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Mixtape / ALEJANDRO MOLINARI – « A remake of Close Encounters of the Third Kind » – Heeboo

Mixtape / ALEJANDRO MOLINARI – « A remake of Close Encounters of the Third Kind »

Mixtapes - Novembre 6, 2018

Alejandro Molinari. Ce genre de nom qui sonne familier à l’oreille. À la fois exotique, ésotérique et d’une élégance presque incroyable, il a y de la magie dans les mains, dans les yeux et dans la moustache de cet homme. Depuis son Vénézuéla natal où il fut à la fois punk et raveur à l’aube de l’adolescence, c’est dans une horror-dark-disco à la fois esthétique, totalement décalée et volcanique qu’on le découvre en 2016 grâce à Break The Bricks, sur le label Blindetonation. Puis c’est Nein Records qui le propulse un an plus tard vers une tournée en Europe. Rencontre(s) du troisième type, comme un coup d’amour de costume trois pièces en pleine forêt amazonienne.

Après Berlin, c’est Paris qu’Alejandro Molinari est venu conquérir de ses vagues chaudes et animales. Invité d’honneur de la messe d’anniversaire des 1 ans de Goûter de Nuit, samedi 10 novembre, il vient s’inscrire à cette longue liste de producteurs latino-américains qui ne cessent de ravir nos sens et donner un nouveau sens à nos danses depuis le début des années 2010. Nouvelle musique électronique, née de la fusion de cultures lointaines, entre ritualisme et avant-garde. Comme si la glace de la techno s’était entremêlée au plaisir du groove, sous le porche d’une maison inquiétante. Alejandro Molinari protège de la pluie mais pas des démons de la nuit.

L’occasion pour nous de lui demander une mixtape spéciale. À propos de « A remake of Close Encounters of the Third Kind », Alejandro raconte : « cette mixtape emmène l’auditeur dans un voyage inter-spatial coloré de percussions afro, de synthétiseurs post-punk et de quelques turbulences nébuleuses. »

Salut Alejandro, tu es vénézuélien, c’est bien ça ?

Exactement, je suis né à Caracas, la capitale du Vénézuéla.

Tu te souviens de tes premières sorties, quand t’étais ado, à Caracas ?

Oui, j’avais 12 ans quand j’ai commencé à pogoter dans les festivals de musique punk à Caracas. Je me souviens, je portais des chaines, j’avais une crête, j’étais couvert de tout l’attirail de la contre-culture punk. C’est ça qui m’a poussé à prendre une guitare, me mettre à chanter et à former un groupe de punk avec des copains. Je me suis mis à composer de la musique, influencé par cette peur adolescente totalement cathartique, et ce passage là m’a permis d’apprendre de mes erreurs. Ce n’est que peu de temps après cette phase que sont venues les percussions, les basses de la scène rave… et je m’y suis littéralement précipité. C’est mon séjour à Berlin, où je suis resté un an, quand j’avais 15 ans, qui m’a ouvert au monde des musiques électroniques et c’est naturellement que j’ai suivi ce chemin.

On fait comment la fête au Vénézuela quand on est jeune ?

Chez moi, les gens apprennent à danser très jeune. Aux anniversaires, aux mariages, à n’importe quelle forme de célébration, à la maison, dans les rues, il y a toujours de la musique. On a ces tambours typiques, faits à partir d’arbres tropicaux évidés, joués par la communauté afro-vénézuélienne dans les rues de certaines villes de la Côte. Les gens se réunissent pour danser autour de ces tambours géants sur lesquels sont assis les musiciens. C’est l’une des choses les plus fascinantes que tu puisses voir en Amérique Latine. Tu peux y sentir les racines africaines, leur mélange avec les cultures indigènes, c’est de la musique dans une de ses formes les plus pures.

Comment ça a influencé ton style musical ?

Sur la fin de mon adolescence, je me suis mis à chanter des chansons romantiques, des ballades, du rock latino, en majeure partie pour séduire les filles. Puis j’ai déménagé au Mexique, et c’est là que tout a changé. Mon frère Aleph m’a accueilli chez lui, et c’est lui qui m’a fait découvrir mon propre « dark side ». C’était un grand collectionneur de morceaux très rares, il m’a ouvert à certains diamants bruts du passé et à des références plus contemporaines qui m’ont conduit à un tout nouveau background musical et esthétique.

« Toute musique est un produit de son contexte socio-culturel »

Il m’a fait écouter Grauzone, Guerre Froide, A Number Of Names, Cybotron, Kauf et tout un tas de groupes underground. Pas mal des potes de mon frère sont musiciens et producteurs et il m’ont aidé à trouver les bon repères pour commencer ma carrière musicale. À cette époque, le Mexique connaissait son boom de la nouvelle scène électronique avec des gens comme Rebolledo, Thomas Jackson, Daniel Maloso, Max Jones et pleins d’autres. Cette période m’a beaucoup influencé. Tous les weekends, à écouter cette musique électronique aux racines mexicaines… Plus tard, je me suis plongé plus profondément dans mes expériences berlinoises et je me suis mis à produire ma propre musique, mélangée à cette atmosphère particulière.

Tu chantes dans plusieurs langues non ?

Oui. Aujourd’hui, je chante en anglais, en allemand, en espagnol et en français. Tu sais, l’une de mes plus grandes influences au monde est ce track : Demain Berlin, du groupe français post-punk Guerre Froide. Le vocaliste, Yves Roger, y chante en allemand, en français et en anglais. Ce morceau a été pour moi une révélation au moment de choisir en quelle langue je souhaitais chanter, quel rythmique de langue serait la plus esthétique… Il y a une autre chanson comme ça, Junge Roemer, par Falco, où il chante en allemand, italien et anglais. Pourquoi se limiter à une seule langue alors que je peux toutes les utiliser comme un musicien pourrait utiliser tout un tas d’instruments différents ?

Alejandro Molinari, c’est ton vrai nom ?

Oui, mon nom légal. Après avoir été dans plusieurs groupes, je n’étais pas sûr d’avoir envie d’utiliser mon vrai nom. J’ai pensé d’abord avoir deux personnages : un plus privé et un personnage public. Finalement j’ai décidé que je voulais juste être moi, même si mon véritable prénom sonnait un peu trop « Italo-Disco du début des années 1980 ». Néanmoins, j’ai bien un autre personnage qui me reste, c’est un autre projet musical qui s’appelle FUGITIV, que j’ai commencé avec Ignacio Itriago. Ce projet balance plus du côté du post-punk et des influences rock.

Trois mot pour décrire l’univers Alejandro Molinari ?

Organique / atmosphérique / contrée sauvage

Tu te considères aujourd’hui comme un gros fêtard ?

On dira que passé minuit, le loup est de sorti ! Néanmoins, je suis quand même un animal civilisé qui accorde de l’importance au dialogue et n’est jamais dans la destruction. Quand je joue, j’aime faire danser les gens et les pousser à se connecter à leur animal intérieur, marcher plus à l’instinct qu’à la raison.

Tu penses qu’on peut vraiment faire de la politique avec sa musique ?

Oui, la meilleure des musique c’est celle qui naît en réaction aux mouvements politiques. Comme le punk, ou la musique des Beatles, et beaucoup d’autres groupes des années 1970 qui portaient de vrais messages, contre la guerre par exemple. Donc oui je pense vraiment qu’on peut faire de la politique avec sa musique. De mon côté, j’espère pouvoir toucher les gens à travers certains messages, les inspirer et leur donner de l’espoir.

Et tu penses qu’on puisse faire de la musique sans jamais faire de politique ?

Oui, aussi. Même si toute musique est un produit de son contexte socio-culturel, créer de la musique qui impulse un changement politique n’est pas évident. La plupart des trucs qui sortent aujourd’hui sont terriblement dénués d’originalité ou de sens.

Et à côté de la musique, tu as quoi comme passions ?

Gurdjieff, les trucs néo-ésotériques, les aliens et je nourris une fascination constante pour les théories du complot.

Ton plus grand rêve dans la vie ?

Être libre de faire ce que j’aime.

Adeline Journet

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