» Salut ! Tu danses bien ! On va boire un petit Cheul et s’en fumer un p’tit sur le dancefloor avec Massi on va rire !!! » C’est peut-être le premier truc que te dira Myako si tu la croises après son set. Plutôt engageant non ? Hyperactive, bonnes vibes et « chill » au possible (même si ce mot nous débecte tous), Myako fait partie de ces artistes français qui ont su monter avec intelligence, monter tout en douceur, oscillant avec agilité entre ses sets deep techno et ses sélections dignes des plus cools diggers. Depuis Rinse france et ses résidences Bluepanther, en passant par le magazine Jungle Juice, le label Fragil jusqu’au nouveau collectif Qui Embrouille Qui, Myako sait où elle va, et elle y va le coeur frais. On l’y accompagnera, sans même qu’on nous le demande, et le temps qu’il faudra.
Ce soir, samedi 3 février c’est pour la soirée Dynamiterie x Mermaid Express • Happy Harakiri que Myako passera derrière les platines au côté des perles du moment, de ACD 303, à Waldman, en passant par Puzupuzu ou encore Afumbwé, pour « 12 heures de fête technoïde dans un tout nouveau lieu, fumigé d’essence asiato-rétro-futuriste ». Rencontre.
Comment on faisait la fête par chez toi ?
Myako : Je viens de Nantes. Culture underground active !!! Je suis arrivée là bas quand j’étais ado. L’endroit où on pouvait trouver la musique qu’on aimait bien c’était au Lieu Unique. Avec des potes nous y traînions souvent, c’était Frédérique Sourice (alias Phonème) et Karim qui faisaient la déjà prog et c’était du lourd. Les soirées étaient souvent gratuites et curieuses de toutes les musiques. Puis quand j’ai été en âge de rentrer dans les club, je suis beaucoup allée à L’Extrèm, un club gay bien moite. Rippol, une figure des nuits nantaises s’occupait de la programmation, qui était plus house, Chicago etc.. avec par exemple Kenny Larkin, Luke Slater, Jenifer Cardini, Chloé !! Aussi les soirées plus hard techno hardcore drum’n’bass avec les Cinetics, Les RCTC, Karbon 14 par exemple.
Ta première fête, tu t’en souviens ?
Oui, j
’avais 17 ans, première claque dancefloor, c’était à ETR. Le spot était parfait, un hangar avec une grande cour et plusieurs ateliers d’artistes, situé dans une zone industrielle à Nantes, d’ailleurs ce lieu existe toujours. Ils organisaient des soirées de temps en temps avec des progs cool, plutôt rock, live chelou, expérimentaux et parfois musique plus club… C’était la première fois que j’y allais et ce soir là il y avait The Hacker qui jouait punk rock, acid techno, électro noise, un long set jusqu’à 10 h du matin. J’étais comme une dingue dans cette ambiance électrique. Je venais de découvrir un disque que The hacker avait sorti sur Sativae record “Method Of Force”, et plus précisément le track Survival. Le Dj qui faisait le warm up avait joué un track de mon album fétiche du moment AFX “Selected Ambient Work 85 92”.
Je découvrais pour la première fois la vibe. Le dancefloor. Et ce fut une explosion… atomique!
« Ma mère ne comprenait pas tout mais c’était la révolution »
C’est quoi qui avait rendu cette fête inoubliable ?
Le lieu était fou, la musique était parfaite, explosive, l’expérience de la fête libre et des gens formidables dans tous les recoins.
A l’époque, c’était quoi les raisons qui te faisaient sortir et.ou faire la fête ?
Le tunning ahah… pour faire ronronner les moteurs dans mes oreilles !!!
Tes premières vibrations musicales elles viennent d’où ?
Le premier souvenir qui me vient, c’est quand mon père nous faisait écouter un disque de sa collection avant d’aller à l’école quand on était tous petits. Un Miles Davis, et toujours un bon Bach dans les bacs. A partir de 10 ans j’ai eu une période radio à fond, puis dance, new beat, genre Corona, Technotronic, Klf . Excitation maximum quand j’ai eu la cassette de Benny B sous le sapin à Noël. Je me faisais virer des booms quand je passais ça.
Ensuite ça a dévié sur le rap et le hip hop, les prémisses de la crise d’ado. La cassette de NTM 1993 à fond dans la bagnole familiale en partant en vacances. Ma mère ne comprenait pas tout mais c’était la révolution. J’avais 14 ans. Un jour ma mère revient de la Fnac avec des cds dont une compil, “Live and Rare” de Fcom car elle pensait que c’était de la Bossanova Jazz avec Galiano, la blague, elle n’avait pas si tort, mais elle venait de valider mon diplôme du club pour plus tard. La compile commençait avec des commentaires de David Blot, dessus il y avait Mister Oizo, Sick Dog Try to Speak, qui me parlait. Merci Maman !
Puis ensuite ?
Ce fut le dub, le reggae… et d’autres trucs chelou !
La scène à Nantes était plutôt active en terme de soundsystem reggae/dub, pas mal de bons souvenirs de concerts comme St-hilaire, Capleton, Antony B, Sister Carol…
A 17 ans j’ai rencontré Arnaud et Alex qui étaient plus âgés que nous, ils vivaient en coloc ensemble face au Lieu Unique, notre refuge musical. Alex collectionnait les disques de funk, soul et Arnaud lui le dub, l’expe, l’ambient, la noise… Ils avaient un studio avec des machines.. On squattait leur appart souvent, Arnaud me prêtait des disques comme Atom tm, Vladislav Delay, Thomas Fehlman etc… le jour où il m’a filé Round Four Feat Tikiman ce fut la folie. Je le remercie encore aujourd’hui.
L’électronicadub, la dubtechno, le trip hop, les musiques plus expérimentales étaient un nouveau versant sonore à escalader. Cascade de découvertes sonores bien lourdes : rhythm and sound, Scape, le label de Pole, Plastikman Sheet One sur plus8 record, Howie B l’album Snatch, Sähko avec Metri. Un jour en zonant chez un pote je tombe sur le magazine CODA , dedans il y avait une review sur 69 DB “Chip Jockey”, un album qu’il avait sorti sur Expressillon, je suis allée l’acheter direct par curiosité, c’était un projet dub/drum’n’bass. Par ce biais, la scène hardtechno a commencé à interpeller mes oreilles.
Un an plus tard je rencontre 69 db, il sera le premier booking, je l’avais invité à venir faire son live plus dub pour une soirée que l’on organisait au Floride, un club de rock à Nantes. C’était fin 2002. C’est là que je suis montée dans le train !
Tu as changé ta manière d’écouter de la musique depuis que tu es « montée » dans ce fameux train ?
Non toujours le même kiff, mais avec sans doute l’oreille plus affûtée et plus de technique.
Ton premier dj-set, du coup, tu t’en souviens ?
C’était au Lieu Unique, ma première résidence, merci Phonème <3 C’était l’été 2005. Mais les grands souvenirs de sets sont arrivés plus tard. 2006 : Rippol nous avait invités avec Modish à jouer dans une soirée qu’il organisait dans un club qui s appelait le Raphia, nom horrible, c’était mon premier live. Avec Modish Roboter, on faisait le warm up de Thomas Brinkmann et je faisais le closing en dj set !! La première fois que je sentais la vibe devant moi !!! Les gens étaient chaud !!!!!
Tu es capable d’envoyer des gros sets techno tout comme de publier des podcast dignes des meilleurs diggers.euses de wave ou autres pépites ; pourquoi c’est important pour toi, d’avoir ces deux facettes ?
Je choisis les musiques sur lesquelles je pourrais moi même danser pour la partie club et il y a les musiques qui m’inspirent donc qui référencent plusieurs styles. C’est ce que je passe dans mon show Bluepanther sur Rinse. Je commence à avoir pas mal de disques mais je ne suis pas dans la capitalisation de collection j’ai plutôt un rapport émotionnel avec les disques que j’achète. Aussi je considère qu’il a un passé et un futur, donc je ne suis pas dans un délire exclusivement oldschool. Il y a des bombes qui sortent aujourd’hui et qui sont intéressantes à suivre. Et dans tous les pays.
Le truc qui a changé entre toi à tes débuts, et toi aujourd’hui ?
J’ai trouvé beaucoup de barres d’Ovomaltine…
Tu te sens comment, juste avant de monter sur scène ?
Je me dis que j’ai pas pris assez de disques et que je sens bon.
Et après ?
Je sens peut-être un peu moins bon et je suis dégoûtée quand je dois mettre le dernier track et que je réalise que j’aurais bien joué deux heures de plus !
C’est quoi le truc qui te rend la plus heureuse quand tu joues ?
Quand LA VIBE est au rendez-vous.
Il existe des inconvénients dans le fait de faire partie de la terrible « industrie musicale” ?
Comme dans tous les milieux et toutes les industries mais ce n’est pas ce qui m’occupe le plus l’esprit.
T’en penses quoi d’ailleurs de cette « industrie » ?
Que l’industrie musicale est une belle tartine ahah !
Faire la fête, ça veut dire quoi pour toi ?
Ecouter des grands disques sur des enceintes audiophiles de dingues, danser sur des grands patterns, boire des grands Cheul ! (cheul : un vin chelou donc nature *By Raphaël Fragil)
C’est quoi le truc actuel qui se passe à Paris et banlieue, qui te donne envie de jouer pour telle ou telle soirée ?
Il y a certes une effervescence active de la culture club, des fêtes libres à Paris et en France. Mais comme toujours il y a des projets très intéressants et d’autres un peu moins, ou qui le font avec moins de sincérité et moins d’authenticité. De surcroît, qui ne prennent pas toujours en compte l’héritage des libertés sonores que nos aïeuls ont su défendre.
En revanche heureusement il y a une multitude d’organisations, de labels qui réalisent des projets pertinents et frais comme par exemple Serendip Lab, un label avec des sorties de dingue, comme des productions du futur avec des prods cosmic disco, noise, synthe pop, musiques déviantes. Des musiques du futur comme OD Bango avec C/C dont je suis totalement fan et j’aime beaucoup ses démarches artistiques. Egalement des rééditions comme HypnoBeat. Ils organisent un festival depuis cinq ans maintenant avec des workshop de DIY modulaire synthe, des lives etc… Avec un esprit intègre et engagé.
Dans le même esprit il y a Bruit de la passion qui est lié à Lyl radio par Oko dj. Prog superbe et radio de grande qualité. Il y a Subtyl le projet de Sina, qui vient d’ailleurs de sortir la première release du même label éponyme. Deviant disco en organisant des soirées, un label et aussi des conférences pour qu’il y ait une transmission de l’histoire de la musique.
À Marseille il y a Metaphore Collectif qui a su révéler une scène dans une ville où elle n’existait presque pas. A Nantes il y a Abstrack qui sont mes petits chouchous, on se suit depuis quelques années maintenant, il ont une vraie vibe et des projets riches et plein d’amour pour la musique.
Pourquoi les gens font la fête aujourd’hui ?
J’imagine pour les mêmes raisons que moi il y quelques années. Mais avec plus de propositions d’événements donc plus de choix.
On pourrait être portés à penser qu’avant les gens faisaient la fête de façon politique, et qu’aujourd’hui la fête ne peut plus être politique, tu en penses quoi ?
Oui c’est complètement vrai mais le contexte sociale était différent et les combats se portaient à d’autre niveau pour que la fête existe. Aujourd’hui Je trouve qu’il y une jeunesse hyperactive et intelligente avec plus d’outils à sa disposition pour réaliser des choses avec autant d’engagement qu’avant mais différemment peut être.
C’est quoi ton militantisme à toi dans la musique ?
Mettre des disques, produire de la musique indé, soutenir des scènes c’est déjà un début !!!
Tu les vois sortir comment les jeunes dans 20 ans ?
Hmm, ça fera 2038 ça ! Ils sortiront avec des scafandres anti-pollution!
Tu le vois comment ton futur dans la nuit ?
Il faudrait demander à Scotch-man d’aller voir ce que je ferai la nuit dans le futur, pour le savoir !!!
Pour finir je me permets de faire un petit point d’auto promo. Je viens de sortir un Ep chez Nona Record un label Tchèque. Ils fabriquent également des modulaires leur marque s’appelle BastlIinstrument. J’étais en résidence chez eux au printemps dernier où j’ai réalisé ce projet. La réalisation du clip par Armand Morin avec qui j’ ai déjà collaboré pour la composition de la musique de ses vidéos.
Rédactrice en chef
Adeline Journet
Eternelle gosse et grande chipie, Adeline est la petite fée de la bande. Toujours prête à faire des blagues, elle reste cependant intraitable en matière de chocolats, pains et autres mets sucrés et elle ne blague pas du tout avec les chaussettes. Procrastrinatrice quand il s’agit de se remettre en sport, elle est beaucoup plus réactive quand il faut sortir se déchainer sur la piste de danse.
Sa devise : “Oké, ça m’angoisse”
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