Des fêtes où “il est impossible de s’ennuyer”, c’est la promesse de Bunch. Et ce n’est pas rien. Mais comment douter de la capacité à amuser les foules de Pierre, Mickaël et Pierre-Olivier les trois fondateurs de ce joyeux collectif ? Leur concept ? Faire se rencontrer des gens qui ne se connaissent pas, autour de délires et jeux éphémères toujours un peu barrés, lors de soirées. En gros, jouer, rencontrer des gens (et plus si affinités, qu’on se le dise…) et kiffer le son, tout ça en même temps. Si c’est pas génial !

Avant de découvrir leurs délires dimanche à La Prairie pour Bunch#6, rencontre avec Pierre qui adore régresser en soirée (nous aussi, ndlr), Mickaël qui voit l’organisation de teuf comme un “sport”, et Pierre-Olivier qui veut “voir des étoiles dans les yeux des gens”.

crédit : Anne-Sophie Bielawski

Présentez-vous ou taisez-vous à jamais…
Pierre, 24 ans, head of Community dans une start-up + Mickaël, 25 ans, tech Entrepreneur -+ Pierre Olivier, 28 ans, consultant en développement durable (désolé j’ai pas de nom stylé en anglais), tous trois chez Bunch depuis mai 2016 !
Quand on vous demande ce qu’est Bunch vous répondez quoi ?
Pierre : On est un collectif qui invente des jeux et des concepts pour que les gens se rencontrent, s’amusent et soient créatifs en teuf. 
Mickaël : [C’est dur de passer après Pierre] On rend la fête plus enrichissante et délirante que before tunnel gueule de bois grâce à des jeux créatifs et collaboratifs !
Pierre-Olivier : “les parisiens sont prêts à rencontrer des inconnus en faisant des coloriages”
Pierre-Olivier : On cherche à organiser des fêtes où il est impossible de s’ennuyer, où on peut s’amuser et rencontrer des gens même sans forcément être torchés (ou autre). Que la soirée soit plus que juste son + alcool, mais une vraie expérience globale.
Il vient d’où ce nom d’ailleurs ?
Pierre : “Bunch” en anglais, ça veut dire un bouquet/un buisson et on aime beaucoup la nature ! Mais aussi ça veut dire un truc multiple, groupé et un peu en bordel, ce qui résume assez bien notre état d’esprit. Bunch of friends” c’est aussi une bande d’amis, et ça c’est le love !
Mickaël : On s’est trop tapé dessus à chercher des noms dans mes startups… je sais l’ampleur que ça peut prendre, sans intérêt. Quand PO est arrivé avec ce nom cool, simple et qui convenait, j’ai dis go go go direct.
Pierre-Olivier : Je ne sais pas trop d’où est venu l’inspiration, mais ça sonnait pas mal, ça a du sens et ça rend bien en logo (merci Alexis). Pas mal de gens croient quand même qu’on fait de la bouffe quand ils nous découvrent.
Un mot / un sentiment qui qualifie votre expérience d’organisateur de soirées ou intervenants jusqu’à aujourd’hui ?

PierreC’est hyper stimulant et on apprend plein de trucs ! C’est toujours le rush la semaine avant, mais quand on lance les hostilités, c’est toujours ouf de partager notre délire !

Mickaël : L’adrénaline créative. Le rush de l’événementiel, c’est comme du sport en fait, grosse préparation, et sur le moment un truc éphémère dont tu sors vidé mais avec le big smile… quand les gens ont kiffé ! Je pense qu’on est tous un peu accro à ça haha
Pierre-Olivier : “Challenging” (je sais pas comment on dit ça en français), parce qu’on cherche à gérer tous les aspects de l’expérience de la teuf et qu’on est exigeant sur le résultat. Le plus long et difficile, c’est la création de l‘activité. C’est pas évident de faire quelque chose qui marche à coup sûr, et qui soit spécifique à l’événement, il faut beaucoup réfléchir et se projeter. Mais avec l’expérience on commence à bien connaitre le sujet, et après c’est kiffant de voir quelqu’un qui se marre avec un inconnu en faisant nos activités. Donc au final ça vaut le coup !
Votre toute première soirée c’était quoi ? 
Pierre : On était sur la terrasse du Batofar, pour un apéroboat. On avait demandé à un ami dessinateur de nous préparer une immense fresque à colorier qu’on a découpée en 49 A4. Quand un groupe de potes arrivait à l’événement, on leur passait un bout de la fresque et une seule couleur pour tout le groupe ! Du coup il fallait se mélanger aux autres groupes pour avoir plus de couleur sur son bout. On a rempli la terrasse, c’était fou : les gens dessinaient par terre dans la frénésie la plus régressive qu’on avait jamais vue !

crédit : Tristan Fransen

Mickaël : Ça a tellement bien marché que des gens sont repartis chez eux avec des bouts de fresque ! Du coup, à la fin, pour la reconstruire coloriée, on a refait à la main les bouts manquants avec les autres A4 qu’on avait ramené au cas ou. C’est pour ça qu’il y a un logo Bunch qui ressort au milieu, ce délire mégalomaniaque n’était évidemment pas prévu en amont.
Pierre-Olivier : On était hyper surpris du succès de l’événement (surtout pour un mardi soir), et ça nous a montré qu’il y avait un vrai intérêt des parisiens pour des soirées différentes, et qu’ils étaient prêts à rencontrer des inconnus en faisant des coloriages 🙂
Votre plus grande réussite, le truc dont vous êtes le plus fier ?
Pierre : Surtout qu’on ait réussi à emmener des gens dans notre délire dans nos événements !
Mickaël : Perso je suis hyper content que des potes qui soient pas très marathon techno house adorent nos events et notre concept. Si la fête est plus folle et surtout plus ouverte à différents publics grâce à nous, même à notre petite échelle, c’est très cool, c’est l’objectif.
Pierre-Olivier : D’être restés fidèles à la mission qu’on s’est donnée au début, qui est de faire des événements différents, où les gens se parlent et font des trucs ensemble. Tout est conçu autour de ça, et parfois ça nous a même obligé à refuser des propositions hyper intéressantes. Mais au final c’est une grande force, ça nous pousse à nous dépasser, et ça donne un peu plus de sens à la fête.
Votre plus grand fail ? (parce qu’il faut savoir assumer ses fails haha)
Pierre : On avait fait une réunion avec un groupement (qui restera secret hihi) pour co-créer un jeu avec eux. Comme on est pas mal à la cool, on est arrivés avec nos bières et notre houmous pour prendre l’apéro avec eux et décider de ce qu’on faisait. Sauf qu’ils étaient pas du tout partis pour une bière : la réunion c’était eux en mode hyper sérieux, sauf qu’on s’en est rendu compte alors qu’on buvait nos bières tout seuls. C’était le gros malaise haha ! Finalement ça s’est bien passé heureusement !
Mickaël : Fan des fails ! Vu qu’on organise des ateliers originaux à chaque fois et qu’on les teste un peu en live, y a toujours des détails d’utilisation impossibles à prévoir qui foirent complet. Exemple, on avait installé des indications sur des tables, mais les gens arrivaient par le côté opposé à la lecture. Résultat, on aurait dit des flamands roses à se tordre le coup pour lire par dessus la table le manuel dans le bon sens… détail absurde vous me direz, mais ça m’a fait marrer.
Pierre-Olivier : J’avais tendance à dépenser sans compter au début, et puis j’aime beaucoup les plantes, du coup on s’est retrouvé avec des tonnes de plantes vertes pour la déco (ça c’était cool), mais surtout un gros trou dans le budget (moins cool). J’ai essayé de les revendre à des potes pendant la soirée, mais au final ça n’a pas trop marché, donc je les ai rachetées et depuis mon appart est devenu une sorte de forêt. Mais bon je kiffe bien au final 🙂
Qui décide de quoi chez Bunch ? Quelles sont les guidelines à respecter ?
Pierre : Pierre Olivier trouve les contacts, et récupère des plans pour des soirées où on peut proposer un truc. Puis on choisit ensemble quelle soirée on peut faire. Après c’est le gros bordel pour décider du jeu : en général on est bourrés et on balance des idées complètement débiles jusqu’à qu’on en trouve une qui nous fait vraiment marrer, mais surtout qui soit au croisement entre collaborative, créative et fun. Puis on dévalise Castorama pour donner vies à nos idées !
 Pierre : “La fête c’est un peu mon deuxième chez moi.”
Mickaël : En vrai, on commence à avoir un petit processus pour trouver nos jeux, mais l’inspiration vient pas mal de la quantité. On doit générer environ 35 idées pour 1 ou 2 bonnes. Après on construit l’univers et les détails autour. Pour l’instant, niveau répartition des tâches, vu qu’on a pas le temps celui qui fait décide, puis se prend les remarques du groupe. On effleure parfois les limites de ce modèle haha
Pierre-Olivier : Oui c’est ça, on balance plein plein d’idées jusqu’à ce qu’il y ait un truc qui nous fasse tous exploser de rire. Pour la Dynamicale de mars dernier, c’est le moment où Lucas a sorti qu’on pourrait faire faire aux gens des casques anti-ondes en aluminium (comme le Christ Cosmique). Du coup c’était gagné. Ensuite on conçoit l’activité plus en détail, on la teste (c’est assez drôle aussi comme moment), on fait des visuels absurdes (merci David et Alita !) pour annoncer et expliquer les activités, et puis c’est parti !

crédit photo : David Baruchel

Un collectif en particulier dont vous êtes ou vous sentez proches ?
Pierre : Personnellement, j’aime beaucoup OTTO10 : ils ont un esprit décalé qui me fait bien marrer, et pas mal d’imagination pour créer des univers ! Je pense qu’on se concentre plus sur la création de jeux créatifs, mais ça reste assez voisin dans le délire !

Mickaël : On a croisé Essential Night une fois, ils mixent lors d’afterworks exposition d’artistes graphiques et DJs montants, et font parfois des ateliers créatifs. C’est pas vraiment un gros délire teufesque pour l’instant, mais au niveau positionnement dans l’offre parisienne et efficacité concept / comm / installation ils sont excellents.

 

Pierre-Olivier : Je dirais toute la vague de nouveaux collectifs parisiens déjantés, à la Camion Bazar, AlterPaname, Soukmachines, MicroQlima, Dynamiterie, Mangrove… en bref tous ceux qui cassent les barrières entre les univers et ne se prennent pas au sérieux. J’avais fait un Daybreaker aussi une fois (les teufs le matin avant le taff) et je pense qu’on a beaucoup de points communs dans l’esprit, proche de celui du Burning Man notamment (dont la radical inclusion bien sûr).
Mickaël : “je suis un peu déçu de la diversité musicale et festive de Paris”
La fête ça représente quoi dans votre vie ?
Pierre : J’en fais certainement beaucoup trop haha ! Tous les Lundi matin je me dis le week-end prochain tu déconnes pas, là t’es trop crevé, t’as vu ta tête, tu subis ta vis etc.” Je reprends des forces petit à petit dans la semaine, puis vendredi aprem, je trépigne sur ma chaise et je suis évidemment beaucoup trop chaud ! C’est un peu le vortex, mais j’adore retrouver les mêmes têtes d’une soirée à l’autre et d’un after à l’autre : la fête c’est un peu mon deuxième chez moi quoi.
Mickaël : Same shit. Je suis hyper accro au son, la musique électronique c’est vraiment une passion d’enfance. C’est pour ça que je suis un peu déçu de la diversité musicale et festive de Paris… devoir forcément finir à 6h dans une salle obscure pour pouvoir écouter cette musique… bof D’où Bunch !
Pierre-Olivier : Pour moi la fête c’est quelque chose d’important, pas du tout futile, c’est une bouffée d’oxygène, où tu vis un moment dans un monde un peu parallèle, un peu parfait où tout le monde est là pour passer du bon temps ensemble. Comme si tu te rechargeais en bonheur. Bon j’ai tendance à rester systématiquement jusqu’au bout, du coup ça représente pas mal de temps de mes week-ends. C’est pour ça que j’aime bien les fêtes qui sont pensées comme des lieux de vie”.
 Votre track préféré pour aller en soirée et à mettre à fond sur ses oreilles ?
Pierre : Hell or heaven L.U.P.O : je saurais pas dire combien de fois j’ai écouté ce morceau, il me chauffe beaucoup trop !
Mickaël : Son Kite – Jukebox : Rien de tel pour faire décoller tout le monde lors d’une before qui s’éternise !

Pierre-Olivier

Digitaline Africa : Un gros classique un peu facile mais qui marche à tous les coups. Ou alors l’edit de K&F de Oye Como Va, un peu dans le même genre groovy happy tech house.
Le track à mettre dans ses écouteurs pour rentrer d’after ?
Pierre : Ewan Jansen Sunset : ça te tient encore en haleine, mais en même temps c’est tout doux.
Mickaël : Voices from the Lake – Max : l’ambient mec, l’ambient… voilà ce qui me manque en teuf !
Pierre-Olivier : Aphex Twin Alberto Balsalm : pour ressentir la beauté du monde avant de rejoindre son lit.

D’ailleurs, pourquoi on va en after ?

Pierre : Parce que la fête au soleil c’est quand même autre chose ! (oui du coup, il faut en after où on voit le soleil)
Mickaël : Parce que la teuf commence beaucoup trop tard, que c’est trop cher de payer des coups au bar, et qu’on peut pas y rigoler tranquille.
Pierre-Olivier : Parce qu’on ne veut pas que ça s’arrête !
La plus belle fête que vous ayez faite EVER ?

PierreÇa devait être OTTO 10 en Juillet dernier (je ne suis pas un fanboy non non) : je revenais d’un festival de hippies dans le désert en Espagne, et tous les français qu’on avait croisés là-bas se sont chauffés. Du coup j’avais l’impression de connaître la moitié des gens ! On dansait sur une montagne de palettes, au soleil, tout le monde était déguisé c’était vraiment n’importe quoi !

Mickaël : Dur à dire… ça va sonner cliché mais c’est vrai que la teuf dans le désert où les gens dansent sur un banc de théâtre soulevé en rythme à 3 mètres du sol par un tractopelle dont le conducteur a une main sur la manette, l’autre autour de la fille qui est à califourchon sur lui en train de le choper (et accessoirement, de lui boucher la vue), devant une barge spatiale à la Star Wars avec des Funktion One et tout le monde déguisé en néo-punk, c’est un souvenir impérissable. (Burning Man, of course)
Pierre-Olivier : Ça va vraiment pas être original mais je pense que c’est le premier (enfin le deuxième en vrai) Weather. C’était un peu la première teuf techno vraiment massive à Paris, il y avait une excitation incroyable des gens, tout le monde était tellement heureux d’être là… Je crois que j’ai rencontré cent personnes ce soir-là. Et cette ambiance au Camion Bazar… Et puis cet esprit s’est prolongé dans le groupe Weather Festival Music, enfin un truc stylé qui rassemblait tout le monde autour des valeurs positives de la musique et de la techno (au début en tout cas). Je pense que quelque part Bunch cherche à créer ce genre d’ambiance festive et ouverte d’esprit, mais pour n’importe quelle soirée.

Quand on organise des teufs c’est quoi le rêve ULTIME ?

Pierre : Emmener toujours plus loin notre esprit de partage avec le plus de monde possible !
Mickaël : Same. Et avoir un lieu où donner vie à ses délires de façon plus pérenne 🙂
Pierre-Olivier : Voir les étoiles dans les yeux des gens.

C’est qui l’idole qu’on aimerait voir à l’une de vos fêtes ?

Pierre : Sans hésitations la grande chouette cosmique.
Mickaël : Si ya Jeff Mills qui vient un jour, je crois que je fais une crise cardiaque. C’est une inspiration énorme : Sure, we can party 24h a day, 7 days a week, but what are we learning from it ?”
Pierre-Olivier : Ahaha Micka et son gourou 😉 Bon bah du coup mon gourou à moi, Edgar Morin (t’es sérieux ? Wai grave).