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Herrmann : « Un jour il faudra bien faire face aux politiciens qui veulent contrôler nos loisirs – Heeboo

Herrmann : « Un jour il faudra bien faire face aux politiciens qui veulent contrôler nos loisirs

Interview Nuit - Décembre 14, 2017

Anaïs Lalitte

Herrmann c’est le genre de mec qui joue deux, voire trois fois par jour, quand vient le weekend, ou même en pleine semaine. C’est le mec qui passe ses journées à digger de la musique, dont le petit plaisir est de voir ta tronche qui se tord de plaisir quand il te lance sa dernière pépite pendant un set, et qui se retrouve vite en manque quand pas derrière les platines. Herrmann c’est le genre de mec qui aime la fête pour ce qu’elle est : une façon de s’évader face aux problèmes du quotidien, mais qui sait aussi qu’elle est matière et arme à résister. Herrmann, tu l’as rarement vu ailleurs que derrière des platines. Sous la douche, dans une forêt, dans la montagne ou dans une cave, du pareil au même !

Résident [BP] c’est au Hangar Bagnolet ET à la Java que tu pourras le capter samedi 16 décembre. Une journée comme une autre pour cet amoureux de techno, de Berlin, en bref, de fête ! De 10 h à 00 h pour la 3615 Connexion, nouveau projet orchestré par Beat à l’air et son collectif Edyfis, puis de 00 h à 06 h à Belleville pour la première édition de Secteur H au côté de Matrixxman. Grosse date, donc, et grosse occasion d’en savoir un peu plus

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Anaïs Lalitte

Herrmann, ta première fête tu t’en souviens ?

J’avais 17 ans et on avait décidé avec un groupe de potes de se faire un nouvel an à la campagne, on a dû forcer le local scouts (oui j’ai été scouts de France) pour emprunter un énorme Barnum (on ne l’a pas volé mais emprunté je tiens à le préciser, personne n’a vu qu’il avait disparu pendant un week-end) ! Le week-en était long mais ça en valait la peine, la soirée était vraiment réussie.

Le truc qui a rendu cette fête inoubliable ?

L’heure où blanchissait la campagne, comme dirait Victor Hugo, le petit matin était magique on avait fait un feu dans un baril pour se réchauffer et faire cuire les chipos du petit-déjeuner pour se donner des forces !

Le truc qui aurait pu tout gâcher, mais en fait non ?

Mon pote qui crise après avoir fait un aqua dans une voiture, qui décide de rentrer chez lui et finit par renverser un autre pote en voulant l’arrêter (je précise qu’il habitait à 60 km du lieu de la sauterie).

Tu écoutais quoi comme type de musique à l’époque ?

J’écoutais de tout comme aujourd’hui, j’aime beaucoup varier, du rap au classique ou bien de la disco à la techno. Chaque style a son moment ou sa situation. J’aime écouter Dutronc ou Brel quand je fais la cuisine par exemple.

Tu as changé ta manière d’écouter de la musique aujourd’hui que tu la joues ?

Oui je suis en permanence entrain de digger, à vouloir toujours trouver la perle rare qui me fait vriller. A l’heure d’aujourd’hui je n’écoute plus la radio à part dans les Heetch et je préfère mettre mon son dans tous les cas. Je peux paraître un peu fermé ; après ça ne m’empêche pas de m’ambiancer quand ma copine me met Fun radio à fond dans l’appart (même si je sature au bout de quelques minutes ahaha).

« Herrmann : Le truc qui me rend le plus heureux ? Mon voisin qui hurle pour me faire baisser le son, sa voix passe super bien sur mes tracks »

Ton premier dj-set, tu t’en souviens ?

Mon premier set, oui c’était au Pigallion. J’étais en B2B avec mon meilleur pote Korben avec qui j’ai aussi monté Edyfis, c’était une teuf organisée par des amis à nous, on était stressés comme des gosses qui devaient passer au tableau. Au final, après avoir lancé le premier track tout est redescendu et on s’est bien marrés, j’en garde un très bon souvenir.

A quel moment tu es devenu résident BP ?

Ma meilleure pote m’a emmené à la première [BP] ouverte au public et j’ai fait la connaissance des orgas, s’en est suivi la saison au Village Russe où j’ai donné un coup de main à l’organisation sans rien attendre. Le lendemain de la dernière de la saison, Stan et Isidore (Abajour) m’ont appelé pour rentrer dans l’orga et être Dj résident, j’étais tout excité.

Le truc super important qui a changé entre toi à l’époque et toi maintenant ?

Ma coupe de cheveux.

Aujourd’hui, tu te sens comment, juste avant un set ? 

Je suis toujours très pressé de passer derrière les platines, j’ai toujours un peu de stress quand je joue sur une grosse scène mais surtout très excité de voir comment le public réagit aux nouveaux morceaux que je viens de trouver. A la fin de mon set en général j’éprouve un sentiment de manque, et toujours une envie de continuer à jouer.

C’est quoi le truc qui te rend le plus heureux quand tu joues ?

Mon voisin qui hurle pour me faire baisser le son, sa voix passe super bien sur mes tracks ! Et sinon voir que les gens s’éclatent et soient complètement désinhibés.

Y’a des inconvénients dans le fait de jouer de la musique ?

Il n’y a aucun inconvénient à faire quelque chose que tu aimes, si j’y voyais un inconvénient ça ferait bien longtemps que j’aurais arrêté.

Tu te souviens de ton fail le plus mémorable ?

Ahahahah alors celui là je crois qu’il n’y a que six personnes à être au courant ! C’est assez mémorable, je jouais au Poney Club (l’ancêtre du Pipi Caca et du Peripate) pour une soirée privée. Tout le monde était sur controlleur du coup j’avais pris mon ordi pour l’occasion, j’étais le dernier à passer, la chaleur se faisait ressentir et le plafond commençait à goutter comme si tu sortais de ta douche. La condensation a fait sauter le controlleur, le son s’est arrêté pendant cinq bonnes minutes, je ne savais pas comment faire et il me restait une heure de set, du coup j’ai joué le tout pour le tout, j’ai ouvert Itunes et j’ai balancé un set que j’avais enregistré une semaine avant. J’avais tellement honte de faire le Air DJ que j’ai décidé de me mettre devant le booth comme si de rien était, les gens n’ont rien vu et il y a même un mec sorti de nul part qui s’est mis derrière le booth pour faire comme s’il mixait ! La scène était énorme !

« La fête réunit les gens autour de la même passion, peu importe ta religion, ta classe sociale »

Ta plus belle nuit sur scène en tant qu’artiste ?

Trois moments m’ont marqué : la première fois que j’ai joué au Tresor à Berlin. J’ai jamais été aussi bien accueilli et l’ambiance était vraiment intense derrière le booth. J’ai toujours vraiment été fasciné par ce club, depuis la toute première fois où j’ai passé ce long couloir enfumé ! Le monde de la nuit à Berlin est vraiment différent de celui de Paris, tu as une sensation de liberté dans les clubs que tu ne retrouves pas ici, je me dis que ce n’est pas plus mal car en France nous n’avons pas la même éducation et culture de la fête (on risquerait d’en perdre plus d’un).

Je pense aussi à mon B2B avec mon vieux pote Primitive avec qui on a joué au Château Perché, trois heures de set face au soleil qui se levait sur les montagnes d’Auvergne ! Je conseille à tout le monde ce festival, c’est un moment unique à vivre.

Et bien évidement toutes les fois ou j’ai joué aux [BP], c’est comme à la maison avec toute la famille !

Pourquoi les gens font la fête aujourd’hui ?

Besoin de décompresser, d’oublier cette semaine de boulot où ton patron te traite comme de la merde. La fête réunit les gens autour de la même passion, peu importe ta religion, ta classe sociale, comme le disait un grand philosophe qu’on ne cite plus “Venez comme vous êtes”.

 « Sortir est devenu une drogue. »

Tu as l’impression de toujours autant faire la fête ?

J’aime énormément faire la fête, je fais ça avec modération pour ne pas rentrer dans une banalisation. Des soirées, fêtes, anniversaires tu en as tous les jours maintenant, du coup je préfère bien choisir ma sortie.

Tu as l’impression que les gens ont changé de façon de sortir depuis quelques années ?

Oui j’ai l’impression que c’est rentré dans la culture humaine de sortir. Avant les gens se demandaient ce qu’ils allaient pouvoir faire le week-end : cinéma, bar, soirée chez quelqu’un… Maintenant les gens se demandent où ils vont aller pour pouvoir écouter du son, quel artiste est de passage à Paris, sortir est devenu une drogue.

Beaucoup de gens disent qu’avant, les gens faisaient la fête de façon politique, pour briser les codes, se libérer de certains carcans, et qu’aujourd’hui la fête ne peut plus être politique, tu en penses quoi ?

Je n’étais pas là à ce moment je ne peux pas vraiment juger, je vois juste aujourd’hui une jeunesse qui a besoin d’évasion face à tous les problèmes auxquels elle est confrontée.

On se plaint beaucoup du fait que l’on est freiné par l’Etat, mais à l’heure d’aujourd’hui il n’y a que très peu de personnes qui se battent pour notre liberté au sein de la fête. Quand on voit dans le monde dans lequel on vit je peux comprendre que la jeunesse préfère sortir pour s’amuser, même si un jour il faudra bien faire face aux politiciens qui veulent contrôler nos loisirs.

Anaïs Lalitte

Tu t’es déjà dit “plus jamais”, après une fête ? 

J’ai redis la même chose la semaine d’après.

Tu les vois sortir comment les jeunes dans 20 ans ?

J’imagine que la fête sera la même que pour nous il y a 20 ans, les gens aiment vivre dans le passé c’est pas pour rien que tout le monde dit : “c’était mieux avant” (même si personnellement, je ne suis pas du tout d’accord avec cette phrase).

On te verra toujours sur scène d’après toi ou t’auras raccroché ? 

J’aime la musique, le milieu de la nuit que ça soit derrière le booth ou en tant qu’organisateur, je ne serai jamais très loin de tout ça je pense…

Photos Anaïs Lalitte

Adeline Journet

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