Y’a des cons qui diront « toute bonne chose a une fin ». D’autres ont versé une larme, voire deux, voire dix. Puis y’a eu ceux qui, bons joueurs, se sont dit que la fête, de toute manière, pour Concrete, continuerait quoiqu’il arrive. Autrement, ailleurs, plus loin, plus proche, peut-être même encore mieux qu’avant ? Un Dehors un peu plus Brut peut-être ?
Concrete c’est fini, et à l’occasion du grand weekend de closing qui prendra place sur la barge du 19 au 22 juillet, on a demandé à Brice Coudert et Pete Vincent, deux des co-fondateurs de Concrete il y a plus de huit ans, et aujourd’hui respectivement Directeur Artistique et Responsable de l’accueil artiste et de la régie, de nous livrer leurs plus belles vibes, leurs plus douces perches, leurs plus marquantes images, leurs meilleurs souvenirs après huit ans sur la barge ! Attention, à J-2 du Grand Closing Concrete, petite séquence émotion !
Pour vous, ça signifie quoi la fermeture de Concrete, concrètement ? (tant au niveau de vos taffs, que sentimentalement)
Pete : Niveau taf évidemment je pense que tout notre staff pense la même chose… on ne s’est pas investis pour rien et on n’a pas envie que ça s’arrête comme ça…. on a donné de notre âme dans ce projet ! Niveau sentimental j’avoue j’ai versé ma larme…. et j’ai pas honte…. it’s my one my only my everything ! Avoir la chance d’ouvrir et de fermer un lieu est juste un grand bonheur. Les gens du bureau, la régie, les Secu, les barman et woman , les gars des toilettes “Demba mon gars sûr qui est AL !!!!”, les vestiaires et tous les gens de près et de loin…. J’avoue je me sens comblé !
Brice : À titre personnel, Concrete est le projet qui m’a permis à moi, le petit gars sorti de sa banlieue pourrie (Garges les Gonesse), de vivre de sa passion (alors que bosser dans la musique me semblait à l’époque réservé à une élite parisienne), de rencontrer mes artistes préférés (dîner en tête à tête avec Joe Claussell ou Dj Harvey, c’est quand même quelque chose que je ne me serais jamais permis d’imaginer), et mine de rien d’avoir eu un rôle assez utile au sein de la scène française.
J’avais bossé dur dans des tafs qui ne me plaisaient pas du tout avant Concrete, et je me suis soudainement retrouvé à aller au bureau le matin pour parler musique toute la journée, entouré de mes amis, et summum de tout ça, aller écouter mes artistes préférés tous les weekends dans ce club comme si j’étais dans mon salon. J’ai rencontré tellement de gens, vécu tellement de choses incroyables, eu la chair de poule et la larme à l’oeil tellement de fois dans cet endroit, que le quitter est clairement une sorte de deuil. Mais je suis aussi très heureux d’avoir eu la chance de vivre tout ca, et compte faire en sorte que ça continue… ailleurs.
Ça avait commencé comment et quand Concrete, pour vous ?
Pete : Pour moi ça a commencé après trois Twsted. J’ai quitté ma vie rangée pour avoir la chance de participer et créer un mouvement, une étincelle à Paris !
Brice : Dans ma tête, tout a commencé dans les années 2000, quand je rentrais de Berlin, Amsterdam ou de Pologne en redess, et que je rêvais de faire ce qu’on a fait quelques années plus tard. Sinon en vrai, ça a commencé en 2011 avec nos fêtes Twsted sur la barge.
Trois mots pour décrire ce que Concrete représente sur la scène clubbing parisienne ?
Pete : La liberté, une ouverture musicale et la découverte musicale ouverte à tout le monde, d’offrir ce genre de line up dans un club n’est pas évident…. les clubs en France ont la vie dure ! J’aimerais tellement que les français et étrangers aient le choix d’écouter ce qu’ils veulent… sans parler des soirées underground à Paris qui font le tout. Sans nos amis qui font des events dans des endroits extraordinaires et on le sait que c’est pas évident pour eux comme pour nous ! Big up à tout le monde qui se bouge le cul peu importe le style musical ! L’ouverture musicale et la liberté d’avoir le choix d’aller où tu veux est juste normale…
Brice : CIMENT : Car meme si Concrete veut dire béton, je vois un peu notre club comme le ciment qui a aidé à solidifier la scène parisienne et française. TOUJOURS PLUS : On a toujours voulu repousser les limites, que ce soit en terme de longueur de teufs, longueur de sets, en terme de programmation mais aussi en terme d’heures travaillées. FOYER : Concrete c’est le club qui est toujours ouvert quand les autres sont fermés mais c’est aussi l’endroit où tu peux aller écouter en live les artistes que tu kiffes et que tu vois pas souvent ailleurs. Et c’est aussi un endroit, ou tu es reçu par une vraie bande de potes, professionnels mais qui sont aussi là pour s’amuser avec toi, voire même plus que toi !
Votre souvenir le plus cocasse / drôle de Concrete ?
Pete : Il y en a plusieurs et beaucoup dont je ne peux pas parler…
Brice : Un dimanche all day long légendaire en 2014 avec Floating Points, Vakula… Samy Naceri se pointe dès l’ouverture à 7 h du matin et passe la journée au premier rang dans la main room, à vouloir checker du poing avec les artistes pendant leur set… 40% marrant , 60% relou mais sans vraiment dépasser la limite suffisante pour qu’on le foute dehors… Jusqu’à ce qu’il parte de lui même vers de nouvelles aventures. Sinon, en plus calme on a aussi eu Mac Lesggy de E=M6, Francis Lalanne, Teddy Riner et Frank Ocean. Je préfère parler des célébrités pour éviter de lâcher les grands dossiers de 30kg sur les potes, le staff ou les artistes….
Votre pire fail / souvenir, mais aujourd’hui vous en rigolez ?
Pete : C’était pas à Concrete mais à l’after de Weather à l’île Séguin où la d’un coup il y a une tempête tropicale pendant le set de Ben Ufo et son vinyle est parti dans le public avec le vent. J’ai du retirer son ordi du booth et le mettre en-dessous pour que ça ne prenne pas la pluie et ça a coupé le son…. puis cinq minutes après le son repart avec un bête de coucher de soleil !!! What a vibe !
Brice : Je me suis embrouillé avec Steffi (la résidente du Berghain/Pbar) lors d’une des toutes premières Concrete pour un truc vraiment bidon. J’étais vraiment super fan d’elle, du coup ça m’a fait tout drôle de me retrouver dans cette situation. Surtout que je débutais tout juste dans le métier. On a fait la paix depuis et j’en rigole, mais à l’époque ça m’avait quand meme bien fait chier de m’être mis à dos une artiste que j’appréciais autant.
Votre plus BEAU / DOUX souvenir, le truc que vous n’oublierez jamais ?
Pete : Perso pour moi c’est depuis que je sais que c’est la fin de Concrete et depuis un mois les Dj’s qui viennent depuis longtemps chez nous et je leur dis “tu sais c’est la dernière fois que tu mixes au bateau”. A ce moment l’émotion qui se dégage est juste ouf ! Et c’est pour ça que je fais ce métier, pour vivre ce que je vis avec eux depuis huit ans.
Brice : Une des toutes premières Concrete en janvier 2013. Theo Parrish ferme le club et pour le dernier morceau pose un disque sur chaque platines et nous demande de choisir entre « Funk » ou « Jazz » en nous faisant crier les deux mots tour à tour. Le public a choisi « Funk », Theo a joué le morceau qui correspondait. C’était « Singing a Song for My Mother » d’Hamilton Bohannon. Pur moment de magie que je n’oublierai jamais. Je dois avouer que j’ai lâché la larme du gars fonfon/ému.
La plus grosse vrille / perche ?
Pete : Some things have to stay in the closet…. and trust me it’s better that way…. (mais en vrai toutes nos soirées avec nos résidents j’avoue je me régale 8000) !
Brice : Le dernier anniversaire Concrete en novembre dernier. J’ai fini tellement cuit que j’ai filé ma veste avec mes clés et mon porte feuille à l’ingé son (je ne sais toujours pas pourquoi) et bien évidemment 20 minutes plus tard j’avais tout oublié et j’étais persuadé que quelqu’un me l’avait volé dans le dj booth. Je suis donc rentré sans mes affaires à 5 h du mat (après avoir fouillé la barge dans tous les sens), j’ai réveillé ma copine pour qu’elle m’ouvre (vu que j’avais pas les clés) et me suis rendu à la barge le lendemain, en redess, pour checker les caméras. Ce que j’y ai vu ? Moi complètement bourré, dansant relativement mal, et filant de moi même ma veste à l’ingé son.
L’artiste qui selon vous a marqué Concrete ?
Pete : Mais quelle question !! Tous nos résidents sans exception ! C’est vraiment des guerriers !!!! Sinon Circle of Live, Neel, Donato Dozzi, Peter van Hoesen, Scan7, Zip… Tous les parisiens et vous savez que je vous respecte plus que n’importe qui ! Paris c’est mon amour et je suis fier d’être un franco-américain-marseillais et d’être un des co-fondateurs.
Brice : C’est complètement subjectif, mais j’ai commencé à booker Donato Dozzy en 2012 à Concrete et au fil des bookings il m’a complètement fait changer ma vision de la Techno et de la musique. Il m’a beaucoup influencé dans ma façon de faire mes bookings jusqu’à faire de Concrete, je pense, le club spécialisé en France de ce type de techno mentale et introspective, avec des artistes comme Marco Shuttle, Peter Van Hoesen, Mike Parker, Atom Tm, Tobias etc… Sinon je pense que la video de Lil Louis chez nous qui a fait des millions de vues parle d’elle-même. Ce moment là est purement légendaire.
La date / soirée qui devrait rentrer au palmarès des meilleures soirées de Paris / du monde ?
Pete : Toutes les Samedimanche, les Spiral Tribes aka les Sp23 et surtout la dernière en honneur de Reno !
Brice : La premiere Twsted sur la barge avec San Proper en 2011. Je pense que cette teuf a été un moment charnière de la fête à Paris et a donné envie à plein de gens de sortir plus, d’organiser des trucs, voire de se mettre à la musique. Sinon, on avait organisé une after de Weather à Concrete en 2013 avec Joe Claussell, Theo Parrish, Robert hood en mode Floorplan, Kerri Chandler, Black Coffee, Culoe de Song… et Ron Trent dans le public juste là pour faire la fête. Tout le gratin suprême de la House !
Un rêve, une envie, là tout de suite ?
Pete : Hahahaha avoir des vraies vacances et retrouver celle que j’aime
Brice : Une assiette kefta, harissa STO, et un endroit stylé où poser un djbooth et faire danser les gens jusqu’en 2079.