De la musique House et métisse pour réunir la Diaspora africaine à travers le monde ? C’est le projet du collectif sud-africain Batuk.  De Johannesburg, capitale de la Nation arc-en-ciel, au Mozambique en passant par l’Ouganda, les producteurs Spoek Mathambo et Aero Manyelo accompagnés de la chanteuse et artiste Carla Fonseca aka Manteiga se sont promenés de dialecte en dialecte, de culture en culture, pour créer une fusion hybride, chaude et engagée ; en bref, un véritable cri d’amour à toute une génération hyper connectée, et aujourd’hui fière d’être africaine.

Leur premier opus, Musica Da Terra, sort le 27 mai. Pour l’occasion, le collectif parisien Mawimbi les a invités à venir fêter avec eux le lancement de la Ganzoü au Petit Bain vendredi prochain.

Batuk est présenté comme un “collectif” et non un “groupe”, pourquoi  ça ?

Manteiga : En fait un groupe c’est comme une sorte de troupeau. Nous on se voit plus comme des artistes aux très fortes personnalités individuelles qui travaillent ensemble sur un même projet. Regarde, de mon côté je compose de la musique mais j’écris également des pièces de théâtre. Je suis actrice aussi. Spoek (Mathambo, ndlr) travaille beaucoup sur la musique et la vidéo et lui et Aero sont producteurs et DJ. Ils ont même composé de la musique pour le théâtre. Ce qu’on apporte à Batuk, ce sont nos forces réunies. Voilà pourquoi nous préférons parler de « collectif » plutôt que de « groupe ». Sans oublier qu’on est avant est surtout ami(e)s ! (sourire)

Spoek : Puis on invite souvent d’autres artistes à collaborer aux productions de Batuk, comme Grupo Zore par exemple !

Manteiga, tu avais dit en interview que la musique de Batuk était, en quelque sorte, le reflet d’une nouvelle réflexion sur le monde, quelque chose qui tendrait vers un continent africain “new age” ?

Manteiga : Tu sais, aujourd’hui, Internet nous lie tous. Cette version du monde est tellement différente de ce qu’ont connu nos ancêtres… Nous, en tant que génération hyper connectée, représentons cette mentalité « globale ». Batuk est le reflet d’une génération fière d’être africaine et a pour objectif de promouvoir et de préserver sa propre culture.

Il se passe quoi du côté de la musique électronique sud-africaine ? Depuis l’Europe on a franchement l’impression que c’est là que… tout se passe en Afrique.

Aero : La musique électronique sud-africaine évolue et grandit de plus en plus vite, enrichie par toujours plus de nouvelles influences et styles différents. Tous les jours y naissent de nouveaux producteurs, de nouveaux lieux, des clubs, des tubes, la scène sud-africaine est très dynamique, elle vibre réellement et pas seulement dans les grandes villes.

Vous avez l’impression que les choses changent ?

Aero : En fait, il y a toujours eu de grands talents tant en Art qu’en Musique ou autre en Afrique du Sud, mais simplement, avant Internet il était quasiment impossible de les faire connaître au reste du monde.

Spoek : Pendant l’Apartheid, les gens partaient en exile et du coup se faisaient connaître au monde. Mais je dirais que depuis la Coupe du Monde de football de 2010, les projecteurs du monde entier se sont pas mal focalisés sur l’Afrique du Sud grâce au large éventail de talents, tant en matière de musique, film, théâtre ou encore mode, que l’on a pu mettre en valeur pour l’occasion.

“La vie c’est de la politique. Le sexe c’est de la politique. L’amour c’est de la politique.”

Manteiga : Tu sais, l’Afrique du Sud compte 50 millions d’habitants, et environ 11 dialectes officiels différents. On compte autant de minorités culturelles africaines différentes, plus toutes les communautés malaises, indiennes, grecques, chinoises, juives, portugaises, britanniques, italiennes, libanaises… l’Afrique du Sud est un véritable melting-pot, et c’est ça qui rend le paysage artistique aussi riche.

Qu’est-ce qu’il en est de la xénophobie en Afrique du Sud ?

Manteiga : C’est une de nos préoccupations principales. Je suis du Mozambique et d’Afrique du Sud et ayant grandi entre ces deux pays qui partagent une histoire, une culture, un langage, un sens du rythme similaire je suis toujours étonnée face au manque de compréhension et de cohésion qui existe entre eux. Mais je remarque qu’il existe de plus en plus de projets hybrides sous le drapeau de ce que l’on pourrait appeler Afro House et je trouve ça génial.

Vous diriez que Batuk est un collectif politiquement engagé ?

Spoek : La vie c’est de la politique. Le sexe c’est de la politique. L’amour c’est de la politique. La famille c’est de la politique. Tous ces thèmes sont abordés dans ce que Batuk produit alors évidemment, c’est de la politique aussi !

Carla, tu écris quasiment toutes les chansons c’est ça ? C’est quoi le thème que tu abordes le plus ?

Manteiga : Oui c’est moi qui écrit toutes les chansons, quand on ne fait pas appel à d’autres artistes. Je dirais que mon thème de prédilection c’est… l’amour. Sous toutes ses formes. Quand je n’écris pas sur la personne que j’aime, j’écris que la paix, la paix dans le monde, comme Gira. Tout ce que j’écris n’est qu’amour.

Et le Daniel de votre chanson d’ailleurs, c’est qui ?

Manteiga : Daniel c’est personne et tout le monde à la fois. Daniel c’est celui qui a fui. Fui de chez lui. Fui une relation. Une situation. Cette chanson est pour tous les Daniel.

Vous l’avez enregistré où ce premier album Musica Da Terra ?

Spoek : En Afrique du Sud. Au Mozambique. Puis en Ouganda. On a travaillé avec des artistes des trois pays. C’était génial de pouvoir voyager et donner naissance à un projet aussi riche… !

Vous sauriez dire, chacun, quels sont les artistes qui vous ont marqué à vie ?

Aero : Sebo K, DJ Spinna, Booka Shade, Jerah… et la liste est encore longue.
Manteiga : Marina Abramovic de mon côté.
Spoek : Ouah, plein de monde… Dumile Feni, Prince, Guru… Archie Shepp et Pharaoh Sanders.

Vous pensez que la musique peut changer le monde ?

Spoek : Tu sais, je crois que la musique a déjà changé le monde, des milliers de fois, et de diverses manières !

Et votre rêve le plus cher, ce serait…

Spoek : … d’être capable de me réveiller et de réaliser mes rêves et ceux de ma famille, tous les jours que fait la vie.
Aero : De pouvoir vivre de mon travail et avoir un pied à terre un peu partout dans le monde.
Manteiga : D’être bénie dans ma vie de tous les jours et de devenir une véritable bénédiction pour ma famille, mes ami(e)s et le monde.

crédit photo : Justice Machaba