Alcool, sexe, drogue, perdition. On pourrait croire à une mauvaise introduction, d’un mauvais reportage sur W9. Mais heureusement il y a D… Le Kiosque Infos Sida ! Et Fêtez Clairs ! Ces deux entités qui interviennent tard le soir, en club là où la fête est, aident le fêtard à… bien fêter, en prenant soin des autres, et surtout d’eux-mêmes. 

Non, la fête, ce n’est pas que ça. La fête est culture, à part entière, avec ses démons, ses vices, ses dérives, et ses plaisirs coupables. Boire, un peu, beaucoup. Prendre de la drogue. Différentes drogues. Mélanger les substances. Mélanger les usages. Ne pas connaître les usages. Mettre n’importe quoi dans sa bouche. Ne pas toujours utiliser les bons moyens de prévention. S’enferme dans les toilettes les mains dans les poches avec un(e) inconnu(e), et ne pas en utiliser du tout. Parce que c’est bien connu, « aujourd’hui, on ne meurt plus du sida ! ». Sic. Nombreux sont les points d’ignorance, la nuit. Trop nombreux sont les teuffeurs, qui simplement, ne savent pas. Ni comment, ni pourquoi. Et c’est là qu’interviennent Le Kiosque et Fêtez-Clairs. Non pas pour interdire mais pour prévenir, et inciter au bon usage ! Ils seront avec nous, demain à l’occasion de notre premier anniversaire, Heeboo : Les Noces De Coton. En attendant, rencontre avec Nicolas Buonomo chef de service des actions de prévention au Kiosque et coordinateur du dispositif Fêtez Clairs.

Ton rôle au Kiosque, il est lié à Fêtez-Clairs ?

Les deux rôles sont liés puisque dans le premier nous intervenons auprès du public LGBT+ et dans le second plus largement auprès des jeunes fêtards parisiens. Le lien entre les deux ? La Fête et la prévention.

Tu y es rentré quand, et pourquoi d’ailleurs ? 

Après la loi sur le Mariage pour Tous et tout le déferlement de haine qu’il y a eu, je me suis dit que je devais apporter ma petite pierre à l’édifice communautaire et j’ai donc commencé au Kiosque en Juin 2013 en tant qu’assistant de direction.

On vous voit souvent faire de la prévention en soirée, se déplacer c’est important ?

Depuis 1992 date de création du Kiosque, on a toujours fait de la prévention là où se trouve les publics et où les risques sont pris. C’est primordial d’avoir un lien sur le terrain pour se tenir informé des nouvelles pratiques, des nouveaux produits… pour pouvoir sans cesse proposer des stratégies et des outils de RDR (réduction des risques) que les publics pourront s’approprier.

« La plupart des intervenant-e-s sont des clubbers »

C’est quoi ton plus beau souvenir d’intervention en soirée ?

Plus beau je sais pas mais en tout cas celui qui m’a fait rire s’est passé il y a quelques semaines en club. Un teuffeur est venu sur le stand. Il a expliqué qu’avec les ecztas il avait envie de faire des câlins à tout le monde et qu’il s’était parfois réveillé à côté de mecs qui n’étaient pas son style. Du coup, quand il lovait sur un mec, il faisait en sorte de le ramener près de ses potes qui levaient ou baissaient le pouce selon s’ils pensaient que sans produits il l’aurait emballé ou pas. Voilà un bel exemple de solidarité entre potes !

Des collectifs dont vous êtes très proches ?

Le Kiosque coordonne Fêtez Clairs qui est un collectif de 14 associations toutes spécialisées dans la prévention. Cela permet ce qui est essentiel pour moi, le travail interassociatif et le partage d’expertises. Pour nos actions LGBT, on essaye au maximum d’intervenir avec d’autres structures comme les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, FièrEs, SexoSafe…

C’est quoi votre recette pour faire de la prévention en milieu festif sans que ça devienne quelque chose de rébarbatif et de moralisateur ?

Le secret est que la plupart des intervenant-e-s sont des clubbers. Ils ont donc un discours concret sur un sujet qu’ils connaissent et le public le ressent très rapidement. La confiance peut se créer et parler simplement des pratiques tant sexuelles que de consommations sans aucun jugement.

« La notion de consentement(s) est une réelle problématique en soirée »

La notion de risque, en soirée, tu as l’impression qu’elle est bien appréhendée par les teuffeurs ?

On constate sur le terrain que les teuffeurs connaissent souvent les effets des produits mais rarement les mélanges. La poly-conso est très fréquente et souvent sous-estimée mais à partir du moment où tu bois de l’alcool et tu prends un prod, il y a polyconso et les effets des deux associés sont imprévisibles. Les effets d’un eczta seront différents s’il est pris seul ou en buvant de l’alcool tout au long de la soirée.

Quel risque est le plus souvent complètement ignoré ou mis de côté par les clubbeurs ? 

La notion de consentement(s) est une réelle problématique en soirée. Je mets le mot au pluriel car il y à la fois le consentement à avoir des relations sexuelles avec une personne mais également le consentement à prendre des prods. Est-ce que la personne est consciente même si elle me dit « oui » mais qu’elle est perchée ? Suis-je assez conscient pour prendre un autre prod alors que je suis en pleine montée ? A partir de quand je suis consentent pour avoir des relations sexuelles  avec quelqu’un si je sais que sans produits je ne serais pas allé avec cette personne ? Ce sont des questions sur lesquelles on essaye de faire réfléchir les teuffeurs.

Encore beaucoup de jeunes, et moins jeunes, continuent d’avoir des coups d’un soir sans capote, pourquoi d’après toi ? 

En soirée on nous dit parfois ne plus avoir peur du VIH/SIDA car on n’en meurt plus. Il est vrai qu’en France on connaît de formidables progrès qui permettent aux personnes vivant avec le VIH d’avoir une espérance de vie égale à la moyenne générale avec un suivi régulier. Toutefois, certains groupes restent particulièrement exposés comme les jeunes hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les migrants d’Afrique Subsaharienne.

Aujourd’hui il existe un éventail d’outils pour se protéger du VIH dont le préservatif fait partie. La PrEP est un traitement préventif donné aux séronégatifs, le TasP permet aux séropositifs d’être indétectables et donc de ne plus être contaminants ou encore le TPE qui est un traitement d’urgence sous 48 h après la prise de risque. Il faut voir ces dispositifs comme une boîte à outils que chacun-e peut s’approprier. Et il y a également plusieurs méthodes pour se protéger des IST et différents moyens de contraception.

A chacun-e sa prévention !

Un message à faire passer à tous ceux qui font la fête ?

Oui un message essentiel : prenez soin de vous et de vos potes et surtout, amusez-vous !