Les Nuits Sauvages

Kap Bambino, comme une K7 qu’on rembobine, tout effacer, et recommencer – Heeboo

Kap Bambino, comme une K7 qu’on rembobine, tout effacer, et recommencer

Janvier 18, 2019

François Quillacq

On les quittait en 2014, via quelques dernières dates enragées de festival estivaux. Kap Bambino, qui après une série de trois albums plus énervés les uns que les autres, entre 2006 et 2011, s’absentait, pour une durée indéterminée. Nous sommes le 18 janvier 2019, et cela fait quasiment 24 heures qu’un nouveau morceau a été dévoilé. Erase. Effacer, comme gommer cinq ans d’absence d’un des duos les plus punks de la musique contemporaine française. Effacer, comme gommer le vide, et les retrouver avec amour, un peu comme si c’était hier.

Hier, c’est à dire en 2006, rappelle toi. Alors que s’éloignaient déjà les années heureuses et insouciantes, mais douloureuses sur sa fin, de la seconde vague French Touch, alors qu’on oubliait presque déjà les années glorieuses de la lunaire et sexy electroclash, des punks, en sous-marins, commençaient à tater des machines. Aujourd’hui, si la techno s’est mise au punk. À l’époque, c’est le rock qui est devenu techno -ïde et techno -logique. Souvent comparés au duo canadien Crystal Castles, Kap Bambino, depuis Bordeaux, en est à l’époque, la version moins communicante, plus humaine, de rue, sans artifices, comme un feu de forêt qui n’aurait su être accidentel sinon fortement fantasmé. Rappelle toi de cette sensation d’étau, rappelle toi l’impression agréable de plonger ta tête dans les ténèbres et les miasmes d’un jeu de console.

François Quillac

En vérité, Kap bambino, aka Caroline France et Orion Bouvier, parfois trouvés sous les pseudonymes Khima France et Groupgris, n’ont jamais été la réplique de quoi que ce soit. Connus pour leurs prestations scéniques d’une intensité rare, Kap Bambino est le témoin d’une génération qui bouillonnait déjà. Anti-héros jusqu’au bout des ongles, le prémisse d’une rupture à laquelle personne ne s’attendait.

Rappelle toi, 2008, le début d’une crise financière et économique sans précédent pour nos jeunes générations. Le début des années noires où l’optique de ne jamais trouver de boulot domptait à jamais tes ambitions de vie. Rappelle toi, cette époque où les scènes semblait prêtes à exploser, rappelle toi, Crystal Castles, Dandi Wind, Duchess Says, Adult., Sexy Sushi, Lesbians On Ecstasy. Et il en manque. Rappelle toi ces meufs qui détonaient sur scène, sans prétention, sans détour, sans stratagème ; mais avec comme fer de lance, de pas faire de musique parce que c’est cool, mais parce que c’est évident, d’être là sur scène, et de tout péter. Rappelle toi donc d’un temps que tu n’as pas forcément connu. CQFD.

François Quillac

Erase est donc là. Bien là. Quasiment huit ans après Devotion, troisième album qui marquait le règne. Erase vient rappeler qui ils sont, pourquoi ils sont là, et remobilise les éléments d’un succès à prolonger : sincérité, rage et fascination du pire. Quasiment huit ans plus tard, presque rien n’a bougé. Et pourtant nos habitudes de fêtes frénétiques, plus intenses que jamais, aujourd’hui viennent nourrir et peupler nos imaginaires de vie. Nos espérances de Millenials ont transitionné, nos façons de vivre la musique aussi. C’est donc un retour honnête, magique et presque nécessaire auquel on assiste aujourd’hui. Une occasion donnée, pour une fois, de toucher l’explosion du bout des doigts, simplement, sans en attendre plus que ce que c’est : 3 minutes 37 d’exutoire, pour rembobiner la K7, oublier, et tout recommencer.

L’album du retour sort le 12 avril prochain. C’est le quatrième, et celui de la renaissance. « Dust, Fierce, Forever » sera peut-être pour beaucoup un album d’adolescence. On l’espère. Pour nous, ce sera celui de la maturité, de l’hibernation rompue, et d’un sursaut de vie, comme un hurlement dans la nuit. Dust, Fierce, Forever. Poussière, sauvage, pour toujours.

Adeline Journet

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