à vrai dire mais avec des artistes. On en a eu deux en sept ans. D’abord, les photos de Florent Hadjinazarian. Il a clairement participé à l’identité du projet et a amené sa vision assez singulière, aux antipodes des codes de ce qui se faisait (se fait encore) sur les visuels de soirée. C’est un artiste génial, visuellement et musicalement. Son travail a toujours collé avec notre esprit, notre envie de changer les codes, les formats, de mélanger les styles musicaux. Un contrepied à tous les niveaux. Après six ans on a voulu se métamorphoser, et on a découvert Jules Canouet. On est passé à l’illustration pure, tantôt noire et blanche, tantôt ultra-colorée. Disons que pour moi tout est là, c’est ça l’illustration moderne. J’aime tout, sa façon de voir les choses, les thématiques abordées, ses textures incroyables. Absolument tout ce qu’il fait me touche. On vient de sortir un t-shirt de lui d’ailleurs, avec le soutien d’Edwin.
Pour résumer, ta proposition graphique c’est ton intention de programmation traduite visuellement. Il faut pousser plus loin, aussi loin que l’est ta prog. Il faut du propos dans tout. J’estime qu’on a une prog singulière dans le paysage parisien, je voulais la même chose sur nos visuels. Regarde ce que fait les Siestes Electroniques avec Pierre Vanni. On est de cette école.
Le graphisme, c’est aussi important que la musique à vos yeux ?
Alexandre : Dans les enjeux oui, proposer des trucs différents, faire appel à des artistes ou DJs qui ont leur propre vision, les laisser s’exprimer librement, ça fait partie de l’ADN 75.
« Le grand rêve du crew ne se situe pas à Paris, affaire à suivre ! »
Marc : Aussi important et primordial. C’est intimement lié. Regarde les covers de disque, les logos de label, les clips, le merch. Il y’a un vrai fétichisme des passionnés de musique et du milieu autour du visuel. Regarde comment Marko Vuleta-Djukanov sublime chaque line-up sur ses posters. Regarde les typos des soirées Left Alone à Londres, les posters de Jonathan Castro Alejos, la DA irréprochable de Alex McCullough pour Whities ou la dernière affiche de Qui Embrouille Qui par Elie Pesqué. C’est élevé au rang d’art à ce niveau là, ça me procure autant de sensations qu’un line-up bien ficelé.
Sans transition, le public de 75021 il ressemble à quoi ?
Alexandre : À la famille que tout le monde devrait avoir.
Marc : Public très mélangé, très ouvert, curieux et exigeant.
Le truc le plus drôle, absurde, cocasse qui vous soit arrivé à une soirée 75021 ?
Alexandre : Essayer de comprendre David Vunk à 03 h 00 du mat’. Mais jai pas dû être très clair non plus ahah.
L’avenir de 75021, il est où ?
Marc : On va essayer de ne pas rester qu’à La Station même si ça reste notre lieu préféré à Paris. On va surement faire des collabs la prochaine saison. Le grand rêve du crew ne se situe pas à Paris, affaire à suivre !
Le premier track qu’on trouve dans vos playlists ?
Alexandre : Walton – Murdah. Un peu d’auto-promo pour samedi et du très haut niveau en matière de bass music.
Marc : En ce moment c’est Religion de BbyMutha et Throw It de Father.
Pierre : Moi, la musique vous savez …
Une connerie pour conclure ou une petite blague ?
Alexandre : Marc fait passer la télécommande de la machine à fumée.
Marc : Heeboo, pourquoi tu parles tout le temps que de cul et de drogues ?