Cardopusher fait partie de ces drôles de découvertes que l’on ne fait parfois qu’une fois dans sa vie. D’un son brut et inspiré, à des ritournelles sauvages et incisives ; du punk à l’IDM ; de Caracas à Barcelone, Cardopusher, aka Luis Ricardo Garban en a fait du chemin. Au fil du temps, il s’est trouvé dans une pâte acide, acerbe, maladive. Un délice encore gardé (trop) secret, dans le sud de l’Europe. Une perle rare, qu’on aurait voulu garder pour nous…
Samedi 7 avril, il sera chargé de mettre beaucoup de chaleur sur un niveau basse-ceinture, à l’occasion de l’édition spéciale de Sous Tes Reins à la Station-Gare des Mines. Entre acid, ambient, horror-disco aux notes d’EBM, ses sets consument le corps, ses tracks calcinent le coeur, son univers n’est que canicule et mauvaises résolutions. Pas rare des clubs français avec la sortie en 2017 de son génialissime New Cult Fear, il n’en est pas moins encore mal connu. Rencontre !
Cardopusher, ça vient d’où ?
Mon nom est Luis Ricardo, un ami à moi avait réduit ça à “Cardo” parce qu’il connaissait beaucoup de gens qui s’appelaient Luis, du coup c’était plus simple pour lui de m’identifier comme ça. C’est à cette époque là que j’ai commencé à faire des mashups, du coup j’ai juste voulu mélanger Cardo et Squarepusher. J’aurais aimé que l’anecdote soit plus intéressante (sourire)
Tu te souviens de ta toute première fête ?
Oui, c’était à Caracas à la fin des années 1990. A cette époque il n’y avait que quelques collectifs qui organisaient des soirée, très électriques, mais avec des racines très drum n bass. J’ai des amis qui avaient commencé à y prendre part et j’ai fini par aller à une des ces soirées. Avant ça je ne faisais que des concerts de rock, de punk, et c’est à cette époque que j’ai découvert le monde de la musique électronique.
C’est quoi le truc qui t’a marqué à cette soirée ?
Que la drum n bass n’était pas trop mon truc. Et ça ne l’est toujours pas d’ailleurs…
C’était quoi, à l’époque, qui te poussait à sortir ?
Tu sais, quand t’es jeune, t’es tout le temps plein d’énergie et t’as naturellement envie de traîner avec tes potes, alors faire la fête était une espèce d’excuse pour faire ça jusqu’au bout de la nuit.
On sortait comment à l’époque à Caracas ?
On se retrouvait entre ami.es chez un.e pote, on buvait des coups pour commencer la soirée. Ensuite on checkait les bars qu’on aimait bien, tu sais c’est ce genre de bar où les gens qui sortent en club aiment aller en before. C’était des bars pour se retrouver avant d’aller en club. Mais on ne prévoyait jamais grand chose à l’avance.
Il y a un truc qui à l’époque aurait pu tout gâcher ?
Pas vraiment, pas dans le monde de la nuit. Mais je me souviens sortir à Caracas était de plus en plus dangereux. C’est ce danger qui a tué la nuit, encore aujourd’hui.
Tu écoutais quoi comme type de musique ?
Je dirais que mon intérêt pour la musique électronique est venu avec ma découverte de Warp Records et de Rephlex. J’écoutais beaucoup d’IDM (Intelligent Dance Music, ndlr), du contenu de mashups (qui venaient de labels comme Tigerbeat6 ou encore Planet Mu). C’était l’époque pré-Internet, donc on était pas beaucoup à s’intéresser à ce genre de trucs…
Tu as changé ta manière d’écouter de la musique maintenant que tu la joues ?
Complètement. Quand j’étais enfant, j’étais du genre à adorer ou à détester une chanson, c’était aussi simple que ça. Puis en grandissant, j’ai progressivement fait mon chemin dans l’industrie de la musique, et je me suis intéressé à de nouveaux genres musicaux, à leur provenance, les instruments qu’ils impliquaient, les artistes qui les avaient fait émerger, etc etc…
Tu te rappelles de la première fois que tu as joué devant des gens ?
Oui, c’était en 2002, un ami à moi m’avait demandé de jouer, en warm-up, avant son live hip-hop, et j’ai accepté. Je me souviens de gens qui étaient à fond, ils avaient vraiment l’air de kiffer les tracks que je lançais, j’étais super surpris. Après ça, j’ai su que je devais continuer sur cette voie là.
Y’a un truc qui a changé chez toi entre ce moment et aujourd’hui ?
On dira que… je suis plus expérimenté aujourd’hui. Quand j’ai commencé j’étais jeune, et je ne connaissais pas la musique comme je la connais aujourd’hui, mes prods étaient vraiment basiques je trouve. Aujourd’hui, 15 years plus tard, après avoir déménagé en Europe, parcouru le monde et rencontré des gens qui me correspondent, après avoir exploré des tas de magasins de vinyles et eu tout un tas d’expériences diverses, tout a changé. Aujourd’hui, mes goûts musicaux et mes productions ont pris en densité.
Pourquoi avoir décidé de quitter Caracas pour Barcelone ?
C’était en 2008. Pour moi, tenter de faire ce que je voulais faire avec ma musique, à Caracas, n’avait aucun sens. La scène musicale qui m’habite n’y existe pas.
Tu te sens comment avant de jouer ?
Un peu anxieux parce que je déteste attendre.
Un verre pour te relaxer ?
Oui, un verre de rhum.
Et juste après, tu te sens comment ?
Toujours un peu frustré, je crois que j’aurais besoin d’une heure de set en plus, à chaque fois.
« L’industrie musicale vénézuélienne est quasiment morte »
Un truc qui te rend particulièrement heureux quand tu joues ?
Oui, le fait de pouvoir jouer la musique que j’aime et de voir les gens danser dessus !
L’industrie musicale vénézuélienne, elle va comment ?
Elle est quasiment morte. Comme le clubbing. Tout ça, c’est à cause de la situation politique et économique qui sévit depuis 20 ans. L’Espagne, ce n’est peut-être pas l’endroit rêvé non plus pour faire de la musique mais au moins, la scène musicale y existe, il y a une réelle industrie musicale ici, il se passe tout le temps quelque chose en ville, des festivals, des boutiques de disques qui ouvrent, du coup, la comparaison avec Caracas ne se fait même pas.
Il y a un truc qui te manque quand même, du Vénézuela ?
Oui, la nourriture, le temps et la verdure qu’on trouve peu en Europe…
Tu aurais des artistes vénézuéliens à nous conseiller ?
Oui, Bear Bones, Lay Low, Phran et Arca, ce qu’ils font est très intéressant.
Pourquoi les gens font la fête, d’après toi ?
Pour canaliser leur énergie ou simplement pour prendre de la drogue
Il fut une époque où en Europe, faire la fête était très politique, tu en penses quoi ?
Je crois que ce n’est pas demain la veille que ce phénomène se reproduira. Mais je crois aussi que les contextes sont toujours nouveaux et qu’il y aura toujours une raison de « fêter » politique. Cela reviendra, j’en suis certain, mais pas tout de suite.
Si tu devais militer pour un truc, là, tout de suite ?
Hmm, pour que les promoteurs donnent plus leur chance aux artistes locaux !
Tu penses qu’on fera la fête comment dans 20 ans ?
Je n’en ai mais alors AUCUNE IDÉE, mais j’ai vraiment hâte de voir ça !
Tu seras toujours de la fête ?
J’espère, oui oui ! Qui sait !
Et ton plus grand rêve, c’est quoi, d’ici là ?
De devenir millionaire mais en bitcoins
Rédactrice en chef
Adeline Journet
Eternelle gosse et grande chipie, Adeline est la petite fée de la bande. Toujours prête à faire des blagues, elle reste cependant intraitable en matière de chocolats, pains et autres mets sucrés et elle ne blague pas du tout avec les chaussettes. Procrastrinatrice quand il s’agit de se remettre en sport, elle est beaucoup plus réactive quand il faut sortir se déchainer sur la piste de danse.
Sa devise : “Oké, ça m’angoisse”
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