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Patrice Scott : « Ceux qui soutiennent la scène underground ont juré de lui rester fidèle » – Heeboo

Patrice Scott : « Ceux qui soutiennent la scène underground ont juré de lui rester fidèle »

Interview Nuit - Mars 5, 2019

Detroit. C’est la ville qui fait raisonner, au plus profond de nous, un son brute et intense. C’est une sorte de mythe qui a donné naissance à des musiciens légendaires. C’est la ville qui travaille dur. Qui pousse à la création. C’est la ville de Patrice Scott. 

[english below]

La musique, pour Patrice Scott, c’est à la fois une vocation et une obsession. Il l’a découvre très jeune et l’étudie scrupuleusement. Son univers regorge de djs et il n’a qu’une envie, les imiter. Rondement bien mené ! Quelques décennies plus tard, il fait partie intégrante de la scène underground, qu’il protège et alimente. Il fonde, en 2006, son label Sistrum Recordings véritable pépinière d’innovation musicale.

À l’occasion de la dernière édition hivernale de La Mona, samedi 9 mars, Patrice Scott nous réjouit par sa présence. Il saura ravir nos oreilles au côté de Pal Joey, Nick V, DJ André et Davjazz. Pour les plus téméraires d’entre vous, ça commence dès 22 h pour un cours de Jazz Rock / Jazz Dance avec le génial Alex Benth, oh yeah !

Patrice Scott, tu as été impliqué dans la scène musicale de Detroit. Qu’est-ce que ça représente pour toi ? Qu’est-ce qu’il en reste en 2019 ?

Patrice Scott : La scène musicale de Detroit est respectée et reconnue mondialement. Elle l’est toujours en 2019 et elle continue de prospérer. Être impliqué dans cette scène a créé de nombreuses opportunités qui m’ont mis en relation avec beaucoup de personnes formidables sur terre.

Tu te souviens de ta première teuf ?

Patrice Scott : La première soirée à laquelle j’ai assisté, j’avais 11 ans. C’était une fête dans une arrière-cour à laquelle participait le grand frère de mon ami. Y’avait un collectif de jeunes gars qui s’auto-appelaient Charivari. Les gars ont ensuite pris le nom de Direct Drive. Ils jouaient ce qu’on appelait, à l’époque, la musique progressive (house music). Mes amis et moi on voulait être djs. Une fois qu’on a entendu cette musique, on a décidé que c’était ce genre là qu’on voulait jouer.

C’était quoi qui te poussait à sortir à l’époque ?

Patrice Scott : La musique c’était notre seule motivation. On voulait aller étudier et écouter les djs. C’était comme aller à l’école.

C’est quoi qui, à l’époque, aurait pu tout gâcher ?

Patrice Scott : C’est difficile de dire ce qui aurait pu tout gâcher à ce moment de ma vie. J’étais un gamin innocent qui n’avait pas été exposé à beaucoup de choses négatives. Je suppose qu’un incident tragique, quel qu’il soit, aurait dû arriver pour tout détruire.

Pour remonter un peu dans le temps, tu écoutais quoi comme musique à l’époque où tu as commencé à sortir ?

Patrice Scott : Quand j’ai commencé à sortir, j’écoutais toujours de la dance music et je sortais rarement aux mêmes endroits. En fait, j’allais partout où les djs que j’admirais jouaient.

Tu as fréquenté des artistes tels que Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May… Qu’est-ce que ça t’as apporté ?

Patrice Scott : Fréquenter ces gars m’a fait réaliser à quel point la musique a influencé autant de gens. Detroit est une ville ouvrière, une ville qui travaille dur et on peut l’entendre dans beaucoup de musique de l’époque et actuelle.

 « Mon premier dj set j’avais 13 ans. J’avais deux platines sans pitch, donc je ne pouvais pas mixer. »

Qui sont tes autres influences ?

Patrice Scott : Mes principales influences étaient les djs de Chicago. À l’époque, leur musique était très inspirante et variée. Certains des gars que j’admirais étaient bien connus et certains jouaient juste en ville, mais ils savaient jouer de la musique et surtout ils savaient comment jouer correctement.

Tu te souviens de ton tout premier dj set ?

Patrice Scott : Mon premier dj set était à une soirée dans le sous-sol d’un ami et j’avais 13 ans. J’avais deux platines sans pitch, donc je ne pouvais pas mixer. La sélection musicale consistait principalement en des chansons populaires diffusées, à cette époque, par les stations de radio de Detroit. C’était une fête incroyable, pour le moins qu’on puisse dire, et que je n’oublierai jamais. J’étais tellement excité de jouer de la musique pour les gens

Tu as changé ta manière de considérer la musique depuis que tu la joues et la produis ?

Patrice Scott : Depuis que j’ai commencé à produire, j’ai tendance à disséquer la musique. J’écoute, dans les morceaux que je joue, des choses auxquelles je n’aurais normalement pas prêté attention et que je leur ai critiquées, bonnes et mauvaises. Pour le moment, je suis à peu près le même. J’essaie de jouer une variété de musique et de raconter une histoire en le faisant. Cela ne changera jamais.

T’es toujours la même personne que quand tu as commencé à jouer ?

Patrice Scott : Haha !!! Non j’avais 11 ans. Le temps a passé et j’ai mûri en tant qu’homme. J’essaie toujours de faire de la bonne musique mais de la présenter de manière plus organisée. Je m’efforce de raconter une histoire et d’emmener les gens en voyage.

En 2006, tu as créé ton propre label, Sistrum Recordings. À ton avis, pourquoi certains producteurs montent des labels et d’autres non ?

Patrice Scott : Certains producteurs créent des labels parce qu’ils ne veulent pas que quelqu’un ou quoi que ce soit les retienne. Ils veulent le faire à leur manière et ne pas avoir à suivre les règles de quiconque. Ils veulent être en contrôle de tout. Du moins, c’est pourquoi j’ai commencé mon label. J’ai eu et j’ai toujours ma propre vision que j’aime suivre. Certains producteurs n’hésitent pas à suivre les directives de quelqu’un d’autre, ils préfèrent procéder autrement.

Tu as un rituel avant de monter sur scène ?

Patrice Scott : Le seul rituel que j’ai est de ne pas écouter de house music. Je préfère écouter du jazz ou du hip hop. Ça me détend et détermine l’ambiance pour la nuit. Ça atténue aussi toutes les tensions que je pourrais avoir.

C’est quoi qui te rend heureux, ensuite, sur scène ?

Patrice Scott : Ce qui me rend heureux, c’est de voir les gens danser et profiter de la musique. La musique est une évasion de la réalité et de nos problèmes.

Un truc que t’aimes moins dans le fait d’être connu aujourd’hui et partie intégrante de l’industrie musicale ?

Patrice Scott : Je suis très reconnaissant d’être connu parmi beaucoup de gens et j’apprécie le soutien que je vis depuis de nombreuses années. Mais ce qui me contrarie, c’est que cette industrie ne se limite plus à la musique. Je connais tellement de dj’s / producteurs talentueux qui n’obtiennent pas le respect et la reconnaissance qu’ils méritent. Ça me rend triste.

Est-ce que tu sors souvent ?

Patrice Scott : Je ne sors jamais régulièrement et si je sors, c’est pour écouter un autre genre de musique ou pour aider de bons amis qui jouent quelque part.

Tu collabores avec des artistes américains et européens. Ça change ta manière de travailler ?

Patrice Scott : Mes collaborations ne changent rien. J’ai toujours ma vision à laquelle je tiens et que je garderai toujours.

« Dans 20 ans, les gens voyageront dans l’espace en écoutant de la musique. Ce sera une fête qui durera des semaines. »

Pourquoi on a encore besoin de faire la fête en 2019 ?

Patrice Scott : Nous continuons à faire la fête parce que la vie est parfois difficile. Nous avons besoin d’un moyen de nous libérer et de ne pas penser à toutes les luttes et à toutes les pressions présentes dans la société. C’est une belle et brève évasion de la réalité.

Pendant un temps, en Europe et au Etats-Unis, le fait de faire la fête pouvait être très politique. Tu penses que ce temps est révolu ?

Patrice Scott : Faire la fête en tant que parti politique peut être envisagé de plusieurs manières. À mes yeux et venant de la scène underground je ne pense pas que ce temps soit révolu. De nombreux artistes et personnes contribuent à cette scène et ne reçoivent pas le respect qu’ils méritent, mais ils continuent de le faire parce qu’ils croient en cette forme d’art et en ce qu’elle représente. Les personnes et les artistes qui soutiennent la scène underground ont juré de lui rester fidèle et de ne jamais céder même si certains aspects ont été transformés.

Y-a-t’il une forme de militantisme dans ton travail ?

Patrice Scott : Black lives matter !!! (Les vies des Noirs comptent !!! ndlr)

Tu crois que les gens feront la fête comment dans 20 ans ?

Patrice Scott : Dans 20 ans, les gens embarqueront dans une navette spatiale et voyageront dans l’espace en écoutant de la musique et en dansant. Ce sera une fête qui durera des semaines. Lol.


Patrice Scott, you’ve been involved in the Detroit music scene. What does it represent for you ? What’s left from Detroit scene in 2019 ?

Patrice Scott : The Detroit music scene represents global recognition. Detroit is respected on a world wide level and being involved in this scene has created many opportunities that have put me in touch with many great people on this earth. The Detroit scene is still one of the most respected and recognized scenes in 2019 and it continues to thrive on a worldwide level.

Do you remember your first party ?

Patrice Scott : The first party I attended I was 11 years old. It was a backyard party that my friend’s big brother was a part of. It was a collective of young men who called themselves Charivari. The guys who Dj’d the party went by the name Direct Drive. They played what was called Progressive music at the time (House music). My friends and I wanted to be Dj’s and once we heard this music we decided this was the kind of music we wanted to play.

What was your motivation for going out at that time ?

Patrice Scott : The motivation was the music. We wanted to go study the Dj’s and hear the music. It was like going to school.

What could have ruined everything at that time ?

Patrice Scott : It’s difficult to say what could have ruined it at that time in my life. I was an innocent kid who had not been exposed to many negatives. I guess something tragic would have had to happen for anything to ruin the moment.

What music did you listen to when you started going out ?

Patrice Scott : When I started going out I always listened to dance music. There were no regular places I went in. I went where ever some of the Dj’s I admired were playing.

You’ve been exposed to artists like Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May… What did it bring you?

Patrice Scott : Being exposed to these guys made me a realize how much the music influenced so many people. Detroit is a blue collar, hard working city and it can be heard in a lot of the music back then and now.

Who / what have been your other influences ?

Patrice Scott : My main influences were Chicago jocks. Back during that time the music they played was very inspirational and wide ranged. Some of the guys I admired were well known and some were guys who just played around the city but they knew how to play music and how to play it the right way.

Do you remember your first dj set ?

Patrice Scott : My first dj set was at a friend’s basement party and I was 13 years old. I had two turntables that did not have pitch control so I did not do any mixing. The music selection consisted of mostly popular songs that were played on Detroit radio stations back during that time. But it was an amazing party to say the least and something I will never forget. I was so excited to play music for people.

Have you changed the way you think about music since you have begun playing and producing ?

Patrice Scott : Since I have begun producing I tend to dissect music so to speak. I’m listening to things in tracks I play that I normally would not have payed attention to and critiquing them good and bad. As far as dj’ing, I’m pretty much the same. I try to play a variety of music and tell a story while doing so. That will never change.

Are you the same guy as when you started playing ?

Patrice Scott : Haha !!! No I was 11 years old. Time has passed and I have matured as a man. I still try to play good music but I try to present it in a more organized way. I try to tell a story and take people on a journey.

In 2006, you created your own label, Sistrum Recordings. Why do you think some producers create labels and some don’t ?

Patrice Scott : Some producers create labels because they don’t want anyone or anything to hold them back. They want to do it their way and not have to follow anyones rules. They want to be in control of everything. At least that’s why I started my label. I had and still have my own vision that I like to follow. Some producers don’t have a problem with following someone else’s guidelines so they prefer to do it the other way.

Do you have any rituals before going on stage ?

Patrice Scott : The only ritual I have is not to listen to house music. I prefer to listen to some jazz or hip hop. It relaxes me and sets the mood for the night.

And after ? What’s the feeling ? What’s the first thing you do ?

Patrice Scott : After I am relaxed and ready to play. It kind of takes the edge off and releases any tension I might have.

What makes you happy on stage ?

Patrice Scott : What makes me happy is to see people dancing and enjoying the music. Music is an escape from reality and our problems.

Is there anything you don’t like about the fact of being known and being part of the music industry today ?

Patrice Scott : I am very greatful that I am known amongst many people and I appreciate the support for many years now but what turns me off is that this industry is not just about the music anymore. I know so many talented dj’s/producers who don’t get the respect and recognition that they deserve. It makes me sad.

Do you go out regularly when not playing ? Where and why ?

Patrice Scott : I never go out regularly and if I do go out its to hear another genre of music or to go support good friends who may be playing somewhere.

You collaborate with American and European artists. Does it change the way you work ?

Patrice Scott : My collaborating does not change anything. I still have my vision which I stick to and always will.

Why do we still need to party in 2019 ?

Patrice Scott : We still party because life is sometimes difficult and we need a way to release and not think about all the struggles and pressures we have as a society. Its a nice, brief escape from reality.

For a while, in Europe and the United States, partying could be very political. Do you think this time is over?

Patrice Scott : The time of partying being political can be looked at many ways. In my eyes, coming from the underground scene, I don’t think the time is over because there are many artists and people who contribute to this scene and they do not receive the respect they deserve but they continue to do it because they believe in this art form and what it represents. Those people who support it and the artists have vowed to stay true to this game and not give in to what this has turned into in some aspects.

Is there a form of activism in your work ?

Patrice Scott : BLACK LIVES MATTER !!!

How do you think people will party in 20 years ?

Patrice Scott : In 20 years people will get in a space shuttle and travel in space while listening and dancing to music. It will be a party that lasts for weeks. Lol.

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