Les Nuits Sauvages

ANGST : « Une contemplation punk, une conjuration de l’angoisse » – Heeboo

ANGST : « Une contemplation punk, une conjuration de l’angoisse »

Interview Nuit - Mars 8, 2018

Bruce LaBruce

La nuit, les lumières se font, sur les plus sombres aspirations du monde. Obscures désirs, déviantes manipulations et malaisantes observations prennent place, forme, naissance. La fascination du pire devient plus qu’acceptable, cheval de proue des plus extraordinaires moments de nuit. ANGST, c’est la soirée hommage au vice, au délicieux vice, enfant légitime des cabales de l’enfer. ANGST, c’est la réconciliation entre queers et techno. ANGST c’est la dernière perversion des passionnés du magazine mode Spleen Factory. Parce que la mode et la nuit sont « un peu deux versions d’une seule et même chose. »

Samedi 10 mars, c’est la grande première au 142 rue Montmartre. Une nuit noire comme on les fait si bien à Paris. Comme on y aspire quand sonne le glas du weekend. Le lancement de ANGST. Un rendez-vous galant avec techno qui frappe bien et fort, luxure, amour, mais aussi et surtout, l’univers queercore de Bruce LaBruce… Avant la ANGST #1 Queercore, on a posé quelques questions aux quatre instigateur de ce grand libertinage à venir, Pierre, Sylvain, Emmanuel et Théo.

Lancer sa propre soirée, beaucoup de gens y pensent mais d’où vient l’impulsion réelle ?

Pierre : La nuit nous tient tous beaucoup à coeur. Elle est partie intégrante de notre mode de vie, autant comme un loisir que comme une forme d’inspiration. Il était tout naturel pour nous, cohérent, logique et nécessaire d’organiser une soirée!

Sylvain : « Spleen Factory tourne autour de la mélancolie adolescente, du romantisme un peu crado, traité avec fascination et un peu d’ironie »

Emmanuel : Et ça fait maintenant pas mal d’événements qu’on organise, que ce soit dans nos jobs respectifs ou au sein de Spleen Factory, donc on avait vraiment envie de se tester sur une soirée.

Sylvain : Préparer un magazine ou une collection de vêtements, c’est très enrichissant mais c’est un processus fastidieux. Les soirées ont un impact direct, c’est rapide et intense, c’est très excitant. C’est un bon moyen pour faire connaître les différentes activités de Spleen Factory à un public plus large.

Theo : Parfois on a du mal à trouver tout ce que l’on veut dans la nuit à Paris, du coup il était temps de faire les choses nous même.

Angst, ça vient d’où ce nom, ça signifie quoi pour vous ?

Pierre : Angst c’est un peu intraduisible, c’est utilisé en anglais et en allemand pour décrire une sorte d’angoisse un peu panique, une détresse contenue mais un peu hystéro. Enfin, c’est comme ca que je le vois, c’est le TEEN ANGST d’Araki. C’est un concept qui englobe de manière assez parfaite les thèmes et esthétiques que nous explorons depuis le début avec Spleen Factory. Une contemplation punk.

Emmanuel : Ce nom c’est aussi un peu une conjuration de l’angoisse.

Sylvain : Toutes les activité de Spleen Factory tournent autour de la mélancolie adolescente, du romantisme un peu crado, traité avec fascination et un peu d’ironie aussi. On aimait bien l’idée d’un mot intraduisible, un peu dark et un peu drama. Et puis bon, je me suis fais tatouer Teenage Angst en référence à la chanson de Placebo il y a pas longtemps (parce qu’en vrai je suis une adolescente de 14 ans) du coup on a pas cherché plus loin.

Le principe de la Angst, c’est quoi ?

Pierre : S’inspirer des fêtes libres techno et de l’esprit queer pour insuffler une petite vague de liberté cathartique dans le milieu quelque peu sclérosé de la nuit intra-muros.

Emmanuel : Avec une présence artistique forte, la plus immersive possible, qui inspire et nourrit l’imagination pendant la nuit -et peut-être plus-, d’où Bruce LaBruce pour la scéno de cette première édition. Et effectivement, on souhaite que les personnes qui viennent se sentent libres d’être ce qu’elles veulent et en possibilité d’expérimenter.

Pierre : « Lorsque tu passes de la grosse tech avec un set design par Bruce Labruce, le QUEER se transforme tout naturellement en QUEERCORE »

Sylvain : Danser très fort avec de l’art autour de soi.

Bruce LaBruce

Vous parlez de la notion de “queercore”, comment vous expliqueriez cette idée à des non-initiés ?

Pierre : Le queercore est un concept appartenant à Bruce LaBruce. Il lui permet d’inscrire sa pratique filmique et photographique dans un concept militant autant sur un plan sociologique, politique qu’esthétique. De notre coté, nous sommes particulièrement concernés/impliqués/acteurs auprès de la communauté LGTBQ+ et nous nous revendiquons queer, c’est a dire non catégorisables, non assignés dans nos genres et sexualités. Nous défendons une liberté absolue et un respect mutuel. Il était important pour nous de faire figurer le mot QUEER dans notre évènement car c’est ce que nous voulons qu’il soit : libre, joyeux, hétéroclite, militant… Et lorsque tu passes de la grosse tech avec un set design par Bruce Labruce, le QUEER se transforme tout naturellement en QUEERCORE.

Emmanuel : C’est une esthétique sans compromis, queer, politique, excitante et sexuellement explicite. Avec beaucoup d’humour aussi. On est hyper heureux de présenter le travail de Bruce LaBruce dans ce contexte de fête.

Sylvain : Pierre c’est la passionnée en chef du Queercore donc je vais me contenter de hocher de la tête. Bruce LaBruce est un collaborateur régulier de Spleen Factory, un type très sympa, dispo, drôle et bien attaqué, comme on aime.

Votre clubbeur Angst il ressemble à quoi ?

Pierre : Une beauté un peu étrange. Un corps à l’extreme.

Emmanuel : Il/elle ressemble à tout, à rien, à ce qu’il/elle veut, et se défait de ses contraintes.

Sylvain : Si tout va bien à la fin de la soirée il ressemble à rien.

Théo : Sylvain m’ôte les mots de la bouche

Une égérie qui ressemble à la Angst ?

Pierre : Courtney Love mais en plus couillue

Sylvain : Armande Altaï, notre mère à tous.

Elle a quel rapport avec la mode la Angst ?

Pierre : C’est le milieu dans lequel nous évoluons et travaillons. La nuit fait partie de la mode et réciproquement. Nous percevons la mode comme un mouvement de société plus que comme une industrie. C’est une plateforme de prise de parole, un espace propositionnel ultra intense. Au même titre que la nuit. C’est un peu deux versions d’une seule et même chose.

Sylvain : On aime bien le côté performatif de la mode, on aime faire des vêtements et les mettre en scène. On produit aussi pas mal de défilés pour d’autres entités en parallèle de nos activités, du coup on appréhende l’organisation de Angst de la même manière.

Vous pouvez m’en dire plus sur Spleen Factory, comment l’aventure a commencé et pourquoi on lance un magazine dans les années 2010 ?

Sylvain : Spleen Factory à commencé il y a quatre ans, Pierre et moi nous sommes rencontrés autour de l’envie de monter un magazine sur le thème de la mélancolie. On s’est paradoxalement vraiment marré et notre idylle créative s’est poursuivie autour de plusieurs publications et de soirées de lancement au set design un peu chiadé. Ca nous a donné envie de nous investir dans la production d’images, de vidéos, de décors, d’events.

Sylvain : « On veut inviter tous les artistes qu’on aime à investir nos espaces, même ceux qui ont dit “non” pour cette première édition »

En quatre ans l’équipe a grandi, nous avons pu grâce aux talents de tous nous mettre à produire des événements pour d’autres, shooter des campagnes, tourner des clips, faire défiler nos propres vêtements, organiser des soirées. Maintenant nous sommes neuf chez Sleen Factory, nous nous considérons comme un collectif créatif. On décline notre esthétique romantique tristoune sous toutes les formes qui nous chantent. Sérieux, je crois que le seul truc qu’on fait pas c’est les soins dentaires, et encore.

Pourquoi ce line-up ?

Emmanuel : c’est Théo qui a guidé ce line-up. En gros l’idée était d’avoir une techno pure et dure, avec une référence européenne (Under Black Helmet), un hommage à nos nombreuses nuits à Champ Libre (SpunOff) et un live EBM musclé (Mind Over Matter)

Sylvain : Théo arrive au bureau le matin avec de la techno dans les oreilles, il vit techno, il bouffe techno, il dort techno. Un vrai passionné. Du coup on lui a laissé les rennes de la programmation, et je crois que ça va être très cool.

Pierre : Le seul impératif était que ce soit précis et que ca tape fort.

Théo : Dans le but de réconcilier les queers et la techno à Paris

C’est quoi la principale difficulté rencontrée quand on monte une soirée ?

Pierre : Concilier toutes les envies. Accepter qu’on ne peut pas fusionner TOUT ce que l’on voudrait faire en une seule fois. Il faut accepter la frustration d’être contraints par un lieu et un temps donnés, l’un comme l’autre n’étant pas extensibles et définissant des espaces dans lesquels il faut accepter de se cantonner tout en y trouvant de la liberté.

Sylvain : Pierre à raison, et c’est certainement pour ça qu’on touche à autant de médias différents pour faire passer notre message.

Théo : Ne pas devenir folle quand on vous dit “Non c’est pas possible”

L’avantage qu’il peut y avoir ?

Pierre : Se faire la soirée sur mesure dont on a toujours rêvée et y inviter toutes les personnes avec qui on veut la passer.

Emmanuel : Preach

Théo : Pareil

Sylvain : C’est grisant de voir un club plein danser à fond tout ça parce qu’un beau jour on s’est motivés pour tout mettre en place.

On y boit quoi à la Angst ?

Pierre : De la bière majoritairement, du gin tonic sans concombre (ce qui se résume à du gin mélangé à du tonic) pour les plus chics, de la vodka red bull pour les plus hargneux.

Sylvain : J’ai demandé spécifiquement à ce que le stock de Get 27 soit vérifié en début de soirée mais je crois que la vodka-Get ça n’intéresse que moi.

Théo : De l’eau aussi, beaucoup d’eau

On y danse quel type de musique ?

Pierre : De la techno sous toutes ses formes.

Sylvain : Sous toutes ses formes sales.

Théo : Des musiques qui font transpirer

Elle est copine de quels autres collectifs la Angst ?

Pierre : On a que des copines.

Emmanuel : Les copines en colère de CLAQ, la Queer Week

Sylvain : On aime tout le monde mais on est particulièrement reconnaissants aux collectifs qui se bougent pour la cause queer et à ceux qui ont dépoussiéré la fête à Paris ces dernières années, qui en ont fait un espace safe, engagé et créatif.

Pourquoi ce choix de lieu ?

Sylvain : Le 142 s’est présenté comme une opportunité pour cette première édition. La bonne taille, le bon display, la bonne équipe derrière.

On attend quoi de cette toute première soirée ?

Pierre : Une explosion, une émancipation furieuse, un hurlement joyeux ! Je compte bien m’en souvenir un bon moment. J’espère que les gens seront heureux, portés par la musique, s’amuseront, s’oublieront, se sentirons libre de se laisser aller. J’espère que cette soirée se transformera en une réelle expérience. Une expérience intense, extrême, épuisante.

Emmanuel : Pierre est tellement chaud qu’on ne sait plus quoi dire !

L’avenir de la Angst il est où ?

Emmanuel : Angst est plutôt du genre à vivre au jour le jour, mais l’idée c’est d’en faire un rendez-vous régulier.

Pierre : Oui, un régulier un peu irrégulier c’est bien!

Sylvain : On est un peu impulsifs dans nos choix de projets et on aime bien battre le fer tant qu’il est chaud, donc si ça se passe bien on se penchera direct sur une deuxième édition qui arrivera rapidement. On veut faire évoluer le concept et inviter tous les artistes qu’on aime à investir nos espaces, même ceux qui ont dit “non” pour cette première édition – on est pas rancuniers, on sait bien que le PDF de présentation était pas très beau.

Adeline Journet

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