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PARDON MOI : « La rencontre de Gary Numan et Devo, dans un monde dystopique du futur » – Heeboo

PARDON MOI : « La rencontre de Gary Numan et Devo, dans un monde dystopique du futur »

La montée - Mars 21, 2018

Pardon Moi. Ou la rencontre de deux personnalités fortes, cocasses, surprenantes, à la fois en marge et bien ancrées dans une mouvance qui fait du bien : celle de la liberté et de la tolérance. Quand ils ne cherchent pas d’OVNIs dans le ciel berlinois, James Brook et Thomas Freudenthal se donnent le « la ». Pas toujours d’accord, mais souvent sur la même longueur d’onde, ils déroulent depuis l’été 2016, le fil solide de leur duo  naissant, Pardon Moi, ou une invention du français délicieusement absurde et décalée. On les pardonne.

Samedi le duo britanno-germanique viendra clôturer le festival Queer Week à la Station-Gare des Mines avec un live rétro-futuriste de choix, au côté de Polyester, Sophie Morello, Aubry, Corrine, Nana Benamer, Pipi de Frèche, Marion, et François François.  En attendant le grand soir, pardonnez-nous donc de vous faire patienter en les connaissant mieux (?). Pardon. Nous.

James, Thomas, comment vous en êtes venus à la musique ?

Thomas : J’ai commencé à prendre des cours de guitare quand j’avais 12 ans. Puis j’ai appris la basse et la batterie. Prendre des leçons, de manière scolaire, ce n’était pas vraiment mon truc. Du coup je me suis mis au piano, mais en autodidacte, et je n’ai plus jamais arrêté ! C’est pendant l’adolescence que j’ai découvert la musique électronique, le Big Beat en particulier (dérivé du breakbeat) ; c’est ce type de musique, puis le blues, qui ont joué un rôle décisif dans mon processus de développement ; avec mon premier groupe on jouait des vieilles chansons de rock des années 50, en y ajoutant des influences plus modernes ; on avait signé avec Katermukke. Puis est arrivé Pardon Moi, plus axé années 1980 !

James : Moi aussi j’ai commencé la musique très tôt, je ne me souviens pas bien quand par contre. Mon intérêt pour la musique et le fait d’en jouer a quelque part toujours été là. Mes parents aimaient particulièrement les comédies musicales, j’ai toujours été attiré par leur côté dramatique et leurs grands choeurs !

Et comment vous vous êtes rencontrés ?

Thomas : James et moi, on avait pas mal d’intérêts en commun. On s’est rencontrés via les réseaux sociaux !

James : Oui, c’était pendant l’été 2016, on était intéressés par les mêmes événements, officiels et moins officiels, c’est là que tout a commencé…

Du coup, Pardon Moi, en quelques mots ?

JamesPardon Moi est une interprétation rétro-futuriste de la musique de club des années 1980. C’est assez cinétique, avec pas mal d’éléments psychédéliques.

Thomas : Je suis d’accord avec James. On crée un son pour les dancefloors d’aujourd’hui en s’appuyant sur l’héritage musical rétro et vintage.

Il y a un film auquel Pardon Moi pourrait ressemble du coup ?

James : Tron, sans hésitation. Ou n’importe quel film de la fin 70/début 80 avec des scènes de courses poursuites à travers des paysages urbains complètement dystopiques. C’est la rencontre de Gary Numan et Devo ou Vangelis, dans un monde dystopique du futur, quelque part au milieu de grandes étendues, vue à travers le prisme d’un synthétiseur.

Thomas : En parlant de productions futures, quasiment tous les films où figurent l’idée de post-modernité pourraient aller ! J’adore broder sur les idées de mouvements tels que la Vaporwave, le Post-internet, tu sais, les lasers, les néons, cet esthétique là. Mon but est de créer quelque chose de nouveau, d’unique et d’orienté vers le futur.

James : « Pour travailler à deux, il faut une certaine dose de diplomatie dans ta façon de t’exprimer à l’autre »

Un artiste du passé qui aurait adoré Pardon Moi ?

James :  Stockhausen

Thomas : Peut-être George Michael, quelques nuances de nos morceaux peuvent s’apparenter à ce qu’il faisait au tout début. Ce sont les nuances que je préfère d’ailleurs !

Et le nom, PARDON MOI, il vous est venu comment ?

James : On était en train d’en parler un jour, on balançait des noms, comme ça, puis celui-ci est sorti. On a trouvé que ce pseudo super sérieux digne d’une groupe de jeunes cadres dynamiques des années 1980 était très drôle. C’est sarcastique, évidemment. En Grande-Bretagne, utiliser du français rend tout instantanément plus classe, c’est aussi pour ça qu’on a décidé de volontairement donner dans la faute de français. C’est une tentative ratée de nous donner un genre, c’est ça qu’on voulait.

Thomas : L’idée d’avoir un petit quelque chose de français dans notre nom me plaisait. Puis le côté « double sens » rappelle un peu les noms de groupes des années 1980. Par ailleurs, c’est aussi une façon un peu drôle de demander par avance de nous excuser pour notre débilité. Hehe !

Votre inspiration pour faire de la musique, elle vient d’où ?

James : La musique classique, l’Italo-disco, et le disco rock.

Thomas : Les émotions, les sentiments, et le processus utilisé pour trouver un moyen de les exprimer de la meilleure des manières !

C’est quoi le truc qui vous plaît le plus dans le fait de travailler avec quelqu’un ?

James : Quand tu composes seul, tu n’as pas beaucoup de surprises. Thomas et moi on est des control freaks, chacun à notre manière, on est pas toujours d’accord sur la musique. Par contre, quand tout coule et qu’on avance, on passe notre temps à se surprendre mutuellement. Perso, ça m’a pas mal aidé à évoluer et à apprendre à « laisser couler », lâcher prise, par rapport à des idées préconçues que j’avais sur le type de musique que je voulais absolument produire ; j’apprends beaucoup sur moi, à ses côtés.

Thomas : Trouver la bonne personne avec laquelle travailler, c’est la plus belle chose qui puisse arriver à un artiste. Ça permet de faire en sorte que ce n’est plus TOI qui te pousse à aller de l’avant, à avancer, mais c’est TOI en interaction avec quelqu’un d’autre ! Je dis toujours que réussir dans son travail c’est réussir à obtenir le meilleur de ceux avec lesquels on collabore, c’est là que la magie opère !

Vous y voyez parfois des inconvénients ?

James : Comme dans tout processus créatif, laisser tomber une idée qui nous tient vraiment à coeur peut être réellement difficile à vivre ; pour travailler à deux, il faut une certaine dose de diplomatie dans ta façon de t’exprimer à l’autre, il faut parfois savoir mettre des gants. Il peut être très difficile de laisser mourir une idée qu’on a depuis longtemps, son bébé, mais c’est comme ça.

Thomas : Comme je disais plus tôt, la création pure trouve ses valeurs dans un espèce de constructivisme combiné, une compatibilité. Du coup, si le processus s’inverse, les problèmes surviennent. Si l’on en vient à tous les deux sur-analyser notre travail, si l’on en vient à ne pas « essayer » de tirer le meilleur d’une situation donnée, en même deux, c’est là que les choses peuvent devenir compliquées.

Vous habitez tous les deux à Berlin, pourquoi Berlin ?

James : Berlin est un terrain de jeu très créatif, pour le meilleur et pour le pire. Il est très facile d’y rencontrer des gens, d’expérimenter des choses. Pour moi, Berlin est la ville de l’indulgence et de la flexibilité.

Thomas : Cela fait quelque temps déjà que Berlin est connue comme une ville de clubbing, un temple de la musique électronique au style de vie plus qu’agréable. Je fais partie des « natifs », ce qui ne court pas les rues, j’ai « travaillé » cette ville, j’en ai parcouru les clubs, j’en ai connu les hauts et les bas, surtout au niveau de la scène musicale. Et même si je suis très investi dans cette ville, il y a d’autres endroits où j’aime tout particulièrement jouer, comme Tirana (Albanie, ndlr), ou Marseille !

Et quand vous ne faites pas de musique, vous faites quoi ?

James : Je suis cinéaste et photographe ; je recherche aussi sur  les OVNIS.

Thomas : D’une certaine manière, actuellement, nous sommes tous les deux chercheurs sur des sujets que les gens « normaux » pourraient appeler « en marge ». J’aide pas mal les gens de ma famille dans leurs business respectifs. J’adore passer du temps, également, à cuisiner pour les gens que j’aime. Le résultat c’est que j’ai décidé de me… mettre au sport !

Votre endroit favori à Berlin ?

James : Mon lit

Thomas : Évidemment, le très connu Kater Blau, aka l’ancien Bar 25 et ancien Kater Holzig. C’est là que la soirée Feinstoff a sa résidence, et j’ai l’honneur d’y jouer tous les mois.

C’est quoi le truc que vous préférez l’un de l’autre ?

James : Nos sarcasmes

Thomas : Au-delà de notre appétence au sarcasme, aujourd’hui j’aime la façon dont on s’aide et on se soutient l’un l’autre.

Ça représente quoi pour vous de prendre part à un événement comme la Queer Week ?

James : C’est toujours un honneur de jouer devant des gens et pour nous, être choisis by la Queer Week pour représenter un style de musique qui a eu autant d’impact sur la scène au cours de toutes ces années, c’est un privilège !

Thomas : « les idées de séparation et de division gouvernent un peu trop souvent notre monde moderne »

Thomas : C’est un vrai temps fort sur notre agenda 2018 ! Cette année on a commencé à Lyon, au Sucre, pour le nouvel an, puis il y a eu la Dame Noire, à Marseille, début janvier, et on est tellement, mais tellement contents d’être déjà de retour en France ! J’adore venir en France. On remercie l’équipe de la Queer Week de nous avoir choisis et on a hâte de jouer pour la clôture !

D’après vous, pourquoi en 2018 on a toujours besoin, peut-être plus que jamais, d’événements comme la Queer Week ?

James : Tout ce qui ouvre les consciences, donne la parole à la communauté queer, et met en avant l’idée de tolérance est nécessaire dans ce monde, aujourd’hui plus que jamais !

Thomas : Pour ajouter quelque chose à ce que dit James, ce que je souhaite de tout coeur pour des mouvements et événements de ce genre, c’est d’être vus et considérés comme des institutions à part entière, d’intégration, de rassemblement, en opposition à l’idée de séparation et de division, idées qui, malheureusement, gouvernent un peu trop souvent notre monde moderne.

Adeline Journet

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