La musique avant tout. L’amour. Et la danse. La performance comme sens de l’existence et du quotidien. Derrière des lunettes de soleil futuristes qui s’adaptent à tout, Philipp Gorbachev est ce qui pouvait arriver de mieux à la scène musicale russe de ces sept dernières années. Allégorie du héros de demain, Philipp Gorbachev électrise, fout tout en l’air, les codes et les traditions du genre, pour donner naissance à un enfant à la fois ravissant, drôle, étrange et fascinant. Philipp Gorbachev est multiple, Philipp Gorbachev peut toucher tout le monde. Et si c’était ça l’underground de demain ?
Élément phare du renouveau des musiques électroniques de ces cinq dernières années et « dissident » des temps modernes, depuis son Berlin où il s’installe vers 2011, à l’aube de l’âge d’or des cultures Internet, Philipp Gorbachev est, l’invité très spécial de notre soirée d’anniversaire du vendredi 26 octobre, Heeboo : Noces de Cuir, à La Station-Gare des Mines. L’occasion pour nous de poser quelques questions à l’esprit avant-gardiste et décalé qui a rendu aussi excitante l’épopée Cómeme au côté de Matias Aguayo ou encore Rebolledo.
Certaines personnes te voient un peu comme un alien de la musique électronique, t’en penses quoi ?
Chelou !
Philipp Gorbachev, tu es aussi Rony Douglas (comme dans sa chanson du même nom, ndlr) The Naked Man (son autre projet, ndlr), tout ça à la fois ?
Oui, et tu oublies Isaac Johan, nore groupe avec Matias Aguayo et d’autres artistes qu’on garde secrets, et aussi ДЭКА, mon nouveau groupe qui déchire à Moscou, avec Obgon. On vient de sortir l’album, tu devrais checker !
Mais, The Naked Man, c’est qui ?
C’est un projet live post-techno et post-industriel.
Ta première manière de faire la fête, c’était quoi pour toi ?
Depuis tout petit, j’adore me déguiser. Je me souviens je préparais des spectacles spéciaux chez moi, pour les invités, je chantais et j’utilisais des trucs randoms en guise de batterie.
C’est quoi le truc le plus marquant dont tu te souviens ?
Je me rappelle que les gens aimaient mes spectacles et me donnaient des pièces.
Pourquoi c’est si important de faire la fête ?
Les gens aiment « ne pas s’ennuyer » ensemble. Les gens adorent danser ensemble.
On sortait comment par chez toi quand t’étais jeune ?
Tu sais, j’ai grandi près de Moscou, dans une région forestière, du coup pour moi faire la fête, c’était 50% de conduite et 50% de musique. Résultat ? 100 % musique ! Je me souviens, je prenais les clefs en promettant de rentrer tôt et je ne revenais pas avant l’aube. J’allais à autant de fêtes que je pouvais, j’écoutais les groupes, les djs, je restais bloqué devant les performances…
C’est quoi qui aurait pu tout gâcher, à l’époque ?
Les gens vraiment très bourrés.
Et tes premières vibrations musicales, elles viennent d’où ?
Si tu veux tout savoir, je ne me couchais jamais avant de m’être exercé à la batterie sur… mon oreiller !
Tu as changé ta façon de considérer la musique depuis que tu la produis ?
Oui, c’est pour ça qu’en dehors de de mes dernières sorties sur PG Tune, cette année j’ai enregistré cinq épisodes lives en tant que nouveau résident sur Rinse FM, puis j’ai lancé une nouvelle émission qui s’appelle KOLOKOL sur la radio Comeme, dédié à la recherche sur le son and le tintement des cloches d’église.
Tu te souviens de ton tout premier dj set ?
Non mais je me souviens de ma première date à Paris, c’était au Rex club en 2011. Je crois que c’était mon deuxième show en Europe seulement, c’est grâce à Matias Aguayo que j’ai pu jouer là.
C’est quoi ton rituel avant de monter sur scène ?
Je prie parce que je suis reconnaissant au Seigneur de me permettre de vivre de la manière dont je vis.
Tu te sens comment dans ces moments là ?
Tu verras à la soirée du 26 ! (clin d’oeil)
Tu vois des inconvénients dans le fait de faire partie du monde de la nuit ?
Non, c’est l’amour qui régit le monde !
« Arrêtez de caler l’artiste contre les murs ou dans un coin, laissez-nous la liberté de danser nous aussi ! »
Il se passe quoi au fait sur la scène musicale russe ?
Elle explose en ce moment ! Tout pleins de nouveaux artistes émergent, de nouveaux talents, un peu partout, ça me rend très très heureux !
Tu sors beaucoup toi, quand tu ne joues pas ?
Tout dépend. Mais je dis jamais non à une session de danse au Berghain.
En Europe, fut une époque où faire la fête pouvait être politique. Tu crois que cette époque est dépassée ?
Tu sais, on fonctionne par cycles donc je ne sais pas. Perso j’adore jouer dans des lieux un peu marginaux, ou dans des soirées qui ont un engagement, une force politique ou de positionnement comme le Mamba Negra où j’ai joué à Sao Paulo. Je n’oublierai jamais les fêtes que le collectif ARMA17 donnait à Moscou dans des bâtiments abandonnés également…
Tu as donc un côté militant dans ta façon à toi de faire partie de ce monde ?
Oui, et comme je dis toujours « tu ne peux pas prétendre changer le monde avec ta musique, si le sound system de ta soirée est merdique ».
Tu les vois comment sortir les gens dans 20 ans ?
J’espère qu’il y aura plus d’espaces, spécialement conçus et imaginés pour les événements musicaux. Pas des vieux endroits retapés mais de nouveaux bâtiments, adaptés aux besoins des artistes et voués à offrir la meilleure expérience possible à l’audience. Tu vois par exemple, j’adore quand le dj boot est au milieu du dancefloor ! Arrêtez de nous caler contre les murs ou dans un coin, laissez-nous la liberté de danser nous aussi !
Et sinon, tu as un message à faire passer à la nuit ?
Bouge ton corps !