Les Nuits Sauvages

Karma She : « Je préfère les espaces queer, il n’y a que là que je peux enlever mon t-shirt en toute liberté si j’en ressens l’envie » – Heeboo
Agustin Farias

Karma She : « Je préfère les espaces queer, il n’y a que là que je peux enlever mon t-shirt en toute liberté si j’en ressens l’envie »

Interview Nuit - Octobre 24, 2019

Agustin Farias

Karma She, ou le pouvoir créatif de l’énergie féminine. Déconstruire pour reconstruire, à travers un projet artistique entre performance scénique, arts visuels et rituel musical, c’est Karma She, ou l’un des live de choix proposés par le collectif GAMUT, via son alter égo nuit Chosen Family, à l’occasion de son mini festival Crossfade, ce weekend à La Station-Gare des Mines.

On les connaît désormais, les programmations musicales de la Chosen Family, pour leur pertinence, leur douce déviance et leur folie, mais aussi pour le pain béni qu’elles nous offrent à chaque édition, l’assurance de découvrir un.e artiste qui va marquer nos vies. La preuve que mode et nuits ne sont pas forcément synonymes de gross teille de champ’ au VIP Room. Les Chosen Family on y va sans même forcément regarder le line-up, parce qu’on fait confiance, parce qu’on sait qu’on va ouvrir la bouche très grand, écarquiller les yeux, à la fois crédules et séduits, prêt.e.s à faire péter les t-shirts et à tout donner à La Station parce que c’est leur QG et là où leur mood prend vie, prend forme, le plus fidèlement possible. Sueur, eau, et liquides en tous genres. Blip.

Imaginé en collaboration avec l’Institut Français de la Mode et La Station-Gare des Mines, Crossfade prévoit de couvrir plusieurs thèmes à la croisée de la mode et de la musique : le talisman, les mécanismes de domination, la collusion entre mode, argent et culture pop… Pas pour rien qu’on retrouve, pour leur nuit très spéciale de samedi 26 octobre, des artistes aussi futuristes et constructeurs de changement(s) : FAKA, Karma She, VATICAN SOUNDSYSTEM, Dustina, Jeremy Cheung, Vava Dudu B2B Coco Gallo, Linda DeMorrir, Front de Crypte, pour faire court. Et parce qu’on aime les questionnements d’empowerment féministes, on s’est intéressés de notre côté à Karma She, aka Carmel Michaeli, artiste multi-displiscinaire israélienne basée à Berlin. Entre pop spyché et influences hip-hop, Karma She est femme, bombe et libérée. Boom boom dans nos coeurs. Boom boom dans tes yeux. Rencontre, à J-2 de la grande nuit !

© Agustin Farias

Peux-tu me donner ton nom, ton âge, ton signe particulier ? (juste comme ça)

Karma She, 32 ans, Sagittaire

KARMA SHE 32 Sagittarius 

Tu viens de Tel Aviv c’est ça ? Tu te souviens de tes premières soirées là-bas ?

You come from Tel Aviv right ? Do you remember your first parties when you were a teenager ? How do people party where you come from ?

Oui, quand j’avais 16 ans, j’ai commencé à faire la promo d’un club qui s’appelait Ha Tzofe à Tel Aviv, c’était un espace très industriel qui accueillait des soirées techno, avec des performances, des installations, des vidéos, il y avait des djs, des groupes de death metal, avec des projections d’immeubles qui s’écroulaient, c’était épique et ça m’a beaucoup inspiré. J’ai dû travailler à l’époque avec des artistes qui étaient bien plus âgés et j’ai été très chanceuse d’être acceptée et appréciée dans ce monde. Tous les weekends je me produisais lors d’œuvres dans le mood de l’œuvre de Marina Abramovic, au milieu de freaks et de créatifs.

When I was 16 I started working as a promoter for a club called Ha Tzofe in Tel-aviv, it was an industrial space that hosted art techno parties with performance, installations and video, they would have djs and death metal bands with projections of buildings collapsing, it was epic and served as a great training ground for me, I got to work with artists that were much older than me and felt very lucky to be appreciated there. Every weekend i would perform long Marina Abramovic inspired durational pieces to a crowd of freaks and creatives.  

C’est à cette époque donc, que tu as commencé à jouer ?

Is it at this moment that you started to play ?

J’étais batteuse et je chantais dans un groupe punk avec mon voisin, à Jerusalem, et j’étudiais l’art, je faisais des performances, du son. J’ai un jour réalisé que ce que je voulais, c’était faire bouger les gens, les faire ressentir quelque chose sur un plan physique, c’est pourquoi j’ai appris la musique électronique. J’ai pris un cours sur Ableton, et n’ai jamais arrêté de produire des sons, ça c’était il y a sept ans.

I was playing drums and singing in a post punk band with my neighbor in Jerusalem and at the same time also studying art and experimenting with performance and sound. I realized my ambition was to move people’s bodies, to make them feel it on a physical level, so for that I had to learn to produce bassy electronic music. I took a short course in Ableton and never stopped making beats, this was about 7 years ago. 

C’est quoi qui te plaît dans le fait de faire de la musique ?

What do you like about the fact of producing music ?

Rien ne me rend plus heureuse que d’écouter mes morceaux une fois finalisés, c’est un sentiment de liberté et d’indépendance incroyable. Les moments où je me sens le plus épanouie, c’est après une journée au studio. Ce sont souvent des journées sans fin, mais une fois que j’avance sur mes productions, ça n’a pas de prix !

Nothing makes me feel as good as listening to my completed tracks and really feeling it in my lena, it’s a feeling of freedom and self sufficiency. I feel most fulfilled on a good day in the studio. It takes endless so-so days but when I get breakthroughs it’s priceless. 

Et une fois sur scène ?

And once on stage ?

Être sur scène est tout aussi libérateur, et ça me force à repousser mes limites, à différents niveaux, à devenir en quelque sorte un super-humain. C’est un échange d’énergie très spécial, c’est une belle montée d’adrénaline…

Being on stage is also very liberating, and forces me to push my boundaries on different levels and to become a sort of super human. It’s a very special energetic exchange, also a crazy high. 

Tu te considères comme une grosse teuffeuse ?

You consider yourself as a party animal ?

Oui, totalement. J’ai besoin de m’aimer, de me faire du bien sur la piste de danse, c’est comme une thérapie pour moi ; tu sais, je passe la plupart de la semaine isolée, en studio, du coup le weekend j’ai besoin de me sentir entourée, en particulier dans des espaces un peu obscures qui poussent mon coeur à s’ouvrir, j’aime la rencontre de ces deux opposés. J’ai déménagé à Berlin il y a deux ans et j’ai beaucoup appris depuis sur la bienveillance en soirée ; je préfère toujours les espaces queer, il n’y a que là que je peux enlever mon t-shirt en toute liberté si j’en ressens l’envie. À Tel Aviv, la seule soirée où je me sentais bien était la KOK SHOCK, une soirée super cool et underground. Dans toutes les autres soirées, je me sentais vite envahie par les hommes, les femmes là-bas ne peuvent jamais se sentir à l’aise, ça manque de bienveillance. Désolée Tel Aviv mais tu as encore beaucoup à apprendre.

© Agustin Farias

Yes i’m def a party animal, i need to lose myself on a dance floor too feel good, it’s like therapy for me, i spend most of the week isolated in my studio so in the weekend i need to be around people, especially in spaces that are dark and also heart opening, I like these two opposites meeting. I moved to Berlin two years ago and i learned a lot about kindness in nightlife, i always prefer queer parties where i can alo take my shirt off if i feel like it . In Tel-Aviv the only party i could appreciate was KOK SHOCK a playful queer and underground party. In all the other parties there i would feel violated by men there, so mostly fems can’t relax and there is rarely a friendly. Sorry Tel-Aviv you have more to learn. 

C’est quoi qui te saoule dans l’industrie musicale actuelle ?

Are there any disadvantages in the fact of being part of the “night world”/”music industry” ? 

Elle est saturée et écrasante cette industrie, parfois je me pose des questions sur l’utilité de tout ça, de tous ces efforts que je fournis, mais j’apprends à juste « apprécier » le voyage, et à me détendre sur ce qu’est le succès et ce qui ne l’est pas. C’est un challenge de tous les jours, en tant qu’artiste indépendant, de se présenter selon les codes des standards professionnels. Puis il y a la question des réseaux sociaux, c’est là que tout se passe, mais ils m’angoissent terriblement.

The music industry feels over saturated and overwhelming, so at times i think what’s the point of all this hard work im putting it but im learning to enjoy the ride and be more chill about what is success. it’s challenging as an independent artist to present yourself in a level that matches the professional standards. And social media gives me anxiety but seems to be key. 

Karma She, il vient d’où ton nom de scène déjà ?

Karma, where does your name come from ? Why did you choose this one ?

Mon nom est Carmel, du coup Karma c’est un surnom qu’un ami d’enfance m’avait donné. Je vais souvent en Inde, et c’est là qu’en fait j’ai réalisé que je voulais créer un projet musical qui combine performance, danse et arts visuels mais qui puisse être aussi capable de faire passer un certain message d’énergie féminine créatrice. C’est comme ça que KARMA SHE est née.

My name is Carmel so Karma is a nickname a childhood friend gave me, I travel often to India and it was there that I realised I wanted to create a musical project that combines performance, dance and visual art while channeling creative female energy – so that’s how KARMA SHE came to life. 

Ta musique est un mélange de rap et de pop psychédélique, comment t’en est arrivée à ce résultat ?

Your music is a mix of rap and psychedelic pop music, how did you come to that mix ?

J’ai grandi aux États-Unis, avec beaucoup de hip-hop dans les oreilles. Queen Latifa m’a appris à ne pas écouter les conneries d’un mec quand j’avais 12 ans (“I punched him dead in the eye and said who you callin a bitch!?” – U.N.I.T.Y). Puis quand j’étais ado, j’ai écouté pas mal de punk et d’électroclash, des groupes comme Chicks on Speed, j’ai toujours admiré les femmes de pouvoir, en particulier celles qui étaient bad ass !

I grew up in America listening to a lot of hip hop, Queen Latifa taught me to take no bull shit from a man when I was 12 (“I punched him dead in the eye and said who you callin a bitch!?” – U.N.I.T.Y). As a teenager, I listened to a lot of punk music and electroclash bands like Chicks on Speed, I always admired powerful women, especially those with a bad ass attitude. 

Et en dehors de la musique, c’est quoi qui te donne l’envie ?

What are your other passions, aside from music ?

Le sexe, les drogues, l’eau et le soleil.

Sex, psychedelics, water and sun. 

Pour finir, c’est quoi ton grand rêve dans la vie ?

What’s your best dream in life ?

Je dois t’avoue que je me sens très chanceuse car mon rêve se réalise déjà : je vis de l’art ! Mon rêve aujourd’hui est de trouver un label pour mon album, afin que les gens qui ne me connaissent pas encore puisse l’écouter.

Must say I’m pretty fortunate my dream came true, I make art everyday! My current dream is to find a label for my album so people outside of my circle will be able to also hear it.

Adeline Journet

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