Perez, comme son nom de famille. Effet miroir, de la simplicité à la plus électrisante des noirceurs, Perez fait partie de ces quelques artistes français dont on parle, beaucoup, quand vient la nuit. Galvanisé, galvanisant, l’univers de Perez est une marche lente, sensuelle et nonchalante, le coeur sourdement tumultueux. On aime l’obscurité assumée, le romantisme exacerbé, la pop qui sourit, sans concessions, sachant bien là où elle va.
En deux albums, Perez, a convaincu, après avoir séduit avec Adam Kesher. Sa dernière évasion, Cavernes, est une palpitation plus lancinante, plus sentimentale, libre et audacieuse. Il est l’invité de choix de la prochaine PANOPLIE, vendredi 29 juin à La Java. Puis il nous donne l’exclusivité sur un nouveau remix exclusif du track Cerveau. Bonheur ! Rencontre.
Quand tu dois te présenter à quelqu’un que tu ne connais pas au beau milieu de la nuit, c’est quoi la première chose que tu balances ?
Je n’ai rien de planifié, j’essaye de faire confiance à mon imagination.
Et quand c’est le petit matin ?
Là c’est carrément un poème.
Un track pour qu’on sache qui t’es sans avoir à utiliser des mots ?
Art Department – Without you
Tu joues beaucoup en soirée, en club, ça change quoi pour toi, par rapport à la scène concert ?
En général, quand on joue en club, on joue beaucoup plus tard donc les gens sont carrément plus chauds, ça peut donner lieu à des trucs un peu fous ou absurdes, ça peut même rendre certaines personnes agressives comme cette fille qui a passé 20 minutes au premier rang à nous faire des doigts dans un club de Rennes alors qu’il y avait deux autres salles avec des dj où elle pouvait aller. De manière générale, j’aime bien que le public soit imprévisible, ça rend les choses plus excitantes.
Tu viens d’où sinon ? Tu te souviens de tes premières fêtes ?
Je suis originaire de Bordeaux. Ca fait maintenant plus de dix ans que je vis à Paris mais c’est là-bas que j’ai commencé à sortir. Y’avait des endroits très cool à l’époque comme le Zoobizarre ou Le Fat Cat qui était un club construit au bord d’une voie ferré où j’ai vu The Hacker, Miss Kittin, David Carretta, toute cette bande. Bordeaux a la réputation d’être une ville bourgeoise, ce qui est totalement vrai, mais le monde underground peut y être assez décadent et fun. Comme c’est un milieu relativement petit comparé à Paris, c’est chouette parce que c’est moins segmenté, tu te retrouves dans des soirées avec des gens de la techno, de la pop, du métal… Tout le monde se connait, se pique amants et amantes, se tape dessus. Quand j’étais jeune, on buvait beaucoup dans la rue, au bord des quais de la Garonne ou sur les places du centre ville, et on allait en club super tard. Maintenant, les épiceries ne vendent plus d’alcool à partir de 22h. C’est chiant pour les jeunes ou tout simplement pour les gens qui veulent sortir mais n’ont pas les moyens de boire dans des bars six heures d’affilée. Et sinon, niveau musique y’a toujours eu une bonne scène à Bordeaux. A mon époque, les stars de la nuit c’était Kap Bambino.
C’était quoi le truc à l’époque, qui rendait ces fêtes inoubliables ?
Je crois que c’est le fait d’être jeune et hyper enthousiaste. Forcément, en prenant de l’âge tu deviens un peu blasé. Mais je dois dire qu’il y a eu quand même de très belles soirées. Notamment au Café Pompier qui est la cafétéria des Beaux-Arts de Bordeaux et qui se change parfois en salle de concert / club le week end. On avait fait une soirée là-bas avec mon groupe de l’époque Adam Kesher et mes potes Strip Steve et Bobmo.
C’était vraiment n’importe quoi. Une sorte de grande bacchanale mongolienne. Ce qui était bien avec ce lieu c’est qu’il n’y avait pas de videurs. Nous étions complètement livrés à nous mêmes. Ca reste un très cool endroit encore aujourd’hui. La programmation est vraiment chouette.
C’est à ce moment là que t’as commencé à jouer ?
Mon tout premier groupe c’était un groupe de hardcore métal formé au lycée qui s’appelait Metronome Charisma. Autant te dire que j’ai pas mal changé depuis. Mais ça ne m’a pas empêché de sortir en club en même temps. J’ai toujours aimé plein de styles de musique différents.
C’est quoi l’électro sentimentale pour toi ?
L’électro sentimentale ça fait un peu peur comme appellation. Je préfère dire que je fais de la pop, c’est un terme fourre-tout mais au moins ça ne met pas les gens sur une fausse piste. Depuis le début de mon projet solo, j’ai envie de mêler une certaine chanson française, un peu étrange et littéraire, des gens comme Dashiell Hedayat, Alain Kan, Brigitte Fontaine, et des influences électroniques allant de l’Acid à la Techno en passant par la Wave.
C’est quoi ta dernière GROSSE GROSSE découverte en matière de musique ?
Un album que m’a fait découvrir Strip Steve avec qui j’ai produit mon dernier disque. In a mood, de Harry Case, un truc hyper beau sorti sur un label de Détroit dans les années 80 et passé complètement à la trappe. Ca évoque un peu Arthur Russell mais avec une dimension jazzy et new age.
Tu as changé ta manière d’écouter de la musique aujourd’hui que tu la joues et que tu la produis ?
Oui, c’est certain qu’en faisant de la musique tu comprends un peu mieux comment les albums que tu aimes sont construits. Tu deviens aussi plus exigeant. Mais le truc qui est génial avec la musique c’est que tu as beau bien t’y connaître en production, il y a des choses qui restent totalement mystérieuses et opaques. C’est souvent ça qui est fascinant dans un grand morceau, quelque chose t’échappe, résiste à ta compréhension, même si tu essayes de décortiquer.
Tu te qualifierais de gros fêtard ?
En général, une personne qui se qualifierait de « gros fêtard », je n’en ferais pas mon ami. Disons que j’aime bien la nuit et les choses louches qui s’y passent.
Pourquoi les gens font AUTANT la fête à Paris aujourd’hui d’après toi ?
Parce qu’ils sont complètement angoissés et dépressifs ! Non, je ne sais pas, « faire la fête » ça peut évoquer une manière de s’abrutir parce que la réalité est insupportable mais ça peut aussi être quelque chose de beau, des moments de communion et d’hédonisme où est tolérée une certaine forme de marginalité.
Y’a un côté militant dans ta musique, ou dans ta façon de faire la fête, un truc qui te tient à coeur et que tu défends même si pas toujours ouvertement ?
J’espère faire passer des idées à travers ma musique, donner à voir les choses sous des angles étranges, tordre la réalité pour faire apparaître certaines aberrations. Après, il n’y a pas de militantisme frontal. Et pour ce qui est des endroits où je fais la fête, je dirais que l’accessibilité et l’absence de flicage sont des éléments qui me tiennent à coeur.
C’est quoi le truc super important qui a changé entre toi à tes débuts, et toi aujourd’hui ?
Je crois que j’ai davantage confiance en moi. J’ai cessé de me préoccuper de la réception. Enfin, bien évidemment je suis touché par la manière dont est reçu ce que je propose artistiquement après coup mais je n’y pense pas quand je suis en train de faire de la musique ou quand je monte sur scène. Pour moi, le principal plaisir de vieillir c’est l’acceptation de ce que l’on est.
Tu les vois écouter de la musique comment les jeunes dans 20 ans ?
Franchement aucune idée. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura toujours des gens pour dire que ça part à vau-l’eau.
On te verra toujours sur scène d’après toi ou t’auras raccroché ?
J’espère que je continuerai à faire de la musique bien évidemment et que j’aurai su faire évoluer ma pratique pendant tout ce temps. Pour moi, il n’y a rien de plus triste que la stagnation, le ronron, lorsque la curiosité et l’audace disparaissent pour ne laisser place qu’au ressassement morose de ce que l’on fut. J’espère qu’on retiendra de moi une démarche plutôt qu’un coup d’éclat.
Un message à faire passer à la “nuit” ?
Veille sur moi.
Une envie pressante, là de suite ?
29 juin