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VIKKEN : « Je suis agacé de voir que l’imagerie queer – qui est devenue mainstream – se retrouve dans des soirées qui ne le sont pas » – Heeboo

VIKKEN : « Je suis agacé de voir que l’imagerie queer – qui est devenue mainstream – se retrouve dans des soirées qui ne le sont pas »

Teuffeur du Turfu - Avril 17, 2018

Otto Zinsou

Vikken, ou la douceur. Vikken, comme un chaton qui se love dans la tiédeur de ta soirée, prêt à dévorer la nuit, mais pas n’importe laquelle. Encore jeune, mais de longues années -certaines lourdes, certaines légères- de fête derrière lui. Une fête, de découverte. Une fête qui s’est construite, comme une rencontre, à la recherche d’un soi-même conquis, retrouvé, épanoui.

Vikken, à la vie comme à la platine, c’est le pro des blagues, l’un des plus cool sourires des caves parisiennes, le plus rapide pour dégainer sa bonne humeur communicative. Fort et dur comme un roc, quand il le faut, au regard de la musique qu’il joue, Vikken sait qui il est, Vikken sait où il n’ira pas. Vikken fait partie de la vingtaine de djs et artistes invités à se produire par le collectif Barbi(e)turix pour l’anniversaire des 10 ans de la Wet For Me, samedi 21 avril à La Machine du Moulin Rouge. La Wet de samedi pour Vikken ? « Un orgasme continu de neuf heures ». Ça donne envie ! Vikken en musique, sueur(s) et paillette(s), c’est par ici !

Olgaç Bozalp pour le magazine Antidote

Vikken, qui es-tu ?

 Vikken / 31 ans / DJ et mec trans FtMerveille, mais pas que.

La fête, pour toi, en trois mots ?

Musique, sueur et paillettes.

Ta première soirée en club tu t’en souviens ?

C’était en 2005 au Rex, en date avec ma copine de l’époque qui m’a arrosé toute la soirée. Je me souviens juste qu’on a dansé, qu’autour de nous il y avait pleins de mecs avec les pupilles en tête d’épingle qui bouffaient des sucettes en dansant de façon frénétique. Et après ça elle m’a trainé au Pulp pour me rencarder sur les bails du milieu, mais aussi me donner des détails croustillants – je débarquais du 91, j’étais vraiment un bébé gouine.

Le truc qui t’a marqué de cette époque ?

Comme pleins de gouines, la fermeture du Pulp m’a pas mal affecté. On se demandait où est-ce qu’on allait clubber. Suite à ça, il y a eu une effervescence du côté de la Flèche d’Or qui a fait qu’on a arrêté de se poser la question, avec la Méchante Soirée et la Clitorise de Barbi(e)turix – qui était déjà un collectif actif.

Des anecdotes en particulier ?

Quand j’avais 20-21 ans je bouffais pas mal de champignons, je me retrouvais à faire des trucs dont je me souvenais pas le lendemain et qu’on me rappelait après. C’était pas rare que je montre mon slip ou mes fesses. Du coup cette période est plutôt floue.

Sinon à l’aftershow d’un concert de Mansfield.TYA, c’était au Pigallion, j’étais tellement chaud que j’ai tout donné en dansant sur scène de façon hyper bitchy. J’ai eu des courbatures aux cuisses pendant quatre jours, c’était l’enfer, mais ça en valait totalement la peine.

« Je me complais dans la solitude, mais parfois j’en ai marre d’être enfermé entre quatre murs… »

À Berlin, il y a 2 ans, Christeene m’a claqué les fesses en backstage au Yo Sissy Festival. On y jouait avec mon groupe Pussy Chérie, on se préparait à monter sur scène et je l’ai croisée. Forcément je me devais de lui faire un coucou ! C’était sa façon de me dire bonjour.

Il y en a beaucoup d’autres, mais je peux pas les raconter – j’ai donné ma parole. C’est dommage parce qu’elles valent le coup. Peut-être dans mon autobiographie posthume.

Le PIRE truc qu’on t’ait dit en soirée ?

Une insulte, mais je sais plus laquelle. C’était à un moment où je venais de chercher ma bière au bar, j’essayais de la tenir bien droite pour pas la renverser. On était touTEs serréEs comme des sardines, une personne m’a donné un coup d’épaule parce qu’elle était pressée et j’en ai mis partout sur elle. Il y a eu des insultes mais aussi des coups de pieds dans le dos pour me faire tomber dans les escaliers. J’ai eu des envies de meurtre toute la soirée.

La fête, ça tient quelle place dans ta vie ?

En réalité je suis pas un gros fêtard, je sors pas énormément. L’alcool m’a longtemps fait oublier que j’étais introverti dans beaucoup de situations, dont le cadre festif. Le fait est que je l’accepte aujourd’hui, je connais mes limites tout en me faisant confiance. Je peux aller danser au milieu de 1000 personnes, mais pas longtemps. Du coup je vais pas souvent dans les gros trucs, et quand ça arrive je fais en sorte de passer un bon moment, même si ça veut dire partir à 2 h parce trop de stimuli. Des grosses soirées comme la Wet par exemple, je peux pas y aller si j’ai pas la certitude de pouvoir aller en loges ou d’accéder rapidement à une sortie pas loin pour souffler un coup de temps en temps. C’est pas un caprice, mais un besoin. Très honnêtement, je me sens plus à l’aise dans des cercles plus restreints.

Otto Zinsou

En tant que DJ la question se pose peu ou pas, même s’il est question de fête, je suis là pour assurer et faire danser les genTEs. Les tenants et aboutissants sont pas les mêmes – et je suis sur scène, pas au milieu de la foule !

Tu as l’impression qu’on fait de plus en plus la fête à Paris ou le contraire ?

Je pourrais pas dire avec certitude s’il y a un changement dans la fréquentation ou non. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a de plus en plus de fermetures administratives de lieux à Paris à cause des plaintes de voisinage, mais ça empêche pas les orgas de lancer des soirées. Depuis quelque temps, c’est en banlieue proche que ça se passe niveau grosses teufs.

Toi, c’est quoi qui te pousse à sortir le soir ?

Je me complais dans la solitude, mais parfois j’en ai marre d’être enfermé entre quatre murs.

After ou pas after ?

Non, ça fait très longtemps que je suis pas allé en after, j’en garde que de très vagues souvenirs. J’ai arrêté l’alcool et les prods, je suis plus vraiment dans le mood. Il suffit que je regarde autour de moi à 5-6 h du mat en club pour me sentir déphasé et c’est généralement à ce moment là que je prends la décision de rentrer me coucher. L’after c’est la continuité de ta nuit, et si tu fais ce choix là, j’imagine que c’est parce que t’as pas envie de te confronter tout de suite à la réalité du quotidien. En tous cas, c’est la seule raison pour laquelle j’ai pu y aller.

Ton record de nombre d’heures de fête ?

Je pourrais pas te dire, il y a des pans entiers de ma vie que mon cerveau a décidé d’effacer – à cause des champignons je pense, ça a pas aidé. Je pense que j’ai jamais du dépasser les 12-14 heures en teuf. Mais par contre, j’ai déjà mixé huit heures d’affilée à l’anniversaire d’un pote il y a trois ou quatre ans, et ça c’était vraiment épique.

Ton plus grand fail en soirée ?

La fois où j’ai tellement fait de mélanges (alcools et drogues) que j’ai fait un coma éthylique. Se réveiller aux urgences de Lariboisière un dimanche matin, c’est pas ce qu’il y a de plus marrant, surtout quand un mec essaie de t’embrasser contre ton gré.

Qu’est ce que tu trouves dans la nuit, que le jour ne t’apporte pas ?

Je suis un oiseau de nuit, et j’ai pas besoin de sortir pour ça. Elle m’apporte souvent l’inspiration. C’est super cliché, je sais.

Le verre que tu bois toujours à l’apéro versus le verre que tu commandes direct en arrivant en club  ?

Perrier rondelle vs Club Mate (ou RedBull s’ils ont pas, ce qui arrive relativement souvent).

Tu choisis comment tes soirées ?

Je choisis une soirée parce que je sais qu’il y a mes amiEs, ou parce qu’il y a telLE DJ dont j’aime les sets ou les lives, ou les deux. J’aime bien l’idée de croiser pleins de potes avec qui je vais discuter et ensuite aller danser.

Comment tu choisis les soirées dans lesquelles tu joues ?

Si c’est queer ou féministe, j’y vais. Si c’est les copainEs, j’y vais. S’il y a des personnes dont j’aime le travail qui sont programmées, j’y vais. Si c’est dans des lieux que j’aime ou qui me font rêver, j’y vais.

Le truc qui te dérange tout particulièrement aujourd’hui, dans les soirées, à Paris ?

Je vais parler des choses qui fâchent, mais tant pis. Je suis agacé de voir que l’imagerie queer – qui est devenue mainstream – se retrouve dans des soirées qui le sont pas (ou en tous cas, organisées par des personnes non concernées par la question). Il y a une vraie appropriation de notre culture qui est faite à nos dépens, et ça me dérange.

« La Mutinerie, c’est sans chichis et sans prétention, c’est aussi pour ça que j’aime cet endroit. »

La nuit, c’est un business ou un plaisir ?

Pour moi les deux, en sachant que les trois quarts des sorties que je fais sont pour des gigs. C’est du business, mais mixer est une passion donc c’est aussi du plaisir. Je peux pas profiter des potes qui viennent me voir, je réserve ça pour les rares fois où je sors clubber ou que je fais la fête en appart.

En parlant de ça, tu es de type qui chope ou qui se laisse choper ?

Introversion oblige, plutôt la seconde option. En plus depuis que je suis perçu comme mec, j’ai pas envie d’être ce connard relou alors je tente rien sauf si la personne me fait comprendre que c’est ok.

Le meilleur club actuel pour toi à Paris ?

Pour moi c’est La Station. La programmation est au petits oignons, le système son cogne bien, et il y a une grande liberté autant pour les clubbeurs que pour les DJ.

En dehors de Paris ?

Vikken : Je sors assez peu de Paris, je peux pas dire. On m’a beaucoup parlé du Lavoir Public à Lyon par contre, faut que j’aille vérifier par moi-même !

Le QG où l’on peut faire la fête comme en club, pour toi ?

Ma seconde maison, La Mutinerie ! L’ambiance est toujours au top, les genTEs ont envie de danser, de s’emballer, de se laisser aller, comme en club. J’y vois beaucoup de sourires et de kif. C’est sans chichis et sans prétention, c’est aussi pour ça que j’aime cet endroit.

Un orga ou collectif que tu trouves vraiment très fort en ce moment ?

Dans le rock t’as ce qu’on appelle les supergroups, les groupes formés de musiciens célèbres. Pour moi en techno, Qui Embrouille Qui est un supercollectif. C’est lourd.

Le remède qui soigne ta gdb du lendemain ?

Il y avait un truc qui marchait très bien, c’était le magnésium. Plaisir d’offrir, joie de recevoir.

Drogue dure ou drogue douce ?

Aucune des deux, mais j’ai un petit passif avec les deux #healthy #morningroutine

Le track qui te donnera toute ta vie envie d’aller faire la fête ?

The Bells de Jeff Mills.

Vikken, dans dix ans, quel type de teuffeur ?

Le même qu’aujourd’hui je pense – plutôt sage mais toujours prêt à se donner sur du gros son.

Les gosses, tu les vois sortir comment dans 20 ans ?

Je pense pas que beaucoup de choses auront changé en 20 ans. La technologie a impacté notre rapport à la fête, en facilitant son accès. Dans les années 80-90 il y avait les infolines, qui ont laissé la place aux sites et forums puis aux events Facebook. Il y a encore des trucs qui se font à l’ancienne comme pour les free parties, mais les progrès technologiques de ces 20-30 dernières années ont changé notre rapport à tout. Il y en aura encore, mais rien qui sera aussi énorme que les ordinateurs, Internet et la téléphonie mobile. Tu te souviens quand tu devais attendre chez toi de recevoir un coup de fil ? Ou que tu devais aller à la pêche aux infos pour savoir ce qu’il y avait samedi soir ? En même temps on prenait plus de risques, on a perdu de ça.

« La Wet For Me est synonyme de liberté pour beaucoup de meufs qui peuvent pas vivre leur sexualité comme elles le voudraient dans leur vie de tous les jours »

S’il y a des changements majeurs sur du moyen terme, ça sera pas les médiums utilisés pour communiquer, mais peut-être la façon de gérer les lieux – et possiblement des avancées qui redéfiniront notre rapport au son. À voir !

Tu seras toujours dans les parages ou tu te seras rangé ?

Je sais déjà pas ce que je ferai dans trois mois, alors dans 20 ans… En plus, j’aurai la cinquantaine et j’ai pas envie d’y penser à vrai dire !

La Wet For Me, dont on fête les dix ans samedi, ça représente quoi pour toi ?

C’est une soirée énorme avec un rayonnement international, la totale. C’est vraiment classe pour un event ouvertement lesbien. C’est synonyme de liberté pour beaucoup de meufs qui peuvent pas vivre leur sexualité comme elles le voudraient dans leur vie de tous les jours par exemple, en mode parenthèse plutôt cool.

Otto Zinsou

Ton meilleur souvenir là-bas ?

J’ai mon meilleur souvenir de live à la Wet : on a fait notre première grande scène avec Pussy Chérie, au Cabaret Sauvage en juin 2015. La foule était en liesse, la salle bondée. L’énergie était incroyable. J’ai encore des étoiles pleins les yeux quand j’y repense !

Tu attends quoi cet anniversaire des dix ans ?

Au regard du line up, je m’attends à un orgasme continu de neuf heures.

Un message à faire passer à Vikken en l’année 2200 ?

Garde la pêche !

Adeline Journet

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