Pour certains, les plus mal renseignés, Polychrome c’est un collectif d’intellos qui donne des conférences sur la question du genre. Non. Oui. Enfin. Pas vraiment. Et pas que ! Pour d’autres, Polychrome c’est un collectif de jeunes gens déjantés, un peu dark sur les bords, qui déclinent le “queer-being” de jour comme de nuit, à travers musiques, découvertes, expérimentations et plaisirs divers….  A l’occasion du premier opus de leur soirée Plage Arrière au Chinois, on a demandé à Alex aka Paty, Laura et Samuel, de répondre à la question qu’on se pose souvent : “Pourquoi on fait des fêtes ? Et pourquoi la fête ?”.

Comment on se met à organiser une soirée ? Par quel biais et pour quelles raisons ? Qu’est ce qu’on y trouve, qu’est ce qu’on en sort, ressort, ressent, retire ? Qui, où, pourquoi et comment les fêtes existent ? La fête c’est quoi, et, pourquoi la fête ? Pourquoi aujourd’hui si importante dans nos vies ? A en croire la récente multiplication de collectifs et autres soirées depuis quelques années, il semblerait que la capitale ne soit pas en reste. Certaines naissent en coup d’éclat et meurent en finition “cra-cra”. Certaines prennent leur temps pour s’installer puis perdurent, traversant les années comme ton bon vieil oncle Emile, qui n’a pas pris une ride. Certaines trouvent leur légitimité dans des concepts de plomb. D’autres surfent sur la tendance du cool et CQFD. Chez Polychrome, il y a un peu de tout ça, mais surtout une volonté de partage, d’expérimentation et de prise de risque, qui en ravit plus d’un chez les cœurs alternatifs que nous sommes et souhaitons soutenir. Samedi, ils lancent leur nouvelle soirée : Plage Arrière. L’occasion pour nous de poser quelques questions au pôle soirée de cette bande de copains queer, coole et folle !

Présentez-vous, ou taisez-vous à jamais.

Paty : Alexandre, 25 ans, designer vêtement, dans le collectif depuis toujours !
Laura : 26 ans, en recherche d’emploi dans la com’, membre de Polychrome depuis mars 2016
Samuel : 25 ans, porteuse de valises dans la fashion

Quand on vous demande ce qu’est Polychrome vous répondez quoi ?

Paty : Le refuge de toutes les cultures déviantes ou marginales possibles autour du corps et de la sexualité.
Laura : Association culturelle, à caractère queer et féministe, proposant des événements autour du triptyque “corps, genre, désir”. Parfois et selon le public à qui je m’adresse, je dis aussi que ça a été fondé à l’école du Louvre etc etc. pour le côté “label”.
Samuel : Viens à nos apéros mensuels aux Souffleurs !

Samuel : “Il est important pour nous de construire des espaces safe où on peut tous s’amuser sans craintes”.

Et quand il est 4 h du matin, que vous êtes en soirées et pas forcément aptes à réfléchir, ça donne quoi ?

Paty : Tout dépend des consommations ! ahah parfois c’est mieux de rester flou.
Laura : 4h c’est souvent l’heure à laquelle je fatigue parce que je suis vieille et le moment où je commande mon 12ème Heetch de la soirée pour rentrer, avec une barquette de frites mayo du kebab en bas de chez moi. Donc en général j’ai plus la force de dire grand chose sur Polychrome.
Samuel : En général je me mets à dire pleins de mots compliqués que je comprends même pas moi même…

Un mot qui qualifie votre vécu dans le collectif jusqu’à aujourd’hui ?

Paty : ACCOMPLISSEMENT (perso et collectif)
Laura : A M O U R !
Samuel : Mais purée, Alex et Laura ont répondu avant moi, du coup j’ai l’air d’une idiote… Un mot ? “Meow”

Polychrome fait donc aussi des soirées. Pourquoi ?

Paty : Ça a commencé sans moi, c’était les Vilaines Moustachues, avec déjà une présence du live et de la perf ! Polychrome accueillait un concert chanté au milieu de la nuit. C’est cette énergie là que j’ai toujours voulu maintenir, au milieu des sets techno et des machines : les corps ! Un de mes meilleurs souvenirs depuis, c’est à La Station, lors de notre première Queer Station, on a pu inviter La Chatte quoi ! Le plaisir dans la programmation c’est les rencontres que ça peut créer… On a commencé à faire des soirées car c’est un bon moyen de se faire un nouveau public, de nouveaux adhérents, et l’argent que Polychrome peut parfois gagner est directement redistribué pour financer les conférences, ateliers ou projections que l’on organise, qui eux sont gratuit en général.

Laura : “J’aime bien les gens qui viennent à nos événements, ils ont de bonnes têtes”

Laura : De mon côté, je suis arrivée chez Polychrome pour la clôture de la Queer Week 2016, on investissait l’espace Confluences dans le 20ème pour ALEA #3. J’intégrais à peine le collectif et je venais tout juste de rencontrer Renaud, le président de Polychrome, quelques semaines avant. J’ai rencontré Paty ce soir-là, venu spécialement pour la soirée car il vivait encore à Bruxelles à l’époque. Le lieu était blindé, je me souviens avoir roadé entre les loges, la billetterie, la terrasse extérieure et très brièvement dans la salle de concert. Pas trop le temps de voir grand chose ni de comprendre grand chose excepté le stress des artistes (Sophie Morello notamment, avec un soucis technique de dernière minute qui a bien failli nous coûter son djset). Ce fut un moment fort pour moi car c’était aussi mes débuts dans le milieu trans-pédé-gouine. Je me souviens m’être dit : “wah ce petit monde”. Renaud claquait des bises à tout le monde et Samuel est arrivé avec fracas en fin de soirée, tel la star qu’il est. Puis j’ai fini par me gourrer d’after et par devoir payer une facture Chauffeur Privée (????) exorbitante.

Samuel : On a commencé par devenir partenaires des soirées qu’on aime, et qu’on soutient (Shemale Trouble, Sneaky Sneaky, Wet For Me, Venus Club, entre autres…) en fait. Puis très rapidement il est devenu évident que la nuit est tout aussi riche culturellement que nos conférences, nos ateliers, nos projections… Alors on s’est mis à faire nos propre fêtes ! Puis il est important pour nous de construire des espaces safe où on peut tous s’amuser sans craintes.

Le truc dont vous êtes le plus fiers en matière de fête avec Polychrome ?

Paty : Les deux Queer Stations étaient de vraies réussites, complètement différentes l’une de l’autre puisqu’on était sur l’extérieur en juin et en intérieur en septembre, mais on a toujours eu un super public, très à l’écoute, très cute ! Aussi, avoir accès à un lieu comme La Station-gare des mines qui nous a fait complètement confiance, c’est un vrai avantage !

Laura : Moi mon taff c’est la com et de faire en sorte qu’on trouve les bons partenaires avec Samuel pour être suffisamment bien relayés et que les gens se déplacent en masse. Alors pour moi, le truc dont je suis fière, ce sont les 1100 personnes intéressées sur l’événement de la Queer Station #2. Puis j’aime bien les gens qui viennent à nos événements, ils ont de bonnes têtes et surtout, ils sont toutes et tous super différent-e-s. Au final, il a fait un temps de merde pour cette deuxième Queer Station mais malgré la pluie incessante, le public était là.

Samuel : Avoir été invité par mes meilleures copines des Barbi(e)turix pour organiser une Wet For Me X Polychrome à la Chaufferie de La Machine du Moulin Rouge.

Votre plus grand fail ?

Paty : On ne fait des soirées que tous les deux mois, ça nous laisse toujours le temps de préparer comme il faut les choses et on évite les risques ! Peut-être qu’on peut dire que certains apéros Polychrome aux Souffleurs n’étaient pas glorieux… ?

Laura : Oui c’est toujours un peu last minute nos apéros aux Souffleurs tous les premiers dimanches du mois, mais ça leur donne un charme ! Sinon, probablement quand je suis bien ivre à la fin de nos soirées, que je me casse à l’arrache en laissant toute l’équipe gérer le bordel à ranger et le matos à ramener.

Samuel : Haha ! Les fails à répétitions comme dit si bien Laura ! Avant la fête on s’organise comme des fous, puis, une fois sur place, on a tellement envie de profiter de tout ce travail qu’on oublie tout et on se lâche. Puis le lendemain, c’est le drame : “euh, ils sont où les t-shirts Polychrome ? Oupsy, disparuuu…”

Comment on construit un line-up chez Polychrome ? En fonction de quoi ?

Laura : C’est Paty qui s’en occupe et je valide très très souvent ses choix car on écoute un peu près la même musique : des trucs très sombres et mélancoliques. Très punks aussi. Parfois on a la salle avant la programmation, parfois l’inverse, ça dépend. Il faut toujours rester cohérent dans ce qu’on programme, respecter un budget, ne pas trop faire de mélange de genres… On essaie toujours de se rapprocher d’artistes qui nous ressemblent, queer donc. Ce qu’on essaie aussi c’est de toujours respecter les ratio hommes/femmes. C’est très important pour un collectif comme le nôtre.

Paty : Pour moi un line-up c’est une construction très organique. Je lance des perches par-ci par-là et ça se construit sur les réactions. Les choses s’installent naturellement.. et en effet c’est en général une programmation plutôt sombre !

Samuel : Paty à une oreille musicale assez chouette, on le suit avec plaisir dans ses trouvailles. On écoute tout ce qu’il a à proposer, puis on en discute. Le but de nos fêtes c’est aussi de mettre en avant des artistes queer pas encore connu-es. Puis on aime bien se tourner vers nos copains/copines qui font la nuit à la Paris, pour trouver nos DJ !

Paty “en after, il y a souvent quelque chose de plus franc dans les rapports entre les gens”

Un ou des collectifs en particulier dont vous vous sentez proches ?

Paty : MUMUMUMUMU! Ce sont les gens les plus bienveillants et ouverts d’esprits que vous trouverez sur Paris ! Et musicalement, la Brigade du Stupre m’a beaucoup séduit avec leur soirée Stupra Militia #2 au Klub. Et toujours Barbi(e)turix, gouinement cool !

Laura : Je rejoins complètement Paty. On aime beaucoup les gens du collectif MU. On en est à notre troisième collaboration et c’est loin de se terminer ! Ils sont tous et toutes super chouettes là-dedans, difficile de faire plus pro et sympas. Sinon, idem, je suis assez admirative du travail des filles de la Brigade du Stupre, j’aime bien les idées qu’elles véhiculent.

Samuel : Tout pareil ! Un peu petit clin d’oeil pour les Fils de Vénus, que j’ai vu grandir depuis leur tout premier apéro dans des petits bars du nord de Paris jusqu’à leur première programmation à la Machine !

La fête ça représente quoi dans votre vie ?

Paty : Une bouffée d’air, l’exploration aussi.

Samuel : Un défouloir pour taper du pied (entre ami-es, ou seul au beau milieu de la piste) sans te faire embêter !

Laura : Je rejoins les garçons là-dessus. J’essaie un peu de ralentir sur la fête d’ailleurs, car je n’ai pas d’emploi stable et que j’ai toujours beaucoup trop vécu beaucoup au-dessus de mes moyens. En général, la fête pour moi c’est… me plaindre du prix de la pinte, ahah. Je crois même que c’est la première chose dont je parle en arrivant dans une soirée. Mais je m’en fous, j’aime bien être un peu conne parfois.

Votre track préf pour aller en soirée et à mettre à fond sur ses oreilles ?

Paty : Pelada – No Hay

Laura : Boule de Flipper de Corynne Charby (et oui)

Samuel : Freed from Desire – Gala (Oulalah, je l’écoute et, ça y est, j’ai envie de partir en teuf du coup !!)

Le track à mettre dans ses écouteurs pour rentrer d’after ?

Paty : Lena Platonos – Shadow of blood

Laura : La fête triste de Trisomie 21 (en boucle 612 fois)

Samuel : What’s a Girl to do de Fatima Yamaha

D’ailleurs, pourquoi on va en after ?

Paty : Pour explorer plus ! Il y a des barrières qui tombent en after qui sont intéressantes, et souvent quelque chose de plus franc dans les rapports entre les gens.

Laura : Je sais pas, j’ai plus trop la culture de l’after à Paris. Je l’avais beaucoup plus avec mes potes d4rkos de Nantes car on habitait tous et toutes à 5mn les un-e-s des autres & que basiquement on tenait 6 h avec 3 bières PILLS dégueulasses.

Samuel : Parce qu’on reste souvent avec nos meilleurs copains-copines, et qu’on fait pleins de câlins pour que les bras de Morphée soient plus doux à l’arrivée.

La plus belle fête de votre vie ?

Paty : Celle de mon premier para ahah ! C’est assez flou mais que j’en retiens, c’est une extrême intensité. Sinon sur 2016,  le festival Fusion en Allemagne, indescriptible! C’était absurde et beau, avec un sentiment de liberté qui nous a tenu sur les 5 jours !

Laura : Niveau fête dans des lieux parisiens, je crois que c’est un peu tout l’été que j’ai passé à la Station. Un lieu comme celui-ci où tu te retrouves entre potes, où tu finis par reconnaître les habitué-e-s, où tu bois une pinte à un prix respectable et où tu écoutes de la musique juste géniale, c’est agréable et rare à Paris. Mon plus joli souvenir ? Voir Flavien Berger mixer à trois mètres de moi avec sone’per autour parce qu’il faisait un temps de merde, la Station déserte… C’était assez marrant de voir un mec comme ça mixer au milieu de 3 pélos. Le closing de la Station, en octobre, était aussi hyper, hyper impressionnant. Jamais vu autant de monde dans un lieu que je fréquentais presque trois fois par semaine !

Puis j’ai adoré aussi la Tea Party de Kill The DJ au Gibus y’a un an maintenant. J’y ai découvert Nova Materia ! J’étais aussi juste en face de Chloé pendant son djset, c’était pas forcément désagréable comme vue. J’me souviens, j’avais passé le week-end à Paris avec une pote de Nantes, et on avait enchaîné avec Bonnie Banane & Ylva Falk à la Boule Noire puis le lendemain on était allé voir un pote mixer chez Moune et on avait fini le dimanche aprem là-bas, au Gibus, sur les rotules. Bref, beaucoup de belles fêtes en fait…

Samuel : Le mariage de ma mère quand j’avais 13 ans !

Quand on organise des teufs c’est quoi le rêve ULTIME ?

Paty : Je pense que ça doit être de pouvoir inviter d’un claquement de doigt les personnes que tu respectes le plus sur la scène musicale (et au delà) actuelle…

Laura : D’avoir l’influence qui te permet d’avoir 300 intéressé-e-s 30 minutes après avoir créé l’événement sur Facebook. La Parkingstone est pas loin de ça actuellement, c’est assez impressionnant. Je parle même pas des Wet For Me mais ça, c’est hors concours !

Samuel : Créer un vrai univers, transformer complètement l’espace qu’on nous propose et y inviter aussi des artistes visuels : vjing, performeurs. Puis pouvoir faire des ateliers basés sur le corps pour un éveil des sens maximal !

Et c’est qui l’idole qu’on aimerait y voir ?

Paty : Genesis Breyer P-Orridge ! I love you
Laura : Le groupe est dissout depuis 1997, mais… Cocteau Twins je dirais ?
Samuel : Leigh Bowery !!