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Feadz : « Le clubbing est devenu un sport de riches » – Heeboo

Feadz : « Le clubbing est devenu un sport de riches »

Interview Nuit - Mars 19, 2018

Feadz, pour nourrir tes oreilles, de « frais, de risques et d’innovation ». Un beau programme pour l’un des djs et producteurs français les plus exigeants de ces 20 dernières années. De son vrai nom Fabien Pianta, Feadz c’est un « vieux de la vieille », un mec qui assiste à l’essor du hip-hop et de la french touch, à Paris au début des années 1990. De sa rencontre avec Mr Oizo à BPitch Control en passant par sa collaboration avec Uffie, la musique électronique investit les clubs et Feadz réside. Mais dans l’ombre, la plus belle, celle qui fait briller d’autres pépites.

Jusqu’au premier album, en 2014, Instant Alpha, un hybride qui décomplexe déjà à l’époque, la scène de l’urban rave. Mercredi 21 mars au Gibus, à l’occasion de la soirée Global Riot spéciale « hip-hop hors normes », Feadz remplira à nouveau tes oreilles de ses découvertes surprenantes, sauvages mais douces comme l’amour.

C’est quoi la première chose que tu balances à quelqu’un que tu connais pas en pleine nuit ?

Feadz : Holà que tal ?

Et quand on est au beau milieu de la journée ?

Wesh

Pourquoi Feadz ?

C’est un nom que j’ai choisi à 17 ou 18 ans, je voulais juste quelque chose qui ne soit pas pris, qui ne sonne pas français et qui commence par la première lettre de mon prénom !

Tu viens d’où ?  Comment on fait la fête par chez toi ?

Je viens de Paris , j’ai vu naître le rap et la musique électronique grâce notamment a Nova au début des années 90 mais aussi radio libertaire FG etc. Ma grande soeur connaissait très bien la musique et je me suis impliqué très tôt.

C’était quoi le truc à l’époque qui rendait ces fêtes inoubliables ?

Ça dépend quelle époque, je me suis vraiment pris une claque sur la culture club techno en Allemagne au début des années 2000, je suis rentré dans mes premiers clubs par la cabine DJ, plutôt ambiance funk et hip hop. J’ai compris la langueur de la dance et la puissance chimique de la techno plus tard, en Allemagne donc.

« Le rap est un monstre incroyable à six têtes qui évolue de façon imprévisible »

T’as commencé à jouer quand ?

Au milieu des années 90, tous les vendredi soir, cinq heures de mix, puis dans différentes petites soirées avant de participer à des disques et en faire moi-même.

Tes premiers amours musicaux, tu t’en souviens ?

Prince, Public Enemy, Run DMC , Salt & Pepa, en cassette… J’ai du posséder une dizaine de walkmans !

T’as déclaré que t’aimais le rap “teubé”, tu peux nous expliquer ?

Ce que je voulais dire c’est que le rap est un monstre incroyable à six têtes qui évolue de façon imprévisible dont je n’ai pas manqué beaucoup d’épisodes. L’épisode du rap conscient, du lyriciste, a beaucoup d’années ; ça a commencé très fort avec Rakim ou KRS, là on est sur autre chose. Je suis plus tourné vers là où ça part plutôt que de là d’ou ça vient…

C’est quoi ta dernière GROSSE GROSSE découverte ?

Checkez Feadz / Rinse France, je fais des grosses emissions de deux heures avec tout ce que je trouve de meilleur tout le temps, c’est la patate !

Tu as changé ta manière d’écouter de la musique aujourd’hui que tu la joues ?

Bah oui énormément, tout ce que je cherche est 80% orienté club, que ça vienne de Jersey, des îles, d’Atlanta ou de Londres, c’est de la club musique a 90 % ; après, ce que je cherche dans la musique, ce sont des innovations, des risques et de la fraîcheur, je ne supporte pas la house inoffensive, il me faut des choses plus créatives et il y en plein !

Tu te qualifierais de gros fêtard ?

Bah il y a un moment où tu veux connecter avec les gens qui sont venus faire la fete, tu as besoin d’un peu de ça en toi sinon tu es sur ta propre planète, qui peut être en décalage avec la fête. Donc oui je dirais que je suis assez fêtard !

“Faire la fête”, ça veut dire quoi pour toi d’ailleurs ?

Pour moi c’est principalement prendre et donner des sensations incroyables, grâce a la musique, et les émotions qu’elle dégage au delà de 85 decibels. Mais en vrai je sais que pour la plupart des gens c’est juste l’occasion de boire, rencontrer des meufs, danser un peu et oublier les soucis et le stress de la vie…

Y’a un truc, de la façon qu’avaient les gens de faire la fête avant, qui te manque ?

Oui, une certaine mixité sociale, la curiosité musicale qui rassemblait plusieurs types de gens. Aujourd’hui il y a des lieux alternatifs, des circuits underground, mais le clubbing est devenu un sport de riches, vu le prix des consos, des entrées et des gens qui peuvent se permettre de rentrer en taxi…

Tu penses qu’on peut faire de la politique avec son son ?

Il y a beaucoup de musique qui ne sont pas du tout politiques, très peu de dance music se revendique politiquement au-delà d’un signe graphique ou d’un clip controversé ; après je trouve qu’on assiste à un rap de plus en plus apolitique… c’est comme ça…

Y’a un côté militant dans ta musique, ou dans ta façon de faire la fête, un truc qui te tient à coeur et que tu défend même si pas toujours ouvertement ?

Oui, et je pense qu’il est assez clair : il faut que ce soit frais pour mes oreilles, que j’aie quelque chose de vraiment nouveau, un petit quelque chose qui fait que ce morceau de rap ou de techno ou autre ne ressemble pas à la plupart des autres disques, à toute la musique que j’ai assimilée tout au long de ces dernières années.

C’est quoi le truc super important qui a changé entre toi à tes débuts, et toi aujourd’hui ?

Mes pieds ont grandi de façon extraordinaire, cinq ou six pointures au moins !

Il existe un ou des inconvénients dans le fait de faire partie du “monde de la nuit” ?

Je suis pas sûr d’en faire vraiment partie, je suis dans la musique, pas vraiment le monde de la nuit…

Tu les vois sortir comment les jeunes dans 20 ans ?

Je leur souhaite des sensations nouvelles, peut-être qu’on aura encore mieux capté les effets des fréquences et des basses à haut volume et qu’on obtiendra des trucs fous…

On te verra toujours sur scène d’après toi ou t’auras raccroché ?

J’ai une culture musicale a part entière,  j’ai été témoin d’une large tranche de temps dans la musique qui me semble pertinente.  J’espère juste que cette connaissance me sera utile et que je pourrai la partager d’une façon ou d’une autre !

Adeline Journet

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