Soul Edifice, aka Théo Parreush, c’est un peu le gars que t’as envie d’avoir dans ton équipe. Absolument. Nous, parce qu’on aime passer au crible les p’tits jeunes qui montent dans l’secteur, on le voulait dans notre rubrique La Montée. Multi-fonctions et multi-facettes, Soul Edifice, c’est pas juste un gars cool du moment. Pas juste un p’tit con qui passe avec ses vinyles sous l’bras. Soul Edifice, c’est une énergie, une sélection, une réflexion et une envie de tout casser, pour tout reconstruire.
Gros fan de rave, Soul Edifice s’ancre aussi comme penseur et moteur d’une réaction généralisée à la techno autoroute de hangar (ou pas). C’est la fête avec âme. C’est la rage avec amour. C’est un mec qui s’appelle Théophile Batteur et qui a des choses à te dire (un peu comme Pearl). Résident Qui Embrouille Qui et Acid Avengers, Théophile c’est aussi le mec de Vernacular (et du label, et de l’ensemble Vernacular Orchestra). Après leur date au Trabendo en janvier, les Acid Avengers reviennent samedi au Petit Bain et Soul Edifice sera évidemment de la partie, au côté de Neil Landstrumm, ADC 303, Fallbeil. En attendant, on écoute, ce qu’il a à nous dire. Prête l’oreille.
Comment t’en es venu à la musique ?
Sans hésitations, je dirais par mon père. C’est le plus gros mélomane que j’ai jamais rencontré dans ma vie. Je me souviens des réveils le dimanche, quand j’avais 6/7 ans, où il blastait du Bowie dans tout l’appart. Ou encore ses retours du taff, encore son casque sur les oreilles, en vivant clairement le track qu’il écoute, et me disant “Putain, le mix de ce morceau, c’est vraiment un gros délire au casque”. Haha. Y’a aussi Capucine, ma soeur, qui m’a fait des putains de compiles, que j’écoutais en boucle sur mon MP3 128 Mo, avec lesquelles j’ai découvert, en autre, NTM ou encore IAM.
Mais pour ce qui est de la musique électronique et du mix, ça me vient de mon petit reuf, Antonin, qui pour Noël y’a quelques années, a eu le malheur de commander un contrôleur dj. Le pauvre, il l’a reçu et j’ai passé toutes les nuits des deux mois qui ont suivi à le poncer.. Hahaha. Enfin bref, c’est clairement une affaire de famille, bien que je ne pourrais pas ne pas citer mon pote Clément Bozonnet, qui m’a clairement mis le nez dans la “musique électronique de qualité” comme Fachwerk, Chris Clark, Aphex Twin…
Ton nom de scène, il vient d’où ?
Bah en gros quand j’ai commencé à mixer, genre au tout début, mon blaze c’était 6Tron, car Théo 6Tron (Thé au citron)… Ouais je sais ça craint. Puis en fait, je suis rentré en école d’archi, et le terme « édifice » m’est venu. Un édifice, c’est quelque chose de plus “solide”. À ce moment là, je commençais à être blazé par la techno autoroute “sans âme”. Du coup « soul », puis Soul Edifice. Et puis Sous l’Edifice, c’est le parking, c’est l’ “underground”. Haha.
C’est qui Théo Pareush, pour toi ?
Le premier gars a avoir cru en moi, musicalement j’entends, c’est Jeremy de Exploration Music. C’est clairement mon mentor. Le meilleur Dj que j’ai croisé jusque là. Et avec Julien de Sonotown, ils ont commencé à m’appeler Théo Pareush, parce que je mixais pour pas cher à l’époque. Haha.
Pour la dernière compile de Exploration Music, Last Landing, je me devais de lui rendre hommage. Théo Pareush c’est devenu mon alias Uk Rave sans prise de tête. Et le premier morceau que j’ai sorti sous ce blaze c’est L’Exo 1000, ça en dit long..
« La musique c’est mon échappatoire, le seul truc dans lequel je me retrouve vraiment en entier »
C’est quoi ton parcours de vie en dehors de la musique ?
J’ai fait un bac S, puis ensuite je suis rentré à ENSAPM en Architecture. Je suis allé jusqu’en Master 1, que j’ai validé (petit Dab). En parallèle, j’ai fait prof de voile, de la vente de fringues, du bar… Par le bar, je suis arrivé à faire de la régie de lieu, notamment au Summer House. D’ailleurs big up à tout les soldats du Summer House, c’était trois mois méga intenses.
Si tu mixais/produisais pas, tu aurais une autre passion dont tu aimerais faire ta vie ?
Franchement, je sais pas quoi te dire. Ça a déjà été tellement dur comme choix que de choisir de m’orienter à 100% dans le son. Je fais partie de cette génération de gens qui se retrouvent pas trop dans les schémas “classiques” de la vie, je pense. Et la musique c’est mon échappatoire, le seul truc dans lequel je me retrouve vraiment en entier. Je m’y sens à ma place.
Tes premiers amours musicaux ils viennent d’où ?
Comme je t’ai dit au début, ça vient de mon daron pour sûr, et de son côté, c’est Pink Floyd et Bowie le gros traumatisme musical. Mais mon premier vrai amour musical, c’est clairement le Reggae et le Dub. J’ai été mystifié par les Studio One, Horace Andy, Johnny Osbourne ou encore The Gladiators. J’ai rencontré mon pote Adrien, et on a commencé à poncer le reggae, le dub et le dancehall comme des affamés. C’est le genre musical que j’arrêterai jamais d’écouter, quelque soit mes états d’âme.
Sinon au niveau musique électronique, l’acid sans hésitations. Et cet amour là, son origine est mystique. Un jour, y’a le morceau Acid Eiffel de Laurent Garnier qui a pop sur mon Ipod. Mais une version bien particulière, plus lente que celle qu’on trouve sur internet, avec un saxophoniste qui fait des espèces de cris d’éléphants en fond de reverb. Et la ligne d’acid est tellement simple, mais tellement puissante… Il passe d’une à deux notes de TB, sur un pattern en trois. Il utilise tout le spectre de la 303 tout au long du morceau… Traumatisé. J’ai voulu la retrouver et l’acheter. Impossible. C’est jamais la bonne version… Je crois que c’est une version live. Et puis la compile de Vibert, Lover’s Acid, avec de l’acid cuisiné à tous les tempos, dans tous les styles, gros trauma aussi.
Acid Avengers, Vernacular, Qui Embrouille Qui… beaucoup de noms, de beaux noms, pourquoi tous ces projets ?
Bah pour être méthodique, Acid Avengers c’était un Rêve, avec un grand R. Un jour, je vois passer un message de Yoric, aka Jaquarius, qui cherchait un mec pour jouer dans la cale du Batofar. C’était clairement pas la date de ma vie, c’était même plutôt l’angoisse. Mais à la clef, y’avait un bracelet backstage, donc l’occasion de parler avec le boss, Benjamin. Et je suis pas passé par quatre chemins, et avec la plus grande détente du monde, il m’a dit “Bienvenue dans la famille”.
Vernacular, c’est mon projet avec mon frérot Vincent. On sortait tout les deux du projet Autarcie, qui était un projet de grosses teufs en illégal, sous des ponts. Ça s’est fini, et on voulait un projet à nous, où on était seuls décisionnaires. Et ça s’est pas du tout passé comme ça haha. On a monté une équipe remplie de mecs de ouf (Pantxo, Gus, Robin, Ben, Raph, Clément), musicalement, comme humainement. Du coup, le partage de décisions est venu hyper naturellement, bien qu’ils m’appellent le Grand Leader, et que je garde quand même des tendances tyranniques pour le bien commun Haha. On a tous une vision très communautaire dans la vie, et Vernacular c’est un peu la réalisation de notre utopie commune, que ce soit dans notre manière de bosser notre live à 7, le Vernacular Orchestra, ou dans notre façon de produire en studio. C’est à la fois un gros regroupement d’artistes et un label.
Qui Embrouille Qui, c’est venu par le hasard le plus complet. J’avais été invité par Guillaume Mala, aka Graal, pour jouer à LA TEUF : Make Villejuif Great Again.
Grosse teuf communautaire, prix mini sur tout, grosse débrouille pour le matos, la tonne d’artistes talentueux qui venaient jouer gratos pour soutenir le projet, tous ça dans sa colloque qu’il partageait avec 4/5 personnes, notamment Audrey, Dj AZF. Les mecs organisent une teufs de plus de 300 personnes chez eux !!! Si c’est pas de la dévotion à la fête putain. Du coup, sans réfléchir une seule seconde, je leur avait prêté mon set up Dj, et je m’étais pointé assez tôt pour aider à l’installation. Il s’avère qu’il y avait pas d’ingé son sur place et j’ai prêté mes oreilles pour faire les balances des groupes. Du coup je me suis retrouvé à moitié orga avec eux. Haha.
Puis en fait pendant mon set à l’intérieur, Audrey était là, et apparement elle a bien kiffé. Du coup, quelque temps après, elle m’appelle et me parle d’un festival à la Station-Gare des Mines, qu’elle organise avec Pasteur Charles, du Turc Mécanique : Qui Embrouille Qui. Ce festival… Un délire.. Une mentalité de ouf, genre sérieusement, j’ai jamais vu ça. Que cela soit dans l’organisation (Mermaid Express Love Love) ou dans la programmation. J’y ai rencontré des gens de ouf et la population qui s’y est déplacée était affamée. Puis le festoch a fait un carton, ce qui est putain de mérité, et m’étonne que très peu haha. Par la suite, c’est devenu un regroupement d’artistes, qu’ils m’ont fait intégrer, aux côtés de gens plus talentueux les uns que les autres.
Je pense que le point commun de tous ces projets, c’est l’aspect communautaire qui est hyper fort. C’est de l’amour et de la musique partagées entre artistes de différents horizons, qui ont la même philosophie de vie et la même manière d’appréhender la fête. Et le vrai plus, c’est que cette vibe est partagée avec le public, et ça, ça change tout, et ça se ressent vraiment lorsque que tu joue pour eux.
Je suis tellement fier de faire parti d’aussi beaux projets !
La musique rave pour toi, ça représente quoi ?
Pour moi c’est aussi bien une identité musicale, dans les “codes”, qu’un état d’esprit. C’est des stabs samplés, des gros “piupiu”, des sifflets, des breakbeats de l’enfer, des hoovers, des grosses vocales… C’est T99, The Future Sound of London, Luke Vibert (Amen Andrews, Wagon Christ, The Ace of Club…), Liquid, Atari Teenage Riot, Shades of Rythm et tant d’autres. Ce style débarque à une époque de dépression, les gens avaient besoin de s’évader de la réalité. Et ça a marché. C’est de la musique composée sans prétentions, pour la fête, par la fête. C’est un condensé de tout ce qui représente la teuf pour moi. Et je pense que c’est ce que ça cherche à représenter. Juste quand tu drop un morceau “rave” en club, les gens deviennent barjots, c’est obligatoire.
Sa récente résurgence, ça t’inspire quoi ?
Ça veux dire que j’ai pris la bonne voie, Haha. Non, blague à part je pense, sans vouloir m’étaler sur la politique, qu’on retourne dans une période un peu merdique, et qu’on essaie, comme à l’époque, de nous faire croire que la seule solution pour s’en sortir c’est de renforcer la sécurité, d’être méfiants les uns des autres, et que l’avenir pour la jeunesse c’est le costard, les emprunts pour une grosse voiture et une vie projetée sur 10 ans. Et en fait y’a des gens, dont je fais partie, qui décident de dire “Fuck”. Non l’avenir c’est pas chacun pour soi. Oui on en a rien à foutre du “vrai confort moderne”. Oui il est possible de vivre au jour le jour tout en ayant conscience de l’avenir. Je pense que sa résurgence vient de là.
« Au delà de la violence de ces films, et du monde qui y est représenté, c’est la beauté du chaos qui nous attire »
Avec mon pote Gus, on parle souvent en délirant de l’avenir du monde et qu’on se voit sur des chars révolutionnaires, paradant sur les Champs Élysées déchus, à blaster du Hardcore de manifestation, démontés à j’sais pas quoi, un fumigène dans chaque main. Hahaha. Tu vois, y’a deux scènes avec les raves ultimes dans Matrix 1 et 2. Et les gens festoient comme jamais. Franchement tu les regardes, c’est un délire, ils sont oufs. Et en fait ils teuffent comme ça pour oublier que le monde qui est autour d’eux est hostile à leurs idées, à leurs visions de la société. Notre génération est passionnée par ces films post-apocalyptiques comme Matrix, Blade Runner, Mad Max ou encore Akira, et c’est pas pour rien. Au delà de la violence de ces films, et du monde qui y est représenté, c’est la beauté du chaos qui nous attire. La contestation d’un monde figé depuis trop longtemps, la recherche d’un nouveau model social et, par conséquent, l’évasion.
En fait, la vie est peut être aussi simple que dropper un gros track Rave, entouré d’inconnus bienveillants dansants sous la pluie, à la Station – Gare des Mines, le soleil se couchant à l’horizon (sourire).
Acid Avengers x Petit Bain : Neil Landstrumm, Fallbeil & more, samedi 17 mars au Petit Bain.
23h55/06h – événement facebook