Les Nuits Sauvages

« Qu’importe le jour que l’on entame, les actions sont fluides » par Raphael Girard – Heeboo

« Qu’importe le jour que l’on entame, les actions sont fluides » par Raphael Girard

Juillet 20, 2020

Raphael est un teuffeur comme un autre, ou pas – qui a vécu son confinement comme tout le monde, à la fois seul et entouré, à la fois dans sa tête et dans l’universalité d’une situation inédite. L’histoire c’est une grosse ramasse qui dure, un quotidien sans esbroufes, sans rebondissements, juste un quotidien pour se sentir moins seul. Un premier roman est en route, stay tuned !

Intérieur confinements de deux hommes confits.
On est mardi ou mercredi, qu’importe, les journées s’entassent les unes sur les autres à la vitesse d’un glaçon qui fond au soleil. 
Qu’importe le jour que l’on entame, les actions sont fluides.
Réveil. Givré. 
Pisse. Chaude.
Café. Brûlant.
Instagram. Froid.
Crotte. Glacée.
Je sors ma tête dehors, un soleil cramoisant me salue. Je souris. Je ferme les yeux et imagine la mer. L’océan plus exactement. Les rochers annonciateurs de pêche, seuls remparts aux marées, berceaux des pipis d’enfants. Les après-midi beignets chichi à suinter nos carapaces parisiennes et à s’ensabler gaiement. Étés qui nous semblent distants et intouchables cette année. Ces semaines d’arrêt forcé d’un quotidien déjà bien arrêté ne nous permettront pas de vanter nos summer bodyz sur les plages de France et de Navarre.
Tant pis pour vous.
Qu’à cela ne tienne je regarde des vidéos tutos des « healthy coatch gluten free vegie lover » sur YouTube.
Si regarder les vitrines des pâtisseries fait grossir, regarder des sportifs ça fait surement devenir fit. C’est prouvé quelque part j’en suis sûr.
Du coup j’ai décidé de prendre le canard par les plumes et de transformer notre belle pièce de vie, confinement, repas, baise et peinture en salle de fitness.
Transformation en Bruna coatch hystérique FAC du club Med Gym, petite playlist spéciale « workout confinement » et on est parti pour éliminer les calories des nombreux gâteaux, des « petits apéros » et des cubis de vin.
Gainage, abdos, squatts, fentes avant, arrière, yoga, chaise musicale, tout y passe dans la fougasse.
Mon comédien est trans-lui-sant mais ça ne sert à rien d’avoir des bouées on n’ira pas à la plage cette année.
Trente, quarante minutes plus tard ; le répertoire des salles de sport épuisé, on fait des étirements semblables à des Lavomatics souillés sur Pompom d’Aya Nakamura.
Fluides à part on s’active pour faire la popotte comme dirait ma grand-mère en regardant notre shot vital de Nagui : Tout le monde veut prendre sa place. En attendant personne ne veut la nôtre. Publicité mensongère.
On s’assoit, dégustons notre salade de légumes tout en bavant sur une envie débordante de bronzette, de soirées et de mélanges illicites.
On regarde l’heure. Seulement 14 h.
L’heure d’aller penser à faire quelque chose.
Penser à ranger, se laver et faire le pont d’Avignon.

« 14h, l’heure d’aller penser à faire quelque chose »

Une fois les 4 fers en l’air redescendus, je me frotte aux interdits et me poste dans le jardinet du parking pour me faire violenter la pigmentation par un soleil emmerdant. Je ferme les yeux, une envie de dormir. Cette journée est si fatigante. 
J’imagine que toutes ces pâquerettes qui m’entourent sont bien plus gentilles et intéressantes que ces cons qui nous polluent le moral de maladie médiatique
Appels par ci par là, la famille ça va ? La grand-mère ? Les amours ? Ah oui non pas de chance, fallait ken avant.
On en vient tous aux conclusions qu’à la fin de l’hibernation ce sera l’euphorie des blackouts des partouzes et des overdoses.
Qu’on se rassure, en bon français que nous sommes on en aura marre au bout d’une semaine, et on nostalgiequera sur ces journées longues et fainéantes.
Une fois les discussions de maintien social terminées, je lis le dernier paragraphe de mon livre à la vitesse d’une moule. Encore trois semaines à tenir alors autant lire lettre par lettre.
J’écoute les bruits alentours et souris dès qu’un écho de voix se manifeste. La schizophrénie nous fait de l’œil.
Je parle avec mon amie la fourmi et décide de remonter au domicile conjugale, plus coïtal et con que jugale. 
Il est 17 h faut pas trainer, on va rater 4 mariages et 1 lune de miel.

« Une fois les discussions de maintien social terminées, je lis le dernier paragraphe de mon livre à la vitesse d’une moule »


Le temps de se laver les mains car on ne sait jamais, les fourmis ça traine partout, et on démarre l’apéro.
Ça faisait longtemps, et puis « tu veux faire quoi d’autre ».
S’en suivront des défilés d’émissions aussi intéressantes que dégradantes, un repas équilibré et un bon coup dans le pif pour enfin penser à se confiner vers le St Graal : notre lit.
Pas de réveil, pas de pression, la voisine nous réveillera naturellement à 9 h. 
Elle parlera encore de sa voix douce comme un yorkshire qu’on vient de castrer, alpaguant qui a le malheur d’être au balcon afin de conter sa palpitante vie.
Et ce sera reparti pour une journée de dures heures à vaciller sur le tapis de l’ennui alternant entre délires, euphorie et calories.
A quoi bon lutter, après tout « le lundi c’est ravioli ».

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