Londres. Inspiration et terre d’asile pour pas mal de français. Vivier des créations musicales les plus originales. Un des cœurs artistiques de l’Europe. Et dans tout ça, il y a Mr Pedro. L’énigmatique DJ, résidant de la radio NTS, dont il participe au lancement il y a a 5 ans déjà, au côté de Femi Adeyemi et Clair Urbahn. Aujourd’hui la radio est devenue institution de la scène alternative londonienne et mondiale. Rien que ça.
C’est donc depuis plus de 20 ans que Peter aka Mr Pedro abreuve les bars un peu cools de la capitale britannique. Et demain soir, c’est pour la première teuf de Hybrid Waves qu’il saisira les platines. Dans ses bacs à vinyles : des vieux albums de jazz, magnificences disco, aventures caribéennes, épisodes house, variets du Moyen-Orient ou d’Europe de l’est, en bref, Mr Pedro prend des risques pour surprendre et enchanter. On adore. Au programme de ce vendredi 10 février, vous l’aurez compris : pépites en tous genres ! Set à ne surtout pas rater. Pour l’occasion on lui a posé quelques questions sur son rôle de DJ et sur NTS, ce réservoir intarissable de révélations made in scène underground. Questions !
Tu te souviens de ton premier set il y a plus de 20 ans ?
Je ne suis pas certain (ce qui est assez parlant), mais ça a du être au Dragon Bar. J’étais avec ma petite copine à cette époque. Elle mixait aussi et avec son acolyte elles se faisaient appeler les “Vinyl Gypsies”. Ce qui est drôle c’est que quand on s’est séparés, elle a gardé pas mal de mes albums, je ne les ai plus jamais revus…
Tu es un des fondateurs de la Radio NTS à Londres…
Exact. J’ai fait partie des tous débuts, mais depuis j’ai laissé la direction à mon ami Femi. C’était son rêve à lui. Sa passion. C’était son idée de réunir tous ces gens super éclairés, créatifs et d’en faire une plateforme pour qu’ils puissent partager leurs créations. Je me rappelle, à l’époque, à la sortie de NTS, il n’avait pas dormi pendant une semaine entière. C’était vraiment du DIY à l’époque, c’était un peu chaotique même mais toujours artistiquement très honnête. C’est incroyable de voir à quel point ça a grandi, c’est devenu tellement gros. C’est fou de voir comment les gens ont connu la radio, tout s’est fait si naturellement. L’équipe actuelle est géniale, s’ils me lisent ils doivent le savoir, je ne peux que les voir grossir encore et encore.
“J’ai vu que j’avais des auditeurs réguliers en Irak, et c’était à l’époque où les choses pétaient vraiment là-bas, ça m’a laissé sur le cul.”
Ton premier souvenir marquant chez NTS ?
Il y en a eu pas mal ! Mais je crois que c’est quand j’ai réalisé quel portée avait la radio. Tu sais, moi au début, mon implication se résumait surtout à partager des sons qui me touchaient moi, mais pas forcément tout le monde, un truc un peu en marge. Le concept d’une radio en ligne était un peu étrange pour moi. J’ai grandi en écoutant religieusement la radio sur les ondes FM quoi (les radios pirate ont beaucoup d’importance dans l’histoire du paysage londonien). C’est quand le management de la radio a publié en interne un graphique d’une étude qui expliquait qui étaient nos auditeurs que j’ai vraiment capté quelle portée on avait, et c’était il y a un an seulement environ… Je réalisais alors que des gens écoutaient mon émission dans le monde entier. Tu te rends compte, j’ai vu que j’avais des auditeurs réguliers en Irak, et c’était à l’époque où les choses pétaient vraiment là-bas, ça m’a laissé sur le cul.
Il se passe quoi en ce moment à Londres musicalement parlant ?
Pas mal de trucs négatifs, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Tout est très cher, beaucoup de clubs ferment et des quartiers d’artistes sont réhabilités pour y construire des bureaux par exemple. Après, Londres a toujours sa culture musicale propre. Elle a toujours été influencée par tellement de cultures différentes. La réunion de toutes ces différentes saveurs y a toujours été soutenue et chérie, c’est quelque chose de normal ici. Pour moi c’est une des raisons principales qui fait de notre ville un vivier en matière de nouvelles musiques, il y a un son particulier ici, quelque chose qui ne pourrait exister ailleurs. Il y a comme une “oreille”, les gens acceptent plus facilement qu’ailleurs ce qui est perçu comme peu “normal”, c’est sans doute dû à ce à quoi les gens sont exposés tous les jours et depuis longtemps. Et c’est sans doute pour ça que Londres attire les gens d’un peu partout, grâce à son côté unique en matière de culture. Après il y a évidemment tout un tas de musiques que je n’aime pas ici, rassure toi, il y a aussi des gens ici qui font aussi de la merde. Mais bon, c’est la vie hein !
NTS pourrait investir certains pays, comme l’a déjà fait Rinse FM ?
Oui, comme je t’expliquais, nous avons des auditeurs un peu partout dans le monde. Être physiquement présent là où sont nos auditeurs est très important pour créer le lien. On a déjà un studio en Chine et à Los Angeles. D’autres villes viendront sûrement.
“Avant Internet, tu entendais un truc à la radio, ou dans un club et ça te prenait parfois des années avant de trouver ne serait-ce que son titre !”
Comment tu considères tes émissions The Extended Play ?
Mon but c’est de produire un mix de deux heures, deux ou trois samedis par mois, que n’importe qui pourra écouter sur son Ipod, quelque chose de très différent d’une émission de radio classique.
Pas mal de DJs, aujourd’hui, refusent de filer leurs tracks. T’en penses quoi ?
Moi, ça ne me dérange pas. Je trouve un peu bizarre que certains DJs refusent de donner leurs tracks. Enfin ça dépend qui tu es, aussi. Je ne veux pas être élitiste mais j’avoue que j’aime bien garder une part de mystère dans ce que je suis. Quand j’ai commencé à collectionner les vinyles, Internet n’existait pas. Tu entendais un truc à la radio, ou dans un club et ça te prenait parfois des années avant de trouver ne serait-ce que son titre ! Maintenant tu peux tout googler et tout acheter en deux minutes. Je ne dis pas que c’est forcément quelque chose de mauvais, l’accès à la musique, à la culture, c’est important mais cet accès un peu trop direct , trop facile, a créé pas mal de gâchis, une relation à la musique et aux albums un peu trop légère, du coup quand de DJs choisissent de ne pas donner leurs tracks, c’est un peu une manière de limiter ça. Du coup je crois que je les comprends. Faire les choses passionnément, ça donne toujours quelque chose de bien et je crois que ça marche aussi, dans une certaine mesure, avec le fait de collectionner la musique.
Tu te rappelles d’un moment en particulier où tu as rendu quelqu’un heureux en lui donnant un de tes tracks ?
Oui, il y en a eu plein ! J’aime les vieux albums, les trucs un peu obscures et oubliés, mais j’aime aussi les trucs faciles et il n’y a rien de plus agréable que de surprendre quelqu’un avec un son qu’il a recherché pendant des années. Enfin ! Je leur donne la réponse ! C’est une libération pour eux. Et ce genre de trucs est souvent arrivé.
C’est quoi ton track préféré ?
Impossible à dire. Mais là je pense à un track qui vient de Serbie, une cover d’un truc des Antilles, produit par le frère du chanteur de l’original. Je ne retrouve pas son nom là mais j’essaierai de le jouer ce soir !
C’est qui ta lubie du moment ?
Je dirais Joe Harriott, c’est un vieil artist hein, mais j’ai l’album juste à côté là. C’est un saxophonist de jazz né en Jamaïque mais qui a vécu au Royaume-Uni et y est mort à l’âge de 44 ans en 1973. Les amateurs de jazz le connaîtront sans doute, son génie devrait être reconnu de tous selon moi. Tu devrais checker son album Hum Dono avec Amancio D’Silva, c’est incroyable.