Newtrack, c’est le collectif protéiforme par excellence doublée d’une de ces success stories dont Paris peut avoir le secret. Au départ simple blog de copains qui ont envie de partager leurs coups de cœur et mixtapes favorites, le format connait une rapide expansion grâce aux fameux apéro BPM. On y voir alors déferler des milliers de jeunes gens modernes le Mardi sur la rive du Point Ephémère…
… 10h de son qui balaient le spectre horaire de l’apéro au club, dynamitant au passage un soir de semaine traditionnellement moribond. La belle idée ! Devant ce succès et les variantes qui en ont découlé, nous avons voulu en savoir plus et débattre de la nuit avec les deux fondateurs Morgan et Antoine.
Newtrack, ça vous est venu comment ?
Morgan : Aujourd’hui encore je ne saurais pas vraiment l’expliquer, rien n’a été calculé tout s’est construit petit à petit, avec des rencontres, des coups de cœur et des engueulades, la vie quoi. En 2012, j’ai créé un blog musical, Newtrack, comme beaucoup d’autres je partageais la musique qui me plaisait, c’est fin 2012 que nous avons décidé avec Antoine de créer une association pour faire des soirées. Toujours dans la même optique : découvrir et partager.
Devant le succès rencontré, vous n’avez pas pris peur ? Comment vous avez su gérer ça ?
Antoine : Nous n’avons pas vraiment pris peur puisque tout s’est fait très progressivement, on a jamais investi d’argent dans ce projet, le Point Ephémère nous a fait confiance pour la première soirée en nous mettant le lieu à disposition, les artistes ont accepté de mixer gratuitement et tout l’argent récolté à la première soirée a était investi dans la seconde et ainsi de suite. Cela nous a enlevé une grosse part de stress de ne pas être impliqué financièrement dans le projet et ça nous as permis d’évoluer à notre rythme, en connaissance de nos moyens mais tout cela avec beaucoup d’ambition et de détermination ce qui nous a permis d’en arriver là selon moi.
Il y a énormément de collectifs à Paris et tout le monde joue la carte de l’event « total » avec expos, projections, performances etc, c’est quoi votre patte à vous pour vous différencier ?
M : Ça a toujours été le cas, faire de l’événementiel c’est mélanger les arts et faire découvrir aux gens des choses qu’ils ne verraient pas habituellement. Il y a toujours eu des danseurs, des performeurs, on n’invente rien. Notre différentiation ne se fait pas vraiment par l’event “total”, aujourd’hui tous les collectifs le font, et heureusement, c’est une bonne chose. On se différencie par la manière de faire les choses, nous le faisons pour l’expérience et le partage. On ne travaille jamais ou le moins possible avec des prestataires classiques qui enchaînent les contrats.
« La nuit à Paris est faite pour les gens qui dorment et se lèvent tôt, pas pour les gens qui travaillent ou sortent »
Les personnes avec qui nous travaillons deviennent généralement des amis, des gens avec qui l’on partage un projet (nous portons les petits projets ou les gros projets nous portent).
A : Nous nous sommes toujours intéressés aux visuels dans nos événements que ça soit pour la déco dans la salle House généralement assez sunny avec pas mal de plantes, boules disco, une ambiance assez fun quoi. Sinon pour la Techno nous avons toujours installé une partie Vjiing, mapping, on a fait pas mal de structures home made en collaboration avec nos Vjs résident, le crew Lekker. On a tellement aimé ça qu’on s’est lancé tout seul dans le Vjing avec le logiciel HeavyM qui permet aux particuliers d’avoir un rendu assez pro. Nous avons à part ça convié plusieurs crew d’artistes comme le crew Jed Voras qui possède une galerie d’art dans le 11ème ou encore le crew RDLS qu’on avait invité à l’opening de notre deuxième saison des ApéroBpm.
Un de vos faits d’armes est l’invitation à Laurent Garnier, qui est un peu le rêve de tout crew. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?
On compare souvent Paris à Berlin ou Londres en termes de fête, pourtant on a l’impression qu’il reste encore des barrières, des freins, qu’ils viennent des autorités ou du public…
A l’échelle de Paris, malheureusement en semaine et moins le weekend, la vie n’est pas facile pour les gens qui travaillent ou sortent la nuit, il est compliqué de se déplacer, peu de commerces sont ouverts, de manière générale la nuit à Paris est faite pour les gens qui dorment et se lèvent tôt (que fait-on des gens qui travaillent la nuit et se couche tôt ?), pas pour les gens qui travaillent ou sortent.
« Quand j’entends les gens cracher sur le travail de David Guetta, je pense qu’ils n’ont pas toutes les cartes en main pour le juger ».
C’est pour moi le problème principal. A Paris la nuit, à partir du moment où tu déranges quelqu’un qui dort, tu as tort. C’est difficile d’évoluer dans ce contexte. Ce qu’il faudrait c’est avoir un représentant des gens qui travaillent la nuit au niveau de la ville, pour nous faire entendre !
A : On a beaucoup de mal avec toutes ces comparaisons, nous pensons que depuis quelques années on a vraiment prouvé de quoi la scène parisienne était capable de faire, on a la chance d’avoir des monstres comme Weather ou Peacock qui nous permettent de ne plus avoir à pâlir face à nos voisins européens. Rien qu’à notre petit niveau notre crew a quand même réussi à imposer une résidence mensuelle de plus de 1 000 personnes à Paris un MARDI avec les ApéroBpm ! Take that London et Berlin ! 😉
C’est quoi le plateau de vos rêves que vous n’avez pas pu encore booker ?
A : Kareen (Blawan + Pariah) – Perc (live) – British Murder Boys (Surgeon + Regis) – Dave Clarke
M : Morgi b2b Seth Troxler b2b Martinez Brother
Vous trouvez pas que les gens prennent trop la techno au sérieux et que le public a gagné en érudition ce qu’il a perdu en légèreté ?
A : Oui on trouve que pas mal de gens ont trop pris la grosse tête et se sont auto-proclamés “critique de teuf” en attaquant systématiquement le système son, la sécurité et plein d’autres choses et cela quoi que l’organisateur fasse.
Vous préfèreriez avoir un set du David Guetta des tous débuts ou un set du Richie Hawtin de maintenant ?
M : Un bon gros set de David Guetta, Richie Hawtin j’en ai trop bouffé. Quand j’entends des gens cracher sur son travail, je pense qu’ils n’ont pas toutes les cartes en main pour le juger. Aujourd’hui, pour moi il fait du business, à l’époque il faisait de la musique, c’est tout.
Vous vous définiriez comme des enfants de… ?
A : Des enfants du Rex Club, c’est là qu’on a découvert cette musique et les joies de la fête. C’est un immense honneur pour nous d’y avoir une résidence.
M : Un enfant des années 90 qui aime la musique électronique, rien de plus !
Qu’est-ce qu’on ne verra jamais dans une fête Newtrack ?
M : Un physio qui te recale à cause de ton style !
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaitez pour l’avenir ?
A : La seule chose que vous puissiez nous souhaiter c’est que ce projet continue autant à nous passionner et que nous continuons du coup à le développer.
crédits photos : Yann K.