C’est générationnel. Ce malaise et cette rudesse un peu douce et ronde. L’enfance, la nostalgie de paysages passés, l’épine de l’adolescence, la décadence de sentiments déjà bien bien jaunis. Un clin d’oeil dans le rétro et un regard bien vissé sur le moment présent. DJ Varsovie nous rappelle aisément ces mecs qui dans les années 1980, faisaient danser les foules sur leur mélancolie. DJ Varsovie donne envie de s’assumer dans son déclin qui fait du bien. DJ Varsovie, néo-sentimental qui apaise comme il réveille et révèle, les pires troubles d’hier, incite à taper du pied sur son spleen, secouer les cheveux sur sa colère, s’agiter comme pour se débarrasser d’un mauvais cauchemar sur sa disco brute.

Co-fondateur des soirées CONTAINER, aujourd’hui dissolues en octobre dernier et réaffirmées dans un label, Intervision, DJ Varsovie fêtera la sortie de son dernier EP, In Love In Macumbar à l’occasion d’une co-prod très spéciale, samedi 11 août prochain : Intervision x RAW à LaPlage de Glazart. L’occasion pour nous de lui demander une mixtape : « Voir Le Dernier Hôtel De Luxe Brûler« , et de lui poser quelques questions un peu ghetto. Rencontre.

Comment on en vient à la musique et au monde de la nuit ? 

J’ai commencé par apprendre le ukulele pour faire comme Julien Doré lors du casting de la Nouvelle Star, il m’a profondément marqué, c’est un immense artiste. Il arrive a représenter les villes moyennes avec une rare élégance, il est et restera pour moi, le Prince de Nîmes.

Ensuite l’électro est venu naturellement, je voulais avoir de très gros muscles sous un marcel blanc, jouer du Benny Benassi dans une Italie post-berlusconienne, être entouré de vélines au visage effacé, à l’enfance étouffée sous le maquillage sombre et les rêves synthétiques. Je n’ai malheureusement jamais continué dans l’haltérophilie, vous pouvez voir sur les photos que je n’ai pas les muscles que je m’étais juré d’avoir. Le temps passe, les rêves aussi… Pour la Techno, je l’ai découverte aux États-Unis dans la décapotable de mon vieil ami Max. Ce collègue de coeur m’emmenait arpenter les villas de ses potes de lycée. Nous roulions dans la vallée de Studio City en écoutant cette musique que je ne connaissais pas encore.

Je suis tombé amoureux. 

« L’esthétique décadente, moderne et sensuelle des filles sous ecstasy, cela me faisait rêver »

Aux soirées artificielles, s’ajoutait les splifs et mes 17 ans. La musique devenait la bande originale d’une tragédie tendre, celle de l’adolescence, des histoires d’amours que je n’ai pas pu vivre. J’ai commencé à organiser des soirées à mon retour des États-Unis (j’y étais parti rejoindre ma famille), à ce moment là, j’étais épris d’une telle colère qu’il fallait que je trouve un moyen de la faire sortir. Avec mon ami Tom nous étions maintenant (je peux le dire en toute modestie) plutôt à l’aise avec les platines, de vrais as de la courroie. Nous voulions trouver un moyen de nous faire connaître… Nous avons appelé quelques potes et organisions de fil en aiguille, notre première soirée Container.

Container, l’une des premières soirées à reprendre cet esprit rave perdu dans la fin des années 1990…

Plusieurs choses me plaisaient dans l’idée d’une rave ; tout d’abord, l’esthétique décadente, moderne et sensuelle des filles sous ecstasy, cela me faisait rêver, m’évoquait ce que pourrait potentiellement peindre le dernier peintre vivant dans les environs de 2085. J’aimais voir les corps se tordre. Comme les derniers soldats d’une guerre futuriste, épuisés sur la terre boueuse, agitant le deuil sous une lumière noire, pauvre substitut au soleil.

Le nom DJ Varsovie, il t’est venu comment ?

C’est une histoire super débile, mais en 3ème, je voulais m’appeler « DJ Ghetto » (elle est vraiment pas terrible mon histoire, mais bon je continue…) et puis, un après-midi, lorsque nous étudions en cours d’histoire le ghetto de Varsovie, j’ai fait le lien et je me suis dit pourquoi pas « DJ Varsovie ».  Ayant moi même quelques lointaines origines juives polonaises et sachant (peut-être inconsciemment) que je pourrais utiliser ma trouvaille pour emmerder ma mère, très sensible à ce sujet.
Ce nom de scène ma semblé la meilleure option. J’ai plein d’autres histoires à raconter là-dessus mais je vais m’arrêter là…

Le disco brut pour toi c’est quoi ?

Le Disco brut, c’est du disco dans l’intention, c’est à dire animer des salles des fêtes, faire danser les jeunes mariées (ou les vieux…), animer des campings et des discothèques, on garde la structure d’une musique de bal mais on y ajoute la dureté du sentiment, d’où sa forme plus violente, plus industrielle. comme si Nagui avait perdu sa femme la veille, et qu’il animait Taratata avec la voix cassée après avoir trop crié son nom.

L’univers DJ Varsovie, en quelques mots ?

50 % Camping  50 % Tenebres 

Un track parfait pour la fin d’été triste ?

Romy Schneider & Michel Piccoli – La Chanson d’Hélène 

Faire la fête, ça représente quoi pour toi ? Pourquoi on fait autant la fête en 2018 ?

Je n’en sais rien, je ne fais plus la fête à Paris, je suis plus du genre à organiser des soirées Netflix, on prend de quoi fumer et un bon whisky puis on s’éteint doucement jusqu’à l’aube, c’est une fête intérieure, une messe moderne, des choses remontent, des images oubliés… des images d’elle. 

CONTAINER ça a amené quoi dans ta vie ?  

Beaucoup de choses, nous étions jeunes et beaux.

Un truc qui te manque, de l’époque CONTAINER ? Un regret ?

L’infini se cachait dans les petites choses…

Une jouissance particulière en regardant dans le rétro ?

Je me souviendrais toujours de la free party dans la maison abandonnée de Créteil, berceau de ma première et plus forte histoire d’amour. Les roumains qui y habitaient passaient de la psytrance, je n’aurais pu rêver meilleurs témoins.

Ton rôle, dans la nuit ?

Le diable, déguisé en DJ de camping.

DJ Varsovie c’est quoi comme type de vice ?

Deux vices : la Jalousie et l’alcool, car le premier entraîne le second.

T’as déjà été à Varsovie au fait ?

Jamais ! mais je prépare l’année prochaine avec mon ami Panzer, une tournée en Pologne. Nous arpenterons alors en Renault Scénic, les parties les plus sombres du pays, pour jouer dans diverses salles des fêtes et autres chapelles.

In Love In Macumbar c’est ton deuxième EP qui est sorti là en mai. T’en es satisfait ?

Oui j’en suis très fier, le maire de Toulon m’a d’ailleurs appelé pour m’en féliciter. Il faut noter que « In Love In Macumbar » est une commande. Je l’ai composé pour Michel, un patron de discothèque toulonnais, devenu par la suite un ami.

Il est bien plus rond que le premier, il s’est passé quoi entre les deux ?

Je change de direction artistique à chaque disque, tout en gardant le même univers et la même émotion.  Je suis d’ailleurs en train de préparer plusieurs autres EP dont « SOMBRE IBIZA » mon premier EP d’EDM. Il comportera de nombreux morceaux très hot comme Girls On Drugs ou encore When He Touches Your Body, de quoi faire danser toute la nuit mes doux rêveurs des côtes espagnoles.

Tes influences d’adolescence, d’ailleurs, elles viennent d’où ? 

Beaucoup de choses m’on ému et guidé durant les tendres séismes de mon adolescence, j’ai toujours été un grand fan de chanson française, Marcel Mouloudji restera un des plus grands même si Nougayork, album réalisé par Nougaro durant sa période dépressive et alcoolique, a aussi les atouts pour être sur le podium. J’ai passé mon adolescence au cinéma, la plupart des émotions fortes de cette période y proviennent. On se bourrait la gueule devant la cinémathèque, puis on manquait de se faire virer parce qu’on faisait trop de bruit durant les séances. J’ai appris là-bas à tomber amoureux des images, c’est ce qui m’a formé.

Et sinon ?

Alors… j’ai 24 ans et je suis toujours aussi beau gosse (j’avais assez peur de perdre mes cheveux car mon père les a perdu à 23, mais tout va bien, j’ai passé le cap et j’ai toujours une belle crinière comme dit l’agent d’accueil de la piscine du Val de Fontenay)

Y’a un truc militant, une vocation autre que musicale dans ta façon de faire de la musique ou de concevoir la fête ?

Oui, ré-instaurer les bals populaires et les soirées slow dans toutes les villes de France.

Tu te vois où dans 20 ans ? 

À Sydney, avec la cousine d’un ami dont je tairai le nom, mais il n’y a aucune chance, elle sort déjà avec un joueur de polo et je ne joue pas au polo…

…mais bon j’ai peut-être un atout car j’ai commencé le Tango cette année.

Ils feront la fête comment les jeunes d’après toi ? 

Ils prendront des psychotropes dans des morgues… Non, j’espère qu’ils quitteront les villes pour rejoindre les paysages où enfants, ils partaient en vacances… les premiers paysages.